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N° 1753

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre les discriminations dont les gens du voyage
sont victimes au moyen d’une extension efficace tant de leurs droits
que de leurs devoirs,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Bruno FUCHS, Didier LEMAIRE, Vincent THIÉBAUT, Brigitte KLINKERT, Charlotte GOETSCHYBOLOGNESE, Charles SITZENSTUHL, Bruno STUDER, Louise MOREL, Stéphanie KOCHERT, Françoise BUFFET, Hubert OTT, Richard RAMOS,

députés.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La population qu’il est convenu de regrouper sous l’appellation plus poétique que juridique, des « gens du voyage » dont a émergé, d’un point de vue pragmatique, une catégorie administrative, est estimée selon les sources à un nombre oscillant de 250 000 à 400 000 personnes aujourd’hui en France.

La réalité étant toujours plus complexe qu’une donnée statistique, ce sont, en fait, plusieurs communautés différentes, aux origines historiques et géographiques lointaines très variées, qui sont ainsi désignées, sur le constat d’un héritage originaire commun, celui de leur mode de vie nomade ou semi‑nomade. Mode de vie attaché à un caractère d’itinérance objectif et réel mais de moins en moins exprimé pour se résumer davantage dans le choix d’habiter en résidence mobile.

Parmi ces communautés citons les Tsiganes, terme utilisé pour désigner l’ensemble des populations, toutes ethnies et tous statuts confondus, qui se reconnaissent d’un peuple originaire des Indes et dont la langue orale issue du sanskrit a été transformée au contact des civilisations et cultures rencontrées au cours de leur migration qui a démarré au Xe siècle.

Nous pouvons aussi mentionner les Manouches (ou Sinti), principalement présents en Allemagne, en Italie et en France depuis le XVe siècle, les Gitans (ou Kalé), surtout présents en Espagne, ou les Roms, plus traditionalistes, qu’on retrouve essentiellement en Europe de l’Est.

Notons également qu’à la fin de la guerre de 1870, de nombreux Yéniches d’Alsace ont opté pour la France et sont venus également se joindre à la masse des familles vivant une vie structurée autour de l’itinérance. Enfin précisons que les forains forment une « catégorie » qui doit encore être singularisée dans cette désignation générique les gens du voyage.

Dès lors il est important de garder à l’esprit que la terminologie « gens du voyage » ne renvoie pas à une population homogène, mais à divers groupes ethnoculturels qui ne sont porteurs ni des mêmes réalités, ni des mêmes demandes, ce qui fragilise ce statut et peut induire des biais dans leur perception sociétale et la gestion administrative de ces populations.

Pour limiter cette difficulté d’appréhension, il est donc convenu de s’attacher essentiellement à leur dénominateur commun, l’itinérance ou la semi‑itinérance, voire l’habitation en résidence mobile.

D’un point de vue anthropologique, le mode de vie des gens du voyage constitue donc une expression résiduelle d’un modèle très ancien de société itinérante désormais en voie de disparition dans le contexte contrastant d’une sédentarisation débutée avec la naissance et le développement de l’agriculture et qui, désormais, connaît même son apogée avec une hyper‑concentration urbaine de nos sociétés modernes.

Sous l’angle juridique, le mode de vie nomade ou semi‑nomade, et plus globalement l’habitation en résidence mobile illustre surtout et particulièrement la liberté d’aller et de venir.

La liberté d’aller et venir, ou liberté de circulation, est internationalement consacrée par la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948. En droit interne, elle est également constitutionnellement protégée, les sources internes de cette protection trouvent ses fondements dans la DDHC et ses articles 2 et 4, puis dans la Constitution de 1791 garantissant "la liberté à tout homme d’aller, de rester, de partir ".

Ainsi adossée au plus haut niveau de la hiérarchie normative la liberté de circulation est en fait l’une des libertés les plus anciennes de notre droit.

Pourtant force est de constater que cette liberté n’a pas été d’une application limpide s’agissant des gens du voyage puisqu’historiquement nos législations successives ont, au contraire, initialement organisé un encadrement strict de la circulation des "nomades".

Ainsi rappelons l’extrême rigueur de la loi du 16 juillet 1912 quant à la surveillance et au contrôle des déplacements des marchands ambulants, des forains et des "nomades" dont l’objet était de soumettre les gens du voyage à des règles d’identification dont les critères relevaient de la criminologie. Ce système nettement stigmatisant, sinon discriminant, fut abandonné par la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe. La loi de 1969 visait à instaurer un régime unique "d’itinérance" s’appliquant à l’ensemble des non‑sédentaires. Concrètement, ce texte identifiant quatre types de non‑sédentaires avait, néanmoins, laissé subsister un régime d’autorisation préalable dont plusieurs dispositions ont été jugées comme étant inconstitutionnelles au fil du temps et avaient encore amené la Halde à dénoncer, en 2007, ce dispositif qu’elle considérait comme manifestement contraire à l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. La Halde estimait précisément que le dispositif subsistant de la loi de 1969 violait l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et l’article 2 du Protocole n° 4 en ce qu’il instaurait « manifestement une différence de traitement au détriment de certains citoyens français. »

À l’appui de son analyse, la Halde avait notamment fait valoir que l’inscription sur les listes électorales soumise à une condition de résidence continue de 3 ans sur le territoire d’une commune alors que ce délai n’est que de 6 mois pour les personnes sans domicile fixe ou encore que le système de rattachement des "gens du voyage" à une commune, conditionné au respect d’un seuil ne devant pas dépasser 3 % de la population totale de ladite commune, ou que la soumission à un "livret de circulation" et à un "carnet de circulation", participaient de la survivance d’un caractère discriminant des dispositions propres aux « gens du voyage ». Tant est si bien que le 5 octobre 2012, le Conseil constitutionnel déclarait contraires à la Constitution les dispositions de la loi de 1969 instaurant un carnet de circulation. Enfin, c’est la loi « Égalité et Citoyenneté » et son chapitre IV « Dispositions améliorant la lutte contre le racisme et les discriminations » qui abrogera la loi du 3 janvier 1969. L’adoption définitive de ce texte important mettant fin aux flagrantes discriminations entre nationaux dont étaient victimes les gens du voyage.

Si nous ne pouvons que nous féliciter de cette évolution législative, même tardive, qui a gommé les discriminations les plus flagrantes dont étaient victimes les gens du voyage, nous constatons que le législateur n’a pas été aussi efficace pour placer les collectivités en capacité d’accueillir les gens du voyage. La loi en vigueur du 5 juillet 2000, dite « loi Besson », dans son application a échoué à garantir un strict et nécessaire respect de l’ordre public qui ne peut être remis en cause du fait de la protection de la liberté d’aller et de venir aussi fondamentale soit‑elle, comme elle a aussi échoué s’agissant de prévenir certaines discriminations qui demeurent encore persistantes vis‑à‑vis des gens du voyage.

Pourtant, depuis la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, plusieurs textes sont intervenus directement ou indirectement sur cette problématique, citons la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance, ou encore la loi du 7 novembre 2018 relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, sans que les effets de la liberté d’aller et de venir, soient gérés de façon satisfaisante, ce qui d’ailleurs a suscité le dépôt de nombreuses propositions de lois au sénat et à l’Assemblée Nationale.

Le constat qu’il convient d’en faire, se résume à trois points :

1) Vingtdeux ans après son adoption, le bilan d’application de la loi Besson est très largement insuffisant

Le manque chronique d’aires permanentes d’accueil, d’aires de grand passage pour les pèlerinages et les rassemblements estivaux, et de terrains familiaux pour répondre à un besoin de sédentarisation est aujourd’hui criant. C’est le principal problème à gérer quand on s’attaque à la problématique gens du voyage. La difficulté de parvenir à un niveau d’accueil des gens du voyage quantitativement et qualitativement satisfaisant provient de l’évidence de l’équation suivante : si la liberté d’aller et de venir constitue un principe universel dont la réalisation incombe à l’État, ses corollaires que sont l’escale, l’accueil et le stationnement sont à la charge des collectivités qui très souvent n’ont ni l’accompagnement, ni les moyens nécessaires pour les assumer.

L’État accompagne certes le financement de la création des aires d’accueil et terrains prescrits dans les schémas départementaux dans les conditions fixées par la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 et le décret n° 2001‑541 du 25 juin 2001. Cependant ce niveau de financement est‑il adapté à l’ampleur de la mission d’accueil ?

Dans le cadre du Plan de relance établit sur la période 2021‑2022, l’État cofinance également les travaux de réhabilitation des aires d’accueil vétustes à hauteur de 20 millions d’euros. Toutefois, cette somme ramenée au nombre d’aires concernées semble, à l’évidence, insuffisante. Parallèlement à notre réflexion et aux solutions dont notre dispositif propose la mise en œuvre, il y a donc un débat à mener conjointement relevant d’un choix politique de l’exécutif et des lois de finance.

La loi Besson amène les collectivités, communes ou EPCI, à s’engager dans des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage,

Ces schémas, à valeur prescriptive, sont le résultat d’une concertation entre tous les acteurs à l’échelle locale : services de l’État, collectivités territoriales et représentants des gens du voyage. Ils fixent, en fonction des besoins constatés, le nombre et la localisation des équipements à créer. Ils tiennent également compte des enjeux d’insertion professionnelle, de scolarisation, d’accès aux droits et à la santé.

Or à ce jour, 26 départements seulement ont satisfait aux obligations de leur schéma départemental. Et le taux de réalisation de leurs objectifs est défaillant.

Seules 79 % des aires permanentes d’accueil et 65,4 % des aires de grand passage ont été réalisées. Quant aux terrains familiaux locatifs, seuls 26 % ont été réalisés.

2) La lutte contre les installations illicites manque de fermeté et d’efficacité

Reconnaître et protéger la liberté de circulation, le mode de vie nomade ou semi‑nomade ou simplement le choix d’habiter en résidence mobile, ne signifie nullement affranchir leur bénéficiaire du respect de l’ordre public, des lois de la République et du respect des libertés individuelles et fondamentales des autres citoyens, à l’instar du droit de propriété constitutionnellement protégé.

Même une expression comptant parmi les plus absolues et libres du nomadisme incarné par le nomadisme touareg, a toujours impliqué le devoir de respecter des règles, comme celle des règles pastorales et de se soumettre aux autorités hiérarchiques des territoires traversés.

Malgré la généralisation des amendes forfaitaires de 500 euros pour occupation en réunion illicite du terrain d’autrui, minorée à 400 euros et majorée à 1 000 euros, d’un usage factuel limité, et le doublement des peines encourues avec la loi du 7 novembre 2018 (article 4) qui les a portées à 7 500 euros d’amende et un an d’emprisonnement, les communes en cas d’occupation du domaine public ainsi que les propriétaires privés, se sentent encore démunis, notamment face à des installations trop courtes qui rendent le délai de mise en œuvre de la procédure de demande d’évacuation forcée inopérante, mais suffisamment longue pour être parfois associée à des dégradations de biens préjudiciables coûteux pour les collectivités.

3) Des discriminations à l’égard des gens du voyage persistent encore

La non‑discrimination des gens du voyage implique les mêmes droits et devoirs que les autres citoyens.

S’agissant des discriminations dont les gens du voyage sont victimes, il est bon de rappeler qu’elles relèvent pour partie de discriminations que les gens du voyage alimentent eux‑mêmes. En effet, ils se forgent parfois une mauvaise réputation en donnant le sentiment qu’ils peuvent impunément s’affranchir des devoirs incombant à chaque citoyen, voire même des lois de la République, dont le respect de la propriété et du bien d’autrui, en s’installant de façon illicite sur des terrains publics ou privés, alors même que des terrains d’accueil existent ou que des alternatives leur sont offertes. À cet égard, l’exemple du non‑respect des restrictions estivales de l’usage de l’eau sur les aires de grand passage ou permanentes d’accueil est souvent évoqué par des maires sèchement interpellés par leurs administrés.

Néanmoins, la plupart des discriminations dont les gens du voyage sont victimes résultent du non‑recours, d’obstacles à l’accès aux droits et de plus grande difficulté à exercer ces droits dont pourtant chaque citoyen devrait bénéficier sans que le choix de son mode d’habitation n’interfère.

Un rapport d’octobre 2021 de la Défenseure des droits fait état, de façon fort édifiante, de la persistance de discriminations qui n’honore pas notre État de droit, et auxquelles il est nécessaire de remédier rapidement.

*

Parce qu’elles illustrent particulièrement la liberté d’aller et de venir, composante de la liberté personnelle protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, l’itinérance, la semi‑itinérance et l’habitation en résidence mobile sont des modes de vie qui doivent être reconnus et respectés.

L’escale et son accueil, corollaires qui y sont attachés, doivent donc être facilités et organisés au plus proche des besoins des gens du voyage, dans le respect de leur culture et dans la dignité des conditions d’hébergement leur étant offertes, de façon à favoriser leur intégration au tissu socio‑économique des collectivités qui les accueillent.

Cependant, le libre choix de ces modes de vie ne saurait dispenser en rien du nécessaire et strict respect des lois de la République, tel qu’il incombe à chaque citoyen français ou ressortissant étranger de passage sur le territoire national.

Au titre de ces libertés et valeurs protégées par la loi, figurent notamment le droit de propriété et le droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé, également consacrés par la Constitution.

L’esprit de la présente proposition de loi est donc de trouver une ligne de crête, un savant point d’équilibre offrant davantage de protection aux gens du voyage mais exigeant, avec plus de fermeté, leur respect de l’ordre public. Son objet est donc de consacrer les termes mieux‑disant et gagnant‑gagnant d’un nouveau contrat de société entre gens du voyage et sédentaires fondé sur une meilleure application du droit commun sans passer par un droit spécifique qui pourrait être perçu comme directement ou indirectement ethnicisant.

À cette fin, la présente proposition de loi prône, d’une part, d’étendre des droits des gens du voyage, en garantissant l’accès aux services publics, aux aides sociales, et en facilitant l’exercice de leurs droits de façon à prévenir le non‑recours et d’autre part, de relever le niveau d’exigence vis‑à‑vis des devoirs des gens du voyage dont toute violation soit plus rapidement et efficacement sanctionnée. Il s’agit aussi pour les auteurs et signataires de promouvoir un contexte amélioré où les collectivités territoriales disposeront de nouveaux outils‑leviers et pourront compter sur un accompagnement de l’État plus souple et adapté à leurs besoins, répondant mieux à leurs difficultés de mise en œuvre.

Ainsi la présente proposition de loi organise ses dispositions et s’articule autour de deux chapitres principaux.

Au sein du premier chapitre visant à améliorer les conditions d’accueil et d’intégration, l’article 1er énonce le principe d’une reconnaissance pleine et effective du mode de vie itinérant ou semi‑itinérant et du mode d’habitat en caravane, propres aux « Gens du voyage » appuyé sur le principe de liberté de circulation et donc de ses corollaires, à mettre en regard du respect du droit de propriété tel que consacré par les articles 2 et 17 de la DDHC. Le dispositif de l’article 2 contribue au développement des aires permanentes d’accueil et incite les collectivités à appliquer la loi Besson en prévoyant que les aires d’accueil, comme cela a déjà été fait pour les terrains familiaux, soient prises en compte dans le calcul du quota de logements locatifs sociaux que leur impose la loi SRU. Cette disposition présente ainsi le double avantage de tendre à améliorer le bilan d’application de deux textes. L’article 3 a pour objet d’étendre aux terrains familiaux locatifs la possibilité, d’ores et déjà, reconnue à l’État, s’agissant des aires permanentes d’accueil, de procéder à l’aliénation de son domaine privé à un prix nettement inférieur à la valeur vénale des terrains, au profit de collectivités territoriales, d’EPCI et autres organismes agréés. Le résultat d’une telle disposition sera d’amplifier l’offre de terrains familiaux locatifs dont le taux de réalisation des objectifs de la loi Besson est très largement insuffisant (26 %) alors que la demande de terrains familiaux locatifs est forte correspondant à une tendance lourde de volonté de sédentarisation qu’il convient d’encourager et de faciliter. Il s’agit de se doter d’un nouvel accompagnement de l’État en direction des collectivités pour les aider à s’acquitter de leur engagement. Face à l’existence d’un réel problème de contrôle de légalité des règlements intérieurs des aires permanentes d’accueil, laissant place à des interprétations et donc à des disparités des règlements intérieurs mis en œuvre, l’objet de l’article 4 est d’imposer un contenu unique, strict et impératif du règlement intérieur type visé à l’article 2 de la loi du 5 juillet 2000, ce que sa rédaction actuelle n’a pas factuellement obtenu. Au vu des investissements très coûteux que l’aménagement d’aires de grand passage représente pour les collectivités, l’objet de l’article 5, pour lever le frein et l’inertie dus au poids des contraintes normatives, est de leur permettre d’utiliser, d’ores et déjà, des aires de grand passage qui ne répondent pas encore à l’ensemble des règles leur étant applicables aux vues d’un engagement calendaire de mise en conformité. Aux termes de cet article, il reviendrait au décret fixant les règles applicables aux aires de grand passage de définir les termes et conditions dérogatoires de mise en service et d’utilisation des aires concernées. Afin de répondre à une forte préoccupation soulevée par la Défenseure des droits, au sujet du décrochage scolaire des gens du voyage, l’article 6 prévoit, sous la responsabilité du département, le ramassage scolaire des enfants du voyage non scolarisés à domicile, et précise que lorsque du fait de la localisation des aires d’accueil à desservir, en dehors du périmètre de transport urbain, des frais sont spécifiquement engagés pour assurer le ramassage scolaire des enfants des gens du voyage, ils sont supportés par l’État qui garantit l’accès à ce service public. Afin de lutter contre le non‑recours qui frappe davantage les gens du voyage que le reste de la population, l’article 7 instaure sous l’autorité du Préfet de Région, en coordination avec les Préfets et les services sociaux départementaux, une « caravane sociale » assurant les missions de guichet unique d’information sur les aides et prestations sociales auxquelles les gens du voyage peuvent prétendre, opérations pouvant aussi être déléguées à des associations liées par des conventions. L’article 8 modifie le code de l’environnement afin que les règles de distance préconisées entre une Installation Classée Pour l’Environnement et une zone d’habitation soient étendues aux aires d’accueil et de grand passage. L’article 9 prévoit que le gouvernement, après avis de la CNCGV ou sur mission d’expertise de celle‑ci, remette un rapport au parlement évaluant la pertinence comparative d’accorder le statut de logement aux résidences mobiles, donc de les rendre éligibles au régime général de l’allocation logement ou de créer, de façon alternative, une allocation familiale au logement en résidence mobile. Ce rapport s’attachant à évaluer l’impact budgétaire de ces deux options.

Au sein d’un deuxième chapitre visant à lutter plus efficacement contre les installations illicites, contre les dégradations des biens d’autrui et les atteintes à l’environnement pouvant y être associées, ainsi qu’à prévenir et sanctionner le détournement de la vocation agricole des terrains, l’article 10 prévoit que le Préfet nomme un médiateur départemental pour prévenir et gérer les éventuels conflits susceptibles d’intervenir entre communautés de gens du voyage, ou vis‑à‑vis des élus, des collectivités, des riverains ou propriétaires privés.

L’article 11 ajoute le préjudice écologique, ou l’imminence de ce dernier comme constituant un nouveau motif de trouble à l’ordre, l’ordre public écologique, à la liste des motifs légaux d’évacuation forcée en vigueur en cas d’installation illicite. L’article 12 ramène le délai accordé au juge pour statuer sur un recours vis‑à‑vis d’une procédure d’évacuation forcée de 48 à 24 heures à compter de sa saisine. L’article 13 a pour objet de réintégrer le paragraphe III de l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000, abrogé par le Conseil Constitutionnel le 2 juillet 2019 à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, dans une rédaction qui lui garantisse, cette fois, sa constitutionnalité avec pour objectif de ne plus permettre l’évacuation forcée de gens du voyage de terrains dont ils seraient propriétaires sans motif tiré des troubles à l’ordre public dans les communes non‑membres d’un EPCI, mais aussi de permettre de nouveau l’évacuation forcée de gens du voyage de terrains dont ils seraient pourtant propriétaires, ou de terrains aménagés mis à leur disposition, dans les communes membres d’un EPCI, dès lors que des troubles à l’ordre public seraient constatés. Au vu des effets non souhaitables de l’abrogation du paragraphe III de l’article 9 le Conseil Constitutionnel avait même décidé de retarder la date d’application de ladite abrogation au 1er juillet 2020 pour permettre au gouvernement d’y remédier, malheureusement cela n’a pas été fait, l’objet de cet article est de combler cette lacune. L’article 14 a pour but de permettre aux collectivités en règle avec le schéma départemental, en parallèle de la procédure administrative leur étant ouverte, d’avoir un accès facilité au juge civil pour obtenir aussi une décision d’évacuation via la procédure rapide du référé et du référé heure à heure, présumant les conditions d’urgence comme étant réunies. Doubler les procédures accessibles aux collectivités en règle avec le schéma départemental, leur donne encore un avantage supplémentaire vis‑à‑vis de celles qui n’ont pas appliqué la loi Besson, ce qui outre de renforcer les moyens de sanctionner les installations illicites encourage et incite les collectivités à s’engager dans le schéma départemental. Enfin l’article 15 propose d’instaurer, à l’article 322‑4‑1 du code pénal, une nouvelle circonstance aggravante applicable au délit d’installation illicite, lorsque, concomitamment à cette occupation illicite, une dégradation une détérioration ou une destruction d’un bien appartenant à autrui tel que prévu à l’article 322‑1 du code pénal. En conséquence, toute destruction, dégradation ou détérioration d’un bien appartenant à autrui au cours d’une installation illicite, les peines encourues seraient de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. S’agissant de la dégradation d’un bien d’utilité publique ou appartenant à une personne publique, voire chargée d’une mission de service public, les peines seraient alors portées à cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, et enfin dans l’hypothèse d’une dégradation d’un bien culturel ou d’un patrimoine archéologique la peine serait portée à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende.

L’article 16 propose par une modification de l’article L.480‑4 du code de l’urbanisme de sanctionner financièrement les propriétaires pour les travaux illégaux, car réalisés sans permis sur leurs terrains agricoles, sont visées ici la cabanisation ou l’installation de bâtiments en dur. L’article 17 entend empêcher la requalification de ces terres agricoles et naturelles, à la faveur d’un détournement de leur vocation agricole, en terrains d’agrément ou de loisirs par le juge dans le même but d’éviter la cabanisation illégale sur des terres agricoles, et au‑delà de lutte contre la perte de surface agricole utile dans le respect des missions des SAFER. L’article 18 prévoit le gage budgétaire nécessaire à la recevabilité financière du texte.


proposition de loi

Chapitre 1er

Faciliter l’accès des gens du voyage aux droits et aux services publics, améliorer leurs conditions d’accueil, d’hébergement et d’intégration au tissu socio‑économiques de collectivités territoriales mieux accompagnées

Article 1er

L’objet de la présente loi est de mettre en œuvre et de faciliter l’exercice des droits des gens du voyage afin qu’ils jouissent effectivement des mêmes droits que chaque citoyen, tout en affirmant un niveau de devoirs leur incombant strictement identiques à ceux pesant sur chaque citoyen et dont toute violation soit plus efficacement sanctionnée par la loi. 

Article 2

Après le 5° du IV de l’article L. 302‑5 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Les aires permanentes d’accueil en état de service, dans des conditions fixées par décret, destinés à l’installation prolongée de résidences mobiles dont la réalisation est prévue au schéma départemental d’accueil des gens du voyage et qui sont aménagés et implantés dans les conditions prévues à l’article 1er de la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

« Un décret précise les conditions permettant le décompte effectif des aires d’accueil à l’inventaire annuel des logements locatifs sociaux. »

Article 3

Le 2° du VIII de l’article L. 3211‑7 du code général de la propriété des personnes publiques est ainsi modifié :

1° Après la première occurrence du mot : « voyage », sont insérés les mots : « ainsi que les terrains familiaux locatifs » ;

2° Le mot : « mentionnées » est remplacé par le mot : « mentionnés ».

Article 4

À l’article 2 de la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, après la dernière occurrence du mot : « le », sont insérés les mots : « contenu strict et impératif du ».

Article 5

 Le 3° de l’article 2 de la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par les mots : « , ainsi que les conditions dérogatoires permettant l’utilisation des aires ne répondant encore que partiellement aux règles leur étant applicables ».

Article 6

La section 2 du chapitre III du titre Ier du livre II de la première partie du code de l’éducation est ainsi rétablie :

« Section 2

« Transports scolaires

« Art. L. 213121. – L’État garantit aux gens du voyage un plein accès aux services réguliers publics que sont les transports scolaires dont l’organisation et le fonctionnement relèvent de la responsabilité des départements.

« Les frais de transports individuels ou collectifs des enfants du voyage scolarisables ne relevant pas de l’enseignement à domicile régi par la législation relative à l’instruction en famille, vers les établissements scolaires, étant rendus nécessaires du fait de la localisation des aires permanentes d’accueil ou des aires de grand passage en dehors des périmètres de transports urbains sont supportés par l’État. »

Article 7

Le I de l’article 6 de la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le préfet de région, en coordination avec les préfets et les services sociaux départementaux organisent la desserte des aires permanentes d’accueil en service par une caravane sociale assurant les missions de guichet unique d’information sur les prestations sociales auxquelles les gens du voyage sont éligibles, afin de faciliter tant l’accès aux droits que leur exercice et de prévenir le non recours ; ces opérations peuvent également faire l’objet de conventions passées entre personnes morales et associations. »

Article 8

Le titre Ier du livre V du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Au 2° du II de l’article L. 512‑7, après le mot : « habitations, », sont insérés les mots : « des aires permanentes d’accueil des gens du voyage, des aires de grand passage, » ;

2° À la deuxième phrase du dernier alinéa de l’article L. 515‑44, après la première occurrence du mot : « habitation, », sont insérés les mots : « les aires permanentes d’accueil des gens du voyage, les aires de grand passage, ».

Article 9

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, après avis ou sur mission d’expertise de la commission nationale consultative des gens du voyage, un rapport évaluant la pertinence d’accorder aux résidences mobiles le statut de logement avec tous les effets poursuivis ou non y étant liés, ainsi que celle d’une hypothèse alternative visant à créer une allocation familiale au logement en résidences mobiles.

Ce rapport s’attache notamment à estimer l’impact budgétaire comparatif de ces options ainsi que leurs effets leviers potentiels sur le niveau d’application de la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. 

Chapitre 2

Prévenir et sanctionner plus efficacement la persistance et l’émergence de certains comportements illégaux

Article 10

Dans chaque département, le préfet nomme un médiateur affecté au dialogue avec les gens du voyage.

Le médiateur est nommé pour six ans, comme tous les membres de la Commission départementale consultative des gens du voyage, et y siège de plein droit.

Article 11

La loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi modifiée :

1° Le II de l’article 9 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , ou s’il est de nature à porter une atteinte d’une exceptionnelle gravité à l’environnement du fait d’un préjudice écologique avéré ou aux vues de l’imminence de sa réalisation » ;

b) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « , ou s’il est de nature à porter une atteinte d’une exceptionnelle gravité à l’environnement du fait d’un préjudice écologique avéré ou aux vues de l’imminence de sa réalisation » ;

2° Le premier alinéa de l’article 9‑1 est complété par les mots : « ou s’il est de nature à porter une atteinte d’une exceptionnelle gravité à l’environnement du fait d’un préjudice écologique avéré ou aux vues de l’imminence de sa réalisation ».

Article 12

À la dernière phrase du II bis de l’article 9 de la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage , le mot : « quarante‑huit » est remplacé par le mot : « vingt‑quatre ».

Article 13

Le III de l’article 9 de la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage est ainsi rétabli :

« III. – Les dispositions du I, du I bis, du II et du II bis ne sont pas applicables au stationnement des résidences mobiles appartenant aux personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi, exception faite de tout motif d’intérêt général tiré d’une atteinte à l’ordre public portant notamment atteinte à la salubrité, la sécurité, la tranquillité publiques , ou portant atteinte d’une exceptionnelle gravité à l’environnement du fait d’un dommage écologique avéré ou aux vues de l’imminence de sa réalisation :

« 1 ° Lorsque ces personnes sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent ;

« 2 °Lorsqu’elles stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l’article L. 444‑1 du code de l’urbanisme. »

Article 14

Après l’article 9‑1 de la loi n° 2000‑614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, il est inséré un article 9‑1‑1 ainsi modifié :

 « Art. 911 – Sous réserve des compétences dévolues à la juridiction administrative, en cas d’occupation, en violation de l’arrêté prévu au I de l’article 9, d’un terrain public ou privé, le propriétaire ou le titulaire d’un droit réel d’usage sur le terrain peut saisir le Président du tribunal de grande instance aux fins d’ordonner, sur requête, en référé ou en référé heure à heure l’évacuation forcée des résidences mobiles.

« La condition d’urgence prévue aux articles 808 et 834 du code de procédure civile est présumée remplie.

« La nécessité de célérité prévue à l’article 485 du même code face à l’extrême urgence d’obtenir une décision provisoire aux vues de l’imminence d’un dommage est présumée requise dès lors que des branchements sauvages sur le réseau électrique sont constatés. 

Article 15

Après le premier alinéa de l’article 322‑4‑1 du code pénal, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« L’installation illicite est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque concomitamment un bien appartenant à autrui a été dégradé, détérioré ou détruit.

« L’installation illicite est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque concomitamment un bien destiné à l’utilité publique ou à la décoration publique et appartenant à une personne publique ou chargée d’un service publique a été dégradé, détérioré ou détruit.

« L’installation illicite est punie de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende lorsque concomitamment un bien culturel ou un patrimoine archéologique a été dégradé, détérioré ou détruit. »

Article 16

Au deuxième alinéa de l’article L. 480‑4 du code de l’urbanisme, après le mot : « contre », sont insérés les mots : « les propriétaires du terrain, ».

Article 17

La section 7 du chapitre 1er du titre Ier du livre Ier du code de l’urbanisme est complété par un article L. 111‑25‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 111251. – La qualification de terrains dit d’agrément ou de loisir est réservée aux biens compris dans les secteurs destinés à cet effet, au sens de l’article L. 111‑25. Cette qualification ne peut être appliquée aux terrains agricoles ou naturels dont l’usage a été détourné. »

Chapitre 3

Disposition diverses

Article 18

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.