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N° 1791

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 octobre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à obliger les concessionnaires d’autoroutes à élargir le débroussaillement aux bords des autoroutes,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Christophe BARTHÈS, M. Daniel GRENON, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Stéphane RAMBAUD, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, Mme Catherine JAOUEN, M. José BEAURAIN, M. Bruno BILDE, M. Roger CHUDEAU, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Jocelyn DESSIGNY, M. José GONZALEZ, M. Emeric SALMON, M. Frédéric BOCCALETTI, M. Kévin PFEFFER, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Lisette POLLET, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Christine LOIR, M. Sébastien CHENU, M. Pierrick BERTELOOT, Mme Géraldine GRANGIER, Mme Marie-France LORHO, M. Bryan MASSON, M. Philippe LOTTIAUX, M. Frédéric FALCON, M. Thierry FRAPPÉ, Mme Laure LAVALETTE, M. Serge MULLER, Mme Alexandra MASSON, M. Alexis JOLLY, M. Thibaut FRANÇOIS, Mme Mathilde PARIS, Mme Béatrice ROULLAUD, M. Julien RANCOULE, Mme Caroline PARMENTIER, M. Jorys BOVET, M. Victor CATTEAU, M. Julien ODOUL, Mme Julie LECHANTEUX, M. Michel GUINIOT, M. Jordan GUITTON, M. Laurent JACOBELLI, Mme Edwige DIAZ, Mme Annick COUSIN, M. Grégoire DE FOURNAS, M. Philippe BALLARD, Mme Joëlle MÉLIN, Mme Anaïs SABATINI, M. Jérôme BUISSON, M. Alexandre SABATOU, M. Pierre MEURIN, M. Romain BAUBRY, M. Nicolas MEIZONNET, M. Christophe BENTZ, M. Yoann GILLET,

députés.

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En2021 les sociétés concessionnaires d’autoroutes auront perçu 3,9 milliards d’euros de bénéfice net. Et pourtant, avec un tel bénéfice, le débroussaillement au bord des voies est négligé dans plusieurs territoires, et les bords d’autoroutes sont généralement fauchés sur 2 mètres ([1]) à partir de juillet.

9 feux sur 10 sont d’origine humaine et les autoroutes présentent un vrai risque incendie. La responsabilité des sociétés autoroutières les engage considérer ce risque avec plus de prudence, et d’y apporter une réponse concrète. Il est donc ici proposé que les sociétés autoroutières soient soumises à une obligation de débroussailler, à leurs frais, sur au moins 20 mètres aux abords des voies. Cette obligation pourra être étendue jusqu’à 50 mètres maximum par l’autorité administrative locale.

Aujourd’hui, les sociétés concessionnaires d’autoroutes sont soumises au débroussaillement, à leurs frais, sur une surface ne pouvant excéder 20 mètres aux bords des voies ; la largeur exacte étant déterminée par les autorités administratives compétentes. Dans les faits, et selon les règlementations locales, certaines autoroutes ne sont débroussaillées que sur quelques mètres seulement. 

Force est de constater que les bords des autoroutes sont très peu entretenus dans de nombreuses parties du territoire. Or, les autoroutes présentent un réel risque d’incendie, et, nombre d’enquêtes les désignent comme sources de départs de feux. 

Cette mesure est avant tout une mesure d’amélioration de la sécurité : un débroussaillement de 20 mètres minimum pouvant être élargi à 50 mètres réduit considérablement le risque d’incendie. Il crée une zone tampon plus large entre la végétation et les voies de circulation, permettant ainsi de limiter la propagation des flammes et facilitant l’intervention des services d’urgence en cas d’incendie.

L’augmentation de la surface de débroussaillement présente aussi un gain important pour l’environnement. Le débroussaillement, en technique forestière a avant tout pour objectif d’éliminer les espèces invasives et préserver ainsi la biodiversité. Les techniciens forestiers attestent que le débroussaillement est bénéfique à la croissance d’une végétation plus diversifiée. En élargissant cette zone, les animaux sauvages auraient aussi plus d’espace pour se déplacer et éviter les collisions avec les véhicules.

Cette mesure présente également une facilité d’entretien, une zone de débroussaillement plus large est plus facile à surveiller. Cela permet de détecter plus rapidement d’éventuelles anomalies comme des arbres malades ou des branches tombées, et de les traiter avant qu’elles ne deviennent un danger pour les usagers de la route. Cet espace peut s’avérer précieux et décisif dans la prise en charge d’un départ de feu. Les professionnels ont une meilleure amplitude pour réaliser leur manœuvre et contenir le danger dans des délais optimaux.

L’actuelle obligation de débroussaillement aux abords des autoroutes doit également être mise en relation avec les obligations faites aux propriétaires de biens forestiers.

L’article L. 131‑11 du code forestier dispose une possibilité de débroussaillement jusqu’à 50 mètres aux abords des habitations, ou constructions lorsque « l’occupation d’un bâtiment d’habitation justifie des précautions particulières pour la protection des vies humaines ». Concrètement, cette précision concerne tout édifice ou construction susceptible d’être fréquenté par un être humain. Ce qui est donc quasiment toujours le cas.

Ce débroussaillage doit être effectué de préférence durant le mois de juin. De plus, les propriétaires sont tenus de débroussailler à 10 mètres de part et d’autre des voies privées y donnant accès, y compris sur les propriétés voisines si nécessaires.

En l’espèce, et selon toute bonne foi, les domaines et les voies privés présentent moins de risque incendie qu’une autoroute : de par sa fréquentation, la présence d’engins de chantier, le transport de produits nocifs et/ou inflammables, éclatement des pneus, jets de mégots par la fenêtre, etc. De plus les mesures de débroussaillement envers les privés sont souvent perçues comme une injustice par les propriétaires obligés de débroussailler jusque chez leurs voisins, ou se voyant spoliés de leur capacité de décision par le débroussaillement d’office, mais toujours à leurs frais, tel qu’il est prévu à l’alinéa 2 de l’article L. 131‑11 du même code.

De telles mesures de prudence envers les propriétaires sont donc disproportionnées en relation avec celles imposées aux sociétés concessionnaires d’autoroute. Il n’est donc ici question de réduire les mesures de prévention de risque incendie envers les propriétaires, mais de mettre ces dispositions en cohérence avec les risques encourus sur des propriétés privées à usage privé, et ceux encourus sur les autoroutes. Les autoroutes, qui connaissent de très fortes fréquentations, surtout durant les périodes estivales, dans un contexte où les sècheresses se multiplient, doivent faire l’objet de nouvelles mesures.

Aujourd’hui, le maximum de 20 mètres d’obligation de débroussaillement au bord des autoroutes est dérisoire et mal adapté aux risques que présentent les autoroutes dans les incendies, en comparaison avec les propriétés privées.

Un minimum de 20 mètres aux abords des autoroutes devant être débroussaillé semble indispensable devant le risque d’incendie accru par la fréquentation des autoroutes, surtout en période de sècheresse. La largeur maximale fixée à 50 mètres paraît cohérente avec le très fort risque incendie que présentent certains territoires. Cependant, il s’agirait d’une distance ne pouvant être excédée. Cette distance maximale permet une sûreté accrue aux abords des autoroutes et reste une intrusion sur une surface raisonnable des terrains privés au bord des autoroutes.

Il appartiendra aux autorités administratives compétentes, et au fait des caractéristiques de leur territoire, de fixer la largeur adéquate : assurant une sécurité contre les incendies proportionnée avec la préservation du droit de propriété. 

Dans un contexte où les Français voient réduire leur pouvoir d’achat, et augmenter leurs taxes et leurs obligations, il convient de garder ce débroussaillement à la charge des sociétés concessionnaires d’autoroutes. C’est pourquoi une modification de l’article L. 134‑10 du code forestier est idéale. Cet article du code concerne l’obligation de débroussaillement aux bords des autoroutes aux seuls frais des concessionnaires d’autoroute. Cette modification est l’objet de l’article 1er de cette proposition de loi.

L’article 2 prévoit de gager cette proposition de loi pour qu’elle ne soit pas déclarée irrecevable financièrement au regard de l’article 40 de la Constitution.

 


proposition de loi

Article 1er

Le premier alinéa de l’article L. 134‑10 du code forestier est ainsi modifié : 

1° À la première phrase, les mots : « ne peut excéder 20 mètres » sont remplacés par les mots : « ne peut être inférieure à 20 mètres et ne peut excéder 50 mètres » ;

2° À la seconde phrase, les mots : « d’une largeur maximale de 20 mètres » sont remplacés par les mots : « comprise entre 20 et 50 mètres ».

Article 2

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II.– La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 


([1])  Article « la lutte contre les incendies » publié le 10 mai 2023 sur la plateforme radio VINCI Autoroutes. Rubrique route et mobilité > Question d’Autoroute > La lutte contre les incendies.