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N° 1799

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 octobre 2023.

PROPOSITION DE LOI

portant plan d’urgence pour le recrutement
et la formation initiale des enseignants du second degré,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.),

présentée par

M. Alexandre PORTIER,

député.

 


1

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le métier d’enseignant est aujourd’hui frappé d’une crise d’attractivité sans précédent, au point que l’État peine désormais cruellement à en recruter.

Pour preuve, ce sont plus de 4 000 postes qui restaient vacants à l’issue des sessions de concours 2022, sur les 27 000 initialement proposés. En 2023, il en restait encore plus de 3 100 disponibles au terme des concours.

Face à la pénurie, des professeurs contractuels se trouvent recrutés en urgence par speeddating, via des petites annonces trouvées sur Facebook ou LeBonCoin, et « formés » en quatre jours : dans ces conditions, ne nous mentons pas, ce ne sont plus des enseignants que l’on met devant nos enfants, mais uniquement des adultes. Cela n’est pas à la hauteur des ambitions que nous portons pour nos jeunes.

Pire, ces conditions de recrutement – qui auraient été inimaginables il y a quelques décennies – contribuent à dégrader en profondeur l’image des professeurs dans notre société. Ce dumping produit des effets extrêmement délétères auxquels il faut s’opposer avec force, car enseigner est un métier avec une formation et des savoirfaire propres : il ne s’improvise pas, il ne se brade pas. C’est pourtant ce que l’éducation nationale fait aujourd’hui années après années.

Malheureusement, la spirale noire ne s’arrête pas là : si nous manquons d’enseignants, le niveau des nouveaux enseignants recrutés tend en plus à baisser.

En effet, la chute du nombre de candidats contribue à réduire fortement la sélectivité des concours. Les barres d’admissibilité s’effondrent : en 2022, elle était au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) de mathématiques de 5,13 sur 20. Dans bien des disciplines, le nombre de candidats avoisinent tout juste le nombre de places.

En mathématiques, par exemple, pour 1 040 postes, il n’y avait en 2023 que 1 169 candidats admissibles, soit un ratio de 1,12. En physique‑chimie, c’est encore pire : nous comptions 440 admissibles pour 409 postes, soit un ratio de 1,03. En lettres classiques, c’est une hécatombe : 47 candidats admissibles pour 134 postes. Les lettres modernes ne se portent pas beaucoup mieux, puisque le ratio est de 1,01, soit presque autant d’admis que de postes ouverts.

Face au départ à la retraite massif des babyboomers, nous avons dès maintenant besoin de recruter un nombre conséquent d’enseignants, en ne sacrifiant rien à nos exigences, ce dont nos enfants seraient les premiers à pâtir.

Cette proposition de loi porte donc un plan d’urgence pour le recrutement et la formation initiale des enseignants du second degré qui vise à répondre à la fois à la pénurie d’enseignants et à renforcer leur niveau de recrutement.

Très concrètement, il s’agit de trouver au plus tôt davantage d’enseignants, tout en renforçant leur formation.

Pour cela, l’article 1er propose d’autoriser dorénavant les inscriptions aux concours du secondaire dès Bac+3, contre Bac+5 actuellement.

Les titulaires d’une licence ou les personnes inscrites en 3e année de licence pourront ainsi s’inscrire aux différents concours d’enseignement du second degré (CAPES, CAPEPS, CAPET, CAPLP, Agrégation), à une condition toutefois : celui de ne pouvoir le faire qu’exclusivement dans la discipline de leur diplôme. En cas contraire, ils pourront toujours se présenter à Bac+5 comme c’est le cas aujourd’hui.

Une telle modification aurait pour conséquence de créer dès 2024 un véritable choc d’offres de candidats et de remédier rapidement à la pénurie que nous connaissons aujourd’hui, en permettant dès la prochaine session de concours de mobiliser l’équivalent de trois vagues habituelles de candidats.

Corrélativement, pour renforcer la formation des nouveaux enseignants du secondaire, l’article 2 propose de revoir en profondeur leur cursus dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (INSPE) en portant leur formation à deux ans, en la recentrant plus fortement sur l’art de la pédagogie et en l’orientant sur une professionnalisation progressive des apprentis enseignants.

À l’issue des concours, les lauréats du concours rejoignent en effet un INSPE où ils deviennent fonctionnaires‑stagiaires de l’éducation nationale durant un an seulement, avant leur possible titularisation au terme de cette année de finalisation de leur formation initiale.

Or, trop souvent, ce temps est utilisé pour refaire de la formation disciplinaire et non pédagogique, ce qui est pourtant la première lacune de ces nouvelles recrues. La seule maîtrise d’une discipline académique ne garantit pas les compétences professorales. C’est pourtant sur ce seul principe que reposent aujourd’hui quasi exclusivement leur recrutement et leur formation antérieure aux concours. Les INSPE doivent donc permettre aux futurs enseignants d’acquérir les savoir‑faire spécifiques à leur métier, pas à répéter les enseignants disciplinaires déjà proposés à l’université.

Le fonctionnaire‑stagiaire doit enfin pouvoir bénéficier d’une professionnalisation progressive, pour apprendre à articuler ces enseignements de l’INSPE avec sa première expérience de terrain, d’où la nécessité de porter à deux ans le cursus de fonctionnaire‑stagiaire à l’INSPE. À l’heure actuelle, les lauréats se retrouvent jetés en classe quelques semaines après leur succès au concours, mais sans la moindre formation – formation qu’ils doivent suivre à mi‑temps. Il est donc proposé que les enseignants‑stagiaires passent au cours des premières semaines plus de temps à l’INSPE, puis que le temps en classe et en observation monte progressivement en puissance jusqu’à représenter, au terme des deux années de formation, l’essentiel de leur emploi du temps.

Cette proposition de loi porte ainsi tout à la fois un plan d’urgence, mais aussi une réforme de fond destinée à rendre dès maintenant à l’enseignement toutes ses lettres de noblesse et sa fierté.

 

 

 


proposition de loi

Article 1er

Le chapitre V du titre II du livre VI du code de l’éducation, tel qu’il résulte des articles 1er, 2 et 3 de la présente loi, est complété par un article L. 625‑3 ainsi rédigé : 

«  Art. L. 6253. – Peuvent se présenter aux concours de l’enseignement secondaire (certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré, certificat d’aptitude au professorat d’éducation physique et sportive, certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique, certificat d’aptitude au professorat de lycée professionnel, agrégation) dans une discipline donnée :

« 1° Les candidats justifiant, à la date de publication des résultats d’admissibilité, d’une inscription en troisième année d’études en vue de l’obtention d’une licence ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation, dans la discipline concernée ;

« 2° Les candidats justifiant, à la date de publication des résultats d’admissibilité, de la détention d’une licence ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministre chargé de l’éducation, dans la discipline concernée. »

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. »

Article 2

Après la première phrase du 1° de l’article L. 721‑2 du code de l’éducation, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Pour les enseignants du second degré, cette formation initiale est de deux ans : elle doit donner la priorité à l’apprentissage de la pédagogie et garantir une professionnalisation progressive des nouveaux enseignants grâce à la mise en place de stages dans les établissements scolaires dont la durée est croissante au fil de leur cursus. »

Article 3

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à la taxe visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.