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N° 1853

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 novembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

créant une responsabilité pour faute de l’État en cas de maltraitance institutionnelle dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Caroline FIAT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Alexis CORBIÈRE, M. Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, M. Hendrik DAVI, M. Sébastien DELOGU, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Raquel GARRIDO, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Mathilde HIGNET, Mme Rachel KEKE, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, Mme Pascale MARTIN, M. William MARTINET, M. Frédéric MATHIEU, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Adrien QUATENNENS, M. Jean-Hugues RATENON, M. Sébastien ROME, M. François RUFFIN, M. Aurélien SAINTOUL, M. Michel SALA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, M. Léo WALTER,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Nous vivons aujourd’hui dans un pays où nos aînés sont délaissés, oubliés, maltraités. Malgré de nombreuses alertes la situation demeure inacceptable.

Le 14 mars 2018, les Députées Monique Iborra et Caroline Fiat remettaient leur rapport sur la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Y était décrit « la maltraitance institutionnelle » qui plonge dans la souffrance résidents, familles et soignants : résidents baignant des heures dans leurs excréments par faute de temps ou de moyens, toilettes en moins de 6 minutes sur des corps souvent meurtris, malnutrition, soins dentaires quasi‑inexistants, personnes alitées 24 h / 24 sans même changer de positions, escarres non soignés, troubles musculosquelettiques chez les soignants, accidents de travail à répétition, épuisement professionnel, démissions…

De multiples autres rapports parlementaires ont suivi, plus de sept rapports commandés par le Gouvernement et autant de rapports d’institutions comme le Défenseur des droits ou la Cour des comptes. Les constats sont unanimes.

Des travaux d’écrivains et de journalistes ont également mis au grand jour les conditions d’hébergement des personnes âgées dépendantes.

Après ces multiples dénonciations, nous continuons d’apprendre que de nombreux établissements font vivre leurs résidents dans des conditions déplorables, mettant toujours un peu plus de côté leur santé, leur sécurité et surtout leur dignité.

Récemment des établissements du groupe Bridge ont de nouveau été mis en cause pour des dysfonctionnements graves lors d’inspections menées par l’Agence régionale de santé.

Malheureusement il ne s’agit pas de cas isolés et suite aux innombrables alertes le Gouvernement ne peut plus continuer de feindre l’ignorance : la difficulté est structurelle et systémique faute de moyens humains, techniques et financiers accordés au grand âge. Phénomène désormais bien connu sous le nom de maltraitance institutionnelle.

Pourtant, le Gouvernement refuse toutes les propositions permettant de mettre en place les moyens et les contrôles pour mettre fin à cette maltraitance. Même des mesures élémentaires, comme l’instauration d’un ratio minimum de soignants par résidents, sont rejetées.

Loin d’être une invention de l’opposition, cette maltraitance institutionnelle est désormais reconnue par les tribunaux. Dernièrement, en date du 25 août 2023, le tribunal administratif de Marseille a suspendu le licenciement d’une aide‑soignante car les faits de maltraitance qui lui étaient reprochés devaient être appréciés à la lumière du contexte général de travail, notamment caractérisé par l’inspection du travail comme « un contexte très difficile de sous‑effectif ».

Ainsi, il n’est pas possible de chercher des responsabilités individuelles là où la responsabilité est évidemment celle d’un État défaillant, soit qu’il ne fournisse pas les solutions nécessaires, soit qu’il refuse de mieux contrôler tous ceux pour qui les bénéfices sont plus importants que l’humanité.

L’article 1er de cette proposition de loi souhaite donc qu’il soit inscrit dans la loi que lorsque le fait générateur d’une maltraitance en EHPAD provient d’un manque de moyen humain, technique ou financier cela relève d’une faute de l’État engageant par conséquent sa seule responsabilité. Ainsi, les personnels si dévoués ne pourront plus être inquiétés lorsqu’il sera prouvé que la cause du dommage provient de la maltraitance institutionnelle.

Ce Gouvernement ne peut plus se défausser sur toutes celles et tous ceux qui subissent cette violence physique et morale au quotidien car il est le seul responsable de son inaction, qui serait désormais plus facilement reconnue et potentiellement condamnée.

 


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proposition de loi

Article 1er

La chapitre IX du titre Ier du livre Ier du code de l’action sociale et des familles complété par un article L. 119‑2 ainsi rédigé :

 « Art. L. 1192. – Au sein des établissements mentionnés au 6° du I de l’article L. 312‑1 du présent code la maltraitance institutionnelle au sens de l’article L. 119‑1 du même code est considérée comme une faute de l’État qui entraine sa responsabilité exclusive de toute autre. »

Article 2

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par le relèvement du taux de l’impôt annuel sur les actifs immobiliers institué par l’article 964 du code général des impôts.