N° 1882

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 novembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

portant diverses mesures  pour améliorer le statut des secrétaires de mairie de moins de 2 000 habitants,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. David HABIB,

député.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi est le fruit d’un travail de réflexion mené avec plusieurs secrétaires de mairie exerçant leurs missions dans les Pyrénées‑Atlantiques.

En France, on compte environ 34 965 communes, dont 29 576 d’entre elles ont moins de 2 000 habitants ([1]). Au cœur de ces collectivités rurales, les secrétaires de mairie sont des figures incontournables de la vie locale. Par leur action, ils rendent possible le déploiement d’un service public de qualité, et apportent aux maires un soutien souvent indispensable.

Cette fonction, assurée à 94 % par des femmes, se distingue par une grande variété de tâches : accueil du public, accompagnement des habitants dans leurs démarches administratives, assistance et conseil aux élus, gestion de l’état civil et des élections, préparation du budget, comptabilité, contribution à l’organisation des services de la commune, gestion des ressources humaines, suivi des projets et des dossiers présentés par la commune, des marchés publics, du droit funéraire, de l’urbanisme, des écoles,…

Or, dans les communes de moins de 2 000 habitants, c’est souvent une seule et même personne qui assume l’ensemble de ces missions : parfois à mi‑temps et partagée entre plusieurs communes. À titre d’exemple, dans les Pyrénées‑Atlantiques, 49 % des secrétaires de mairie ont plusieurs employeurs, et 22 % font plus de 2 heures de trajet par semaine entre leurs différentes collectivités ([2]). Ces conditions complexifient encore davantage l’exercice de missions déjà très chronophages. On estime ainsi que près d’un secrétaire sur 5 réalise plus de 10 heures supplémentaires par mois, et plus de la moitié d’entre eux considère être en surcharge de travail ([3]). À cela, s’ajoute la difficulté supplémentaire d’avoir à se rendre disponible en fonction de la vie de la commune : 52 % des secrétaires de mairie interrogés déclarent ainsi avoir rencontré des difficultés à prendre leurs congés ([4]).

Au‑delà, les secrétaires de mairie de ces petites communes rurales souffrent souvent d’un manque de reconnaissance et de visibilité pour un métier pourtant très prenant, nécessitant des connaissances étendues, ainsi qu’une grande capacité d’adaptation. Le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) dénombre ainsi, sur tout le territoire français, « 23 380 secrétaires de mairies, confrontés à des contraintes importantes : isolement, besoin de réseaux, temps limité à consacrer à la formation, éloignement numérique ou encore turnover important des agents ». Conséquence directe ou pas, le métier de secrétaire de mairie fait par ailleurs partie des métiers en tension de la fonction publique, et les collectivités peinent à recruter.

Au regard de ces éléments, il apparaît essentiel d’engager une réflexion sur le statut des secrétaires de mairie exerçant dans les communes de moins de 2 000 habitants, et sur les possibilités de revalorisation de ce métier.

En France, il n’existe pas de statut propre aux secrétaires de mairie, et leur situation diffère beaucoup d’une commune à l’autre. S’il existait un grade de « secrétaire de mairie » de catégorie A, tel que prévu par le décret n° 87‑1103 du 30 décembre 1987, celui‑ci a été progressivement intégré depuis 2001([5]) dans le cadre d’emplois des attachés territoriaux : un cadre d’emploi qui concerne les communes de plus de 2 000 habitants. Aussi dans les communes de moins de 2 000 habitants, les secrétaires de mairie ont généralement le statut d’adjoints administratifs territoriaux de catégorie C (décret n° 2006‑1690 du 22 décembre 2006([6])), de rédacteurs territoriaux de catégorie B (décret n° 2012‑924 du 30 juillet 2012([7])) ou d’agents contractuels.

Or, les conséquences de ces différences de grade sont loin d’être anodines, notamment en ce qui concerne la rémunération. Ainsi, alors qu’ils effectuent des tâches similaires, le salaire d’un adjoint administratif varie entre 1 721,26 et 2 294,06 euros brut (quand il est à temps complet, ce qui n’est pas toujours le cas !), quand la rémunération d’un rédacteur territorial de catégorie B peut s’élever jusqu’à 2 846,97 euros brut.

Mais au‑delà de la question de l’hétérogénéité des rémunérations pour des missions similaires, cette différence de traitement pose également celle de la définition de la fonction des secrétaires de mairie. En effet, la multiplication des statuts nuit à la clarté et à l’identification d’un véritable « corps de métier ». En ce sens, la description des tâches effectuées par les rédacteurs territoriaux plaide pour que ce statut soit retenu comme celui des secrétaires de mairie des communes de moins de 2 000 habitants : « les rédacteurs territoriaux sont chargés de fonctions administratives d’application. Ils assurent en particulier des tâches de gestion administrative, budgétaire et comptable, et participent à la rédaction des actes juridiques. Ils contribuent à l’élaboration et à la réalisation des actions de communication, d’animation et de développement économique, social, culturel et sportif de la collectivité. Les rédacteurs peuvent se voir confier des fonctions d’encadrement des agents d’exécution. Ils peuvent être chargés des fonctions d’assistant de direction ainsi que de celles de secrétaire de mairie d’une commune de moins de 2 000 habitants […] »([8]).

C’est pourquoi la solution envisagée est de permettre à l’ensemble des secrétaires de mairie, aujourd’hui majoritairement adjoint administratif territorial de catégorie C, de se fondre dans le statut, plus pertinent, de rédacteur territorial de catégorie B. Une telle transformation contribuerait également une meilleure attractivité du métier, ainsi qu’à une revalorisation salariale de nombreux agents.

Aujourd’hui, le passage d’un grade d’adjoint de catégorie C à celui de rédacteur de catégorie B est déjà rendu possible via l’obtention d’un concours interne ou par voie de promotion. Néanmoins, on ne peut considérer que cette possibilité suffise à permettre l’évolution globale du statut de secrétaire de mairie, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, il ne s’agit pas d’un mode d’évolution systématique. Deuxièmement, et en ce qui concerne la préparation d’un concours, cette solution s’adapte mal à un contexte où la charge de travail des secrétaires de mairie des communes de moins de 2 000 habitants laisse peu de place à la préparation des examens. Là encore, les chiffres de l’enquête du Centre de gestion de la fonction publique territoriale du 64 sont éloquents puisqu’ils soulèvent que 73 % des secrétaires de mairie ont renoncé à se former par crainte d’une surcharge de travail et 48 % faute de trouver un remplaçant. En ce sens, on peut également souligner que les secrétaires de mairie ont en général plus de 40 ans : avec donc potentiellement la charge d’enfants et des études universitaires plus lointaines qui complexifient encore davantage la préparation d’un concours.

L’autre voie évoquée est celle de la promotion interne, telle que prévue à l’article 8 du décret n° 2012‑924 du 30 juillet 2012 : « les fonctionnaires relevant du cadre d’emplois des adjoints administratifs territoriaux comptant au moins huit ans de services publics effectifs, dont quatre années au titre de l’exercice des fonctions de secrétaire de mairie d’une commune de moins de 2 000 habitants, et titulaires de l’un des grades suivants : 1° Adjoint administratif principal de 1re classe ; 2° Adjoint administratif principal de 2è classe. ». Mais là aussi, on ne peut considérer cette possibilité comme une revalorisation d’ampleur du métier de secrétaire de mairie, puisque le nombre d’agents inscrits sur liste d’aptitude est conditionné par des quotas, qu’elle reste une procédure conséquente (constitution d’un dossier par l’autorité territoriale, possible examen professionnel pour le candidat, nécessité de mise à jour du candidat dans ses obligations de formation pour les périodes révolues,…) et que l’inscription ne vaut pas recrutement (l’autorité concernée doit procéder à une nouvelle création de poste, une déclaration de vacance d’emploi, puis à une nomination du candidat retenu).

C’est pourquoi, la présente proposition de loi vise à créer une nouvelle possibilité d’évolution pour les secrétaires de mairie de catégorie C. Elle confie au maire, supérieur hiérarchique direct des secrétaires de mairie, le pouvoir de décider de la promotion du secrétaire de mairie au grade de rédacteur, lorsque celui‑ci peut justifier d’une expérience d’au moins 8 ans dans une commune de moins de 2 000 habitants. Ce système aurait l’avantage de permettre l’évolution rapide des agents de catégorie C vers une catégorie B, de valoriser leur expérience professionnelle, et d’adapter les perspectives d’évolution aux contraintes du métier.

Ainsi, l’article 1er donne la possibilité au maire d’une commune de moins de 2 000 habitants de promouvoir un adjoint administratif territorial au grade de rédacteur territorial si celui‑ci peut justifier de huit années d’exercice.

L’article 2 prévoit une évaluation de cette loi et de ses conséquences pour le budget des communes concernées.

L’article 3 vise à limiter les contrats de moins de huit heures par semaine pour les communes de moins de 2 000 habitants.

L’article 4 introduit une réflexion sur la création d’une indemnité kilométrique pour les déplacements des secrétaires de mairie entre leurs différentes communes d’exercice.

L’article 5 constitue le gage financier de la présente proposition de loi.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Après la sous‑section 3 de la section 3 du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales, est insérée une sous‑section 4 ainsi rédigée :

« Sous‑section 4 :

« Dispositions spécifiques aux communes de moins de 2 000 habitants

« Art. L. 2122343. – 1° Par dérogation à l’article L. 523‑1 du code général de la fonction publique, le maire d’une commune de moins de 2 000 habitants peut décider de la promotion d’un adjoint administratif territorial au grade de rédacteur territorial, si celui‑ci exerce depuis au moins huit années non consécutives les fonctions de secrétaire de mairie dans une commune de moins de 2 000 habitants.

« 2° Dans le cas où l’agent administratif territorial, tel que mentionné au 1° du présent article, exercerait les fonctions de secrétaire de mairie dans plusieurs communes de moins de 2 000 habitants, c’est le maire de la commune dans lequel l’agent exerce le nombre d’heures le plus important qui est compétent. En cas de durée égale, c’est le maire de la commune qui a recruté l’agent en premier qui est compétent. 

« Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »

Article 2

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant état de l’application de l’article 1er de la présente loi et de ses conséquences sur le budget des communes concernées.

Article 3

Les communes de moins de 2 000 habitants ne peuvent proposer de poste de secrétaire de mairie pour un exercice de moins de huit heures par semaine.

Article 4

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les possibilités de création d’une indemnité kilométrique prenant en charge les déplacements des secrétaires de mairie entre leurs différentes communes d’exercice.

Article 5

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par un relèvement du taux et un élargissement de l’assiette de la taxe sur les transactions financières mentionnée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.

 

 


([1]) Direction générale des collectivités locales, Les collectivités locales en chiffres, 2021 : https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/Accueil/DESL/2021/Colloc%20en%20chiffres/CL_en_chiffres_2021.pdf

([2]) Enquête de la CDG 64, Secrétaire de mairie, attractivité, perception et conditions d’exercice, mars 2022.

([3]) Enquête de la CDG 64, Secrétaire de mairie, attractivité, perception et conditions d’exercice, mars 2022.

([4]) Enquête de la CDG 64, Secrétaire de mairie, attractivité, perception et conditions d’exercice, mars 2022.

([5]) Décret n°2001-1197 du 13 décembre 2001

([6]) Décret n°2006-1690 du 22 décembre 2006 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000462935/2023-05-19/

([7]) Décret  2012-924 du 30 juillet 2012 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000026236871

([8]) Décret  2012-924 du 30 juillet 2012 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000026236871