N° 1946

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à un choc fiscal pour les classes moyennes,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Christelle D’INTORNI,

députée.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi s’adresse aux milieux de cordée.

C’est‑à‑dire à tous ceux que l’on n’entend jamais et à qui on demande toujours tout. Toujours trop riches pour être aidés et toujours trop pauvres pour être aisés. Trop aisés pour bénéficier de la solidarité nationale, trop modestes pour continuer à subir les assauts fiscaux infligés depuis tant d’années par les gouvernements successifs.

Les classes moyennes font partie intégrante de la majorité silencieuse, de ceux qui travaillent, qui respectent les lois de la République, qui payent leurs impôts et constatent silencieusement qu’ils n’ont jamais le droit à rien.

Cette proposition de loi est aussi un cri d’alerte sur la situation et le déclin des classes moyennes sacrifiés dans notre pays. Car oui, notre civilisation de classes moyennes est, en réalité, à la croisée des chemins. Elle fait face à des défis majeurs : effritement du pouvoir d’achat, sentiment de déclassement systémique, paupérisation des jeunes diplômés etc.

Pour mémoire, les prélèvements obligatoires n’ont cessé d’augmenter au cours des dernières années, bondissant de près de 145 milliards d’euros au cours du quinquennat de Jacques Chirac, de 95 milliards d’euros au cours de celui de Nicolas Sarkozy et de 124 milliards d’euros au cours de celui de François Hollande, ce qui représente déjà une hausse globale d’environ 369 milliards d’euros des prélèvements obligatoires pour les contribuables français.

Emmanuel Macron n’a pas non plus épargné les classes moyennes : augmentation de la CSG, des taxes sur le tabac, de la taxe carbone etc. Cela, sans compter les hausses d’impôts dans de nombreuses collectivités comme à Nice, Paris ou Grenoble où la taxe foncière ne cesse de grimper.

Dans ce cadre, le creusement des inégalités radicalise progressivement les écarts entre les héritiers protégés par leurs espérances patrimoniales et les simples détenteurs de diplômes dépréciés sur le marché de l’emploi. Cette injustice s’est accrue à la vitesse de la marée montante, emportant avec elle l’affaiblissement de la valeur travail et les espoirs d’ascension sociale des nouvelles générations.

Ce triste constat est le résultat de renoncements successifs et d’un système à bout de souffle qui matraque sans arrêt les classes moyennes qui travaillent au profit de ceux qui bénéficient de notre solidarité nationale sans jamais avoir cotisé ou sans aucune contrepartie.

Oui, les classes moyennes sont aujourd’hui dans une situation d’asphyxie fiscale. Elles sont les vaches à lait de l’État. Celles‑ci veulent que les pouvoirs publics cessent de confisquer le fruit de leur travail et qu’on leur redonne de l’oxygène.

D’autant que, plus que jamais, les classes moyennes ont besoin d’être protégés contre l’inflation qui s’est installée durablement, contre les prix du logement qui ne cessent d’augmenter, contre les prix du carburant, contre les prix de l’énergie, et contre, plus généralement, la baisse constante de leur pouvoir d’achat.

Or, comme le soulignait le marquis de Mirabeau dans sa célèbre théorie de l’impôt, la multitude et la hausse des prélèvements obligatoires « énerve d’abord la société ; la trouble, l’aigrit, la dessèche, la dissout enfin ».

À ce titre, l’éclatement des tensions sociales à l’occasion des manifestations des gilets jaunes ont été le point paroxysmique d’années d’aiguisement des frustrations et d’un ressentiment général de ne plus pouvoir vivre dignement de son travail.

Face à ce constat, certains refuserait de s’attaquer à certains totems qui ont pourtant participé à une fuite en avant sans précèdent dans notre pays. Assumons enfin que tout doit être révisé de fond en comble. Tout doit être remis à plat. Cette situation de délitement commande à une véritable révolution fiscale ! En la matière, il y a désormais urgence à agir. C’est l’objet de cette proposition de loi.

L’article 1er vise à baisser massivement les impôts pour les classes moyennes pour qu’elles retrouvent l’envie de se dépasser, d’innover et d’aller encore plus loin dans leurs projets. Il faut que l’euro marginal qui leur reste pour vivre après la fiscalisation de leurs revenus soit plus important. Ce n’est que justice et le juste retour de leur labeur.

L’article 2 prévoit la suppression des droits de succession en ligne directe. Quel impôt plus injuste que cet impôt sur la mort. Cette mesure concerne tous les Français, mais impactera surtout les classes moyennes qui travaillent toute leur vie pour se constituer difficilement un patrimoine. Et cela n’est pas chose simple car l’État a fait son œuvre en taxant annuellement les fruits de leur travail réduisant leur pouvoir d’achat et leur capacité de financement, en taxant l’acquisition immobilière, en taxant annuellement le bien immobilier au titre des impôts fonciers. À cette pression fiscale qui entrave par elle‑même l’accession à la propriété et la constitution d’un patrimoine, s’ajoute encore un impôt sur la succession. Cet impôt conduit bon nombre d’héritiers réservataires à devoir vendre le patrimoine familial pour régler les droits de succession. Cette injustice doit être gommée en supprimant les droits de succession en ligne directe. En contrepartie les taux marginaux pour les autres héritiers seront réévalués.

L’article 3 permet de supprimer la TVA sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Comment peut‑on expliquer au contribuable qu’il doit payer une taxe sur la taxe ? Surtout lorsque ces taxes rendent inaccessible l’énergie pour nos concitoyens alors qu’ils sont tributaires de leurs véhicules pour se déplacer et pour travailler.

L’article 4 vise à supprimer la TVA sur l’ensemble des factures énergétiques de nos concitoyens. En effet, ces factures sont déjà grevées de bon nombre de taxes, telle la CTA (contribution tarifaire acheminement) pour l’électricité et le gaz ou la TICGN (taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel) auxquelles s’ajoutent la TVA sur la consommation mais aussi la TVA sur les abonnements. Ces taxes représentent près de 30 % de la facture d’énergie et grèvent de manière importante les budgets des français.

L’article 5 établit une exonération d’imposition sur les sociétés pour les entreprises qui réinvestissent leurs bénéfices. Ce mécanisme vertueux impactera principalement nos PME et créera un cercle vertueux permettant de favoriser l’investissement de nos entreprises et les prises de participations permettant de stimuler notre croissance, de favoriser l’expansion des entreprises françaises, et donc in fine, de permettre à leurs dirigeants, leurs actionnaires de pouvoir briser les plafonds de verre induits par une pression fiscale démesurée.

L’article 6 prévoit la suppression de la contribution sociale sur les revenus du patrimoine.

L’article 7 impose aux allocataires du revenu de solidarité active de réaliser obligatoirement, en contrepartie, 50 heures mensuelles de mission d’intérêt public au sein de leur commune de résidence, de leur communauté de communes ou des collectivités locales. Cet article a pour objectif de remettre la méritocratie au cœur des valeurs républicaines en redonnant de la valeur au travail et à l’effort. La justice sociale veut que l’aide public ne soit plus synonyme d’assistanat public. Bien plus que d’inscrire ces personnes défavorisées dans les pas de l’emploi et dans ceux de la resocialisation professionnelle ; cette mesure permettra de réaliser d’importantes économies pour les collectivités locales. C’est une mesure gagnant‑gagnant qui aura également pour effet de rompre avec le sentiment d’injustice ressenti par ceux qui contribuent à cette solidarité par l’impôt.

Enfin, l’article 8 vise à déplafonner le crédit d’impôt destiné aux frais de garde des jeunes enfants tant par les assistants maternels que par les établissements de gardes telles que les micro‑crèches. Les actifs ne doivent plus voir une part importante de leurs revenus être affectés aux frais de garde d’enfants parce que les communes ne sont pas en capacité d’offrir un nombre suffisant de places en crèches publiques. Il faut accompagner ces actifs en réduisant le reste à charge lié aux frais de garde.

 


proposition de loi

Article 1er

Le 1 du I de l’article 197 du code des impôts est ainsi modifié :

1° Au début du deuxième alinéa, le taux : « 11 % » est remplacé par le taux : « 5 % » ;

2° Au début du troisième alinéa, le taux : « 30% » est remplacé par le taux : « 15 % » ;

3° Au début de l’avant-dernier alinéa, le taux : « 41 % » est remplacé par le taux : « 25 % ».

Article 2

 Le C du VI de la section II du chapitre premier du titre IV de la première partie du code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 777 est ainsi modifié :

a) Le tableau du deuxième alinéa est ainsi rédigé :

  

 

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable en %

 

 

0 €

0

 

 

b) Les quatre dernières lignes de la seconde colonne du tableau du quatrième alinéa sont ainsi rédigées :

  

45

55

65

75

Article 3

L’article 262 quater du code général des impôts ainsi rétabli :

« Art. 262 quater. – Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée, les biens et services assujettis à la taxe intérieure de consommation de produits énergétiques pour la part du prix de vente hors taxe sur la valeur ajoutée représentant le montant de la taxe intérieure de consommation de produits énergétiques telle que définie par l’article 265 du code des douanes. »

Article 4

Après le 2 du II de l’article 267 du code général des impôts est inséré un 3° ainsi rédigé :

« 3° Les contributions dues au titre de la consommation finale du consommateur en application des articles L. 2333‑2 et L. 3333‑2 du code général des collectivités territoriales et de l’article 18 de la loi n° 2004‑803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ».

Article 5

Après le II de l’article 150-O B ter, sont insérés des II bis et II ter ainsi rédigés :

« II bis. – L’imposition de la société est exonérée à hauteur de 100 % lorsque 40 % de son bénéfice a été réinvesti dans les deux ans selon les cas mentionnés, ci-après :

«  En cas de financement direct dans une de ses activités opérationnelles : moyens permanents affectés à son activité opérationnelle commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exclusion d’investissements patrimoniaux financières ou immobilières ;

«  En cas d’acquisition de titres d’une société opérationnelle sous contrôle : acquisition de titres existants d’une société opérationnelle dans l’Union européenne, ou dans un État de l’Espace économique européen, hors Suisse et Royaume-Uni, dont elle détient le contrôle ;

«  En cas de souscription de nouveaux titres d’une société opérationnelle non contrôlée : souscription de nouveaux titres en numéraire au capital initial ou à une augmentation de capital ou par l’acquisition de titres existants non éligibles et sans avoir à contrôler la société ;

«  En cas de souscription dans des parts de fonds de capital-investissement tels qu’un fonds commun de placement à risque, un fonds professionnel de capital investissement, une société de capital risque ou une société de libre partenariat. Depuis les cessions réalisées à partir du 1er janvier 2019, la holding peut souscrire à des parts ou actions de fonds de capital-investissement éligibles à raison d’au moins 75 % d’investissement en capital de sociétés européennes, au sein d’au moins 50 % d’entreprises cotées, et pour une détention minimum de cinq ans contre vingt-quatre mois minimum pour les trois autres réinvestissements éligibles. 

« II ter.  L’imposition de la société est exonérée à hauteur de 100 % lorsque 60 % de son bénéfice a été réinvesti dans les douze mois conditions mentionnés ci-après :

« L'entreprise concernée doit répondre à la définition de petites et moyennes entreprises communautaires à la date du versement. Ainsi, est une petite et moyenne entreprise au sens communautaire de l'annexe I du règlement ‘UE) n°651/2014 de la commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

« Une entreprise qui occupe moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros, ou une entreprise dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros.

« Une entreprise pour laquelle moins de 25 % de son capital ou de ses droits de vote sont contrôlés, directement ou indirectement, par un ou plusieurs organismes publics ou collectivités publiques, à titre individuel ou conjointement.

« Une entreprise qui ne doit pas être en difficulté ;

« Une entreprise qui doit être créée depuis moins de 7 ans ;

« Elle a son siège en France ou dans un autre État membre de l'Union européenne ou un autre État de l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale ;

« Une entreprise qui doit être soumise à l'impôt sur les sociétés, exercer exclusivement une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, à l'exclusion d'activités de gestion de patrimoine mobilier ou immobilier, d'activités financières, d'activité de construction d'immeubles en vue de leur vente ou de leur location, et de certaines activités procurant des revenus garantis en raison de l'existence d'un tarif réglementé de rachat de la production ;

« Une entreprise qui doit employer au moins deux salariés à la clôture du premier exercice suivant celui de la souscription, ou un seul s'il s'agit d'une activité artisanale ;

« Une entreprise dont les actifs ne sont pas constitués de façon prépondérante de métaux précieux, d’œuvre d'art, d'objets de collection, d'antiquités, de chevaux de course et de concours, de vins ou d'alcools ;

« Une entreprise dont les titres ne sont pas admis sur un marché réglementé ;

« Une entreprise dont le montant total des sommes perçues au titre des souscriptions et des aides, dont elle a pu bénéficier dans le cadre du financement des risques, n'excède pas 15 millions d'euros ;

« Une entreprise dont les parts reçues doivent être conservées jusqu'à l'expiration de la cinquième année qui suit celle de la souscription et ne pas donner lieu à remboursement des apports avant la fin de la septième année qui suit celle de la souscription, sauf si le remboursement fait suite à la liquidation judiciaire de la société.

« Toutefois, en cas de non-respect de la condition de conservation des titres du fait de leur cession plus de trois ans après leur souscription, l'avantage fiscal n'est pas remis en cause quelle que soit la cause de cette cession, si la société respecte deux conditions cumulatives suivantes :

« 1° Le réinvestissement intégral par le cédant dans un délai maximum de douze mois à compter de la cession du prix de vente des titres cédés diminué des impôts et taxes générés par cette cession dans la souscription de titres de sociétés éligibles au dispositif ;

« 2° La conservation de ces nouveaux titres souscrits jusqu'au terme des cinq années sans que ces derniers puissent ouvrir droit à réduction. »

Article 6

La section 2 du chapitre 6 du titre III du livre I du code de la sécurité sociale est abrogée.

Article 7

Après le premier alinéa de l’article L. 262‑28 du code de l’action sociale et des familles, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le bénéficiaire du revenu de solidarité active est également tenu d’exercer une mission d’intérêt public au service des collectivités ne pouvant excéder 50 heures de travail hebdomadaire.

« Cette mission peut être réalisée au service de la commune de résidence dudit bénéficiaire ou de l’établissement public de coopération intercommunal de ladite commune. »

Article 8

La deuxième phrase du premier alinéa de l’article 200 quater B du code général des impôts est supprimée.

Article 9

L’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « douze » ;

2° À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, après le mot : « dont », sont insérés les mots : « l’urgence de » ;

3° Au dernier alinéa, après le mot : « si », sont insérés les mots : « l’urgence de ».

Article 10

I. – La perte de recettes pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.