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N° 1970

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à allonger la durée de l’ordonnance de protection et à créer l’ordonnance provisoire de protection immédiate,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Émilie CHANDLER, M. Sylvain MAILLARD, les membres du groupe Renaissance [(1)],

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les violences conjugales constituent un fait de société majeur qui appelle une réponse législative à la hauteur. Au cours de ces dernières années, de nombreuses mesures ont été adoptées pour lutter contre ce fléau, parmi lesquelles figure l’ordonnance de protection.

Créée par la loi n° 2010‑769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants, l’ordonnance de protection permet d’accorder, en urgence, à la personne qui est victime de violences conjugales vraisemblables et qui est en danger, ainsi qu’aux enfants du couple, des mesures de protection judiciaire, telles que l’interdiction faite à la partie défenderesse de paraître au domicile et dans certains lieux, ou encore l’attribution à la partie demanderesse de la jouissance du logement ou de l’exercice exclusif de l’autorité parentale. Cette protection peut être accordée dès le moment de la révélation des faits, indépendamment de l’existence d’une enquête pénale ou d’un dépôt de plainte, afin de favoriser sa mise en œuvre dans des délais rapides.

Depuis sa création, le dispositif de l’ordonnance de protection a été successivement renforcé par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille, la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, et la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

Aujourd’hui, l’ordonnance de protection apparaît comme un outil essentiel de lutte contre les violences conjugales, désormais bien connu du grand public et maîtrisé par les professionnels du droit. Entre 2017 et 2021, le nombre d’ordonnances de protection demandées et délivrées a ainsi respectivement augmenté de 120 % et de 153 %, et en 2022, le taux d’acceptation des ordonnances de protection s’élevait à plus de 69 %.

Toutefois, en dépit de ces résultats particulièrement encourageants, ce dispositif peut encore être amélioré afin de renforcer la protection des personnes en danger au sein du couple. La présente proposition de loi propose donc, d’une part, d’allonger la durée de l’ordonnance de protection afin de protéger plus longtemps la personne en danger, et, d’autre part, de créer un dispositif nouveau, l’ordonnance provisoire de protection immédiate, afin de protéger encore plus rapidement la personne en danger et ses enfants.

L’article 1er de cette proposition de loi prévoit, d’une part, de porter de six à douze mois la durée initiale des mesures prononcées au titre de l’ordonnance de protection.

Actuellement, la durée maximale de ces mesures est de six mois à compter de la notification de l’ordonnance de protection. L’article 512‑12 du code civil prévoit que cette durée peut être prolongée au‑delà si, durant ce délai, une demande en divorce ou en séparation de corps a été déposée ou que le juge aux affaires familiales a été saisi d’une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale.

Dans certaines circonstances, cette durée initiale de six mois s’avère insuffisante. Il en est ainsi lorsque la situation est particulièrement conflictuelle, ou lorsque les parties ne peuvent pas bénéficier de la prolongation automatique des effets de l’ordonnance de protection prévue à l’article 512‑12 du code civil parce qu’elles ne sont pas mariées et n’ont pas d’enfant en commun.

L’allongement de la durée des mesures vise à accorder davantage de temps à la partie bénéficiaire de l’ordonnance de protection, afin de lui permettre de s’organiser, par exemple pour déménager ou pour changer l’établissement scolaire de ses enfants.

L’article 1er de cette proposition de loi prévoit, d’autre part, la création d’un nouveau dispositif : l’ordonnance provisoire de protection immédiate.

Cette ordonnance provisoire a vocation à être mobilisée par le procureur de la République, sous réserve de l’accord de la personne en danger, à titre de demande accessoire à la demande préalable d’ordonnance de protection. Elle est délivrée non contradictoirement par le juge aux affaires familiales dans un délai de vingt‑quatre heures.

Afin de préserver la constitutionnalité du dispositif, la demande d’ordonnance provisoire de protection immédiate est subordonnée au recueil de l’accord de la personne en danger et à l’existence de violences vraisemblables et d’un danger grave et immédiat vraisemblable. Les mesures qui peuvent être prononcées par le juge sont limitées à celles exclusivement nécessaires à préserver, en urgence, l’intégrité de la personne en danger et celle de ses enfants. Ainsi, le juge pourra prononcer une interdiction de paraître dans certains lieux spécialement désignés (le domicile du couple et ses abords, l’école des enfants, le lieu de travail de la personne à protéger), une interdiction de contact avec la ou les personnes en danger, ainsi qu’une interdiction de détention ou de port d’arme et une obligation de remise aux forces de sécurité intérieure.

Ces mesures sont prononcées à titre provisoire, dans l’attente de la décision au fond sur l’ordonnance de protection qui doit être rendue dans le délai maximal de six jours.

Ce dispositif a vocation à être mobilisé lorsque la situation de la personne en danger nécessite la mise en œuvre d’une protection urgente, avant l’attente de l’expiration du délai de six jours. Il en est ainsi lorsqu’un risque sérieux de passage à l’acte violent est suspecté ou que l’auteur est en fuite, ce qui rend impossible son placement en garde à vue.

Les conditions relatives à la saisine du juge aux affaires familiales, à l’exécution de l’ordonnance provisoire de protection immédiate, à sa notification et aux voies de recours seront fixées décret en Conseil d’État. Ce décret sera également l’occasion de préciser, dans le cadre de l’ordonnance de protection et de l’ordonnance provisoire de protection immédiate, les modalités de communication par le procureur de la République au juge aux affaires familiales les éléments de nature pénale qui sont à sa disposition.

L’article 2 de la proposition de loi prévoit que le non‑respect d’une ou plusieurs des obligations ou interdictions imposées par l’ordonnance provisoire de protection immédiate sera constitutive d’une infraction pénale, à l’image de ce que dispose déjà l’article 227‑4‑2 du code pénal pour l’ordonnance de protection, afin de donner sa pleine effectivité à ce nouveau dispositif de protection. À cet égard, la peine encourue (actuellement de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende pour l’ordonnance de protection) est portée à trois ans d’emprisonnement, ce qui permettra notamment la mise en œuvre d’une géolocalisation de l’auteur (article 230‑32 du code de procédure pénale).

L’article 3 de la proposition de loi prévoit son application dans les départements, régions et collectivités d’outre‑mer afin de garantir que la lutte contre les violences intrafamiliales soit effective tant en métropole qu’en outre‑mer.

Cette proposition de loi se veut donc être une proposition de rassemblement de l’ensemble des élus de la Nation. Certaines causes essentielles redonnent du sens à l’action politique. Ce texte compte ainsi comme tel en apportant des réponses opérationnelles et concrètes pour renforcer la protection des personnes en danger dans un contexte de violences intrafamiliales.

 


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proposition de loi

Article 1er

Le code civil est ainsi modifié :

1° À la première phrase de l’article 515‑12, le mot : « six » est remplacé par le mot : « douze » ;

2° Après l’article 515‑13, il est inséré un article 515‑13‑1 ainsi rédigé :

« Art. 515131.  Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d’une demande d’ordonnance de protection dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article 515‑10, le ministère public peut, avec l’accord de la personne en danger, demander également une ordonnance provisoire de protection immédiate.

« L’ordonnance provisoire de protection immédiate est délivrée par le juge aux affaires familiales dans un délai maximal de vingt‑quatre heures à compter de sa saisine, si ce dernier estime, au vu des seuls éléments joints à la requête, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger grave et immédiat auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés.

« Le juge aux affaires familiales est compétent pour prononcer, à titre provisoire, les mesures mentionnées aux 1°, 1° bis, 2° et 2° bis de l’article 515‑11.

« Ces mesures prennent fin à compter de la décision statuant sur la demande d’ordonnance de protection et au plus tard dans le délai de six jours prévu à l’article 515‑11. ».

Article 2

Après l’article 227‑4‑2 du code pénal, il est inséré un article 227‑4‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. 227421. – Le fait, pour une personne faisant l’objet d’une ou plusieurs obligations ou interdictions imposées dans une ordonnance de protection immédiate rendue en application de l’article 515‑13‑1 du code civil, de ne pas se conformer à cette ou ces obligations ou interdictions est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. ».

Article 3

I. – L’article 711‑1 du code pénal est ainsi rédigé :

« Art. 7111. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n°     du      visant à allonger la durée de l’ordonnance de protection et à créer l’ordonnance provisoire de protection immédiate en Nouvelle‑Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. ».

II. – L’article 1er de la présente loi est applicable dans les îles Wallis et Futuna et en Polynésie française.

 

 


[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. Damien ABAD, Mme Caroline ABADIE, M. Damien ADAM, M. Éric ALAUZET, M. David AMIEL, M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, M. Jean-Philippe ARDOUIN, M. Antoine ARMAND, M. Quentin BATAILLON, M. Belkhir BELHADDAD, M. Mounir BELHAMITI, Mme Fanta BERETE, M. Benoît BORDAT, M. Éric BOTHOREL, M. Florent BOUDIÉ, Mme Chantal BOULOUX, M. Bertrand BOUYX, Mme Pascale BOYER, Mme Yaël BRAUN-PIVET, Mme Maud BREGEON, M. Anthony BROSSE, Mme Anne BRUGNERA, Mme Danielle BRULEBOIS, M. Stéphane BUCHOU, Mme Françoise BUFFET, Mme Céline CALVEZ, Mme Eléonore CAROIT, M. Lionel CAUSSE, M. Pierre CAZENEUVE, M. Jean-René CAZENEUVE, Mme Émilie CHANDLER, Mme Clara CHASSANIOL, M. Yannick CHENEVARD, Mme Mireille CLAPOT, Mme Fabienne COLBOC, Mme Claire COLOMB-PITOLLAT, M. François CORMIER-BOULIGEON, Mme Laurence CRISTOL, M. Dominique DA SILVA, Mme Christine DECODTS, Mme Julie DELPECH, M. Frédéric DESCROZAILLE, M. Benjamin DIRX, Mme Ingrid DORDAIN, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, M. Philippe DUNOYER, Mme Stella DUPONT, M. Philippe EMMANUEL, Mme Sophie ERRANTE, M. Philippe FAIT, M. Marc FERRACCI, M. Jean-Marie FIÉVET, M. Philippe FREI, M. Jean-Luc FUGIT, M. Thomas GASSILLOUD, Mme Anne GENETET, M. Raphaël GÉRARD, M. Hadrien GHOMI, M. Éric GIRARDIN, M. Joël GIRAUD, Mme Olga GIVERNET, Mme Charlotte GOETSCHY-BOLOGNESE, M. Guillaume GOUFFIER VALENTE, M. Jean-Carles GRELIER, Mme Marie GUÉVENOUX, Mme Claire GUICHARD, M. Philippe GUILLEMARD, M. Benjamin HADDAD, Mme Nadia HAI, M. Yannick HAURY, M. Pierre HENRIET, Mme Laurence HEYDEL GRILLERE, M. Alexandre HOLROYD, M. Sacha HOULIÉ, Mme Servane HUGUES, Mme Monique IBORRA, M. Alexis IZARD, M. Jean-Michel JACQUES, Mme Caroline JANVIER, M. Guillaume KASBARIAN, Mme Brigitte KLINKERT, M. Daniel LABARONNE, M. Emmanuel LACRESSE, Mme Amélia LAKRAFI, Mme Virginie LANLO, M. Michel LAUZZANA, M. Pascal LAVERGNE, Mme Sandrine LE FEUR, M. Didier LE GAC, M. Gilles LE GENDRE, Mme Constance LE GRIP, Mme Annaïg LE MEUR, Mme Christine LE NABOUR, Mme Nicole LE PEIH, M. Fabrice LE VIGOUREUX, Mme Marie LEBEC, M. Vincent LEDOUX, M. Mathieu LEFÈVRE, Mme Patricia LEMOINE, Mme Brigitte LISO, M. Jean-François LOVISOLO, M. Sylvain MAILLARD, Mme Laurence MAILLART-MÉHAIGNERIE, Mme Jacqueline MAQUET, M. Bastien MARCHIVE, M. Louis MARGUERITTE, M. Christophe MARION, Mme Sandra MARSAUD, Mme Alexandra MARTIN (GIRONDE), M. Didier MARTIN, M. Denis MASSÉGLIA, M. Stéphane MAZARS, Mme Graziella MELCHIOR, M. Ludovic MENDES, Mme Lysiane MÉTAYER, M. Nicolas METZDORF, Mme Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT, M. Paul MIDY, Mme Laure MILLER, M. Benoit MOURNET, M. Karl OLIVE, M. Nicolas PACQUOT, Mme Sophie PANONACLE, Mme Astrid PANOSYAN-BOUVET, M. Didier PARAKIAN, M. Didier PARIS, Mme Charlotte PARMENTIER-LECOCQ, M. Emmanuel PELLERIN, M. Patrice PERROT, Mme Anne-Laurence PETEL, Mme Michèle PEYRON, Mme Béatrice PIRON, M. Jean-Pierre PONT, M. Éric POULLIAT, Mme Natalia POUZYREFF, M. Rémy REBEYROTTE, M. Robin REDA, Mme Cécile RILHAC, Mme Véronique RIOTTON, Mme Stéphanie RIST, Mme Marie-Pierre RIXAIN, M. Charles RODWELL, M. Xavier ROSEREN, M. Jean-François ROUSSET, M. Lionel ROYER-PERREAUT, M. Thomas RUDIGOZ, Mme Laetitia SAINT-PAUL, M. Mikaele SEO, M. Freddy SERTIN, M. Charles SITZENSTUHL, M. Philippe SOREZ, M. Bertrand SORRE, Mme Violette SPILLEBOUT, M. Bruno STUDER, Mme Liliana TANGUY, Mme Sarah TANZILLI, M. Jean TERLIER, Mme Huguette TIEGNA, M. Stéphane TRAVERT, M. David VALENCE, Mme Annie VIDAL, M. Patrick VIGNAL, Mme Corinne VIGNON, M. Stéphane VOJETTA, M. Lionel VUIBERT, M. Guillaume VUILLETET, M. Christopher WEISSBERG, M. Éric WOERTH, Mme Caroline YADAN, M. Jean-Marc ZULESI.