N° 2028

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

sur les modalités de rachat de bijoux en métaux précieux,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Annie GENEVARD, M. Guy BRICOUT, M. Thibault BAZIN, Mme Véronique BESSE, M. Nicolas FORISSIER, Mme Géraldine GRANGIER, M. Michel HERBILLON, M. Emmanuel MAQUET, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, M. Christophe PLASSARD, M. Jean-Pierre TAITE, Mme Estelle YOUSSOUFFA,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis 2014, le secteur de la bijouterie‑horlogerie connaît une baisse constante et significative de ses ventes. D’autre part, la vente d’or et de métaux précieux ne cesse de se développer à la faveur de la hausse des prix de certaines matières premières. A cette situation s’ajoute l’arrivée de nouvelles tendances de consommation, tels que les bijoux d’occasion, les bijoux personnalisables et la création à la demande, ce qui explique que les bijoutiers‑horlogers se tournent vers le rachat d’or pour permettre à leurs clients de bénéficier d’avantages sur le prix de leurs nouveaux bijoux. Pour ce faire, ils souhaiteraient privilégier les avoirs et les chèques cadeaux pour leurs clients, ce qui leur permettrait de déduire le montant de l’or vendu de leur prochain achat.

Or, antérieurement à la loi n° 2014‑344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, l’article L. 112‑6 du Code monétaire et financier disposait que : « Toute transaction relative à l’achat au détail de métaux ferreux et non ferreux est effectuée par chèque barré, virement bancaire ou postal ou par carte de paiement, sans que le montant total de cette transaction puisse excéder un plafond fixé par décret. (…) ».

Lors des débats relatifs à l’adoption de la loi précitée du 17 mars 2014, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale adopta un amendement établissant le contrat de rachat de métaux précieux et l’article L. 112‑6 du Code monétaire et financier fut modifié afin d’interdire explicitement l’usage des espèces et de la monnaie électronique pour les achats de métaux précieux, afin de clarifier le régime applicable et renforcer la lutte contre la fraude. Cette formulation n’a cependant pas été retenue, étant donné que le nouvel article L. 112‑6 du Code monétaire et financier dispose que « Lorsqu’un professionnel achète des métaux à un particulier ou à un autre professionnel, le paiement est effectué par chèque barré ou par virement à un compte ouvert au nom du vendeur. Le non‑respect de cette obligation est puni par une contravention de cinquième classe. »

L’article L. 112‑6 du Code monétaire et financier se situe au sein du Chapitre 2 du Titre Ier du Livre Ier intitulé « Interdiction du paiement en espèces de certaines créances ». Il est ainsi clairement établi qu’il n’est pas autorisé de procéder au rachat d’or en espèces, mais aucune interdiction expresse ne régit d’autres moyens de paiement à l’instar des bons d’achat.

Les chèques cadeaux, bons d’achats et acomptes ne sont donc pas inclus dans le champ d’application de l’article L. 112‑6 du Code monétaire et financier, dans la mesure où ils ne peuvent pas être ni encaissés, ni échangés contre des espèces, mais seulement contre des biens limitativement définis, en l’espèce des bijoux ou des montres. En effet, les chèques cadeaux et bons d’achats ne sont pas des instruments de paiement au sens de la loi bancaire du 24 janvier 1984, pas plus que la monnaie. La Cour de cassation a ainsi considéré dans sa décision n° 99‑18.29 du 6 juin 2001 que les chèques cadeaux et bons d’achat :

– sont « dépourvus de tout caractère fongible et liquide » ;

– ne représentent « pas une valeur monétaire » ;

– ne constituent « pas des instruments de paiement mais des moyens de transférer des créances sur des débiteurs prédéterminés ».

D’autre part, l’autorisation de l’utilisation de ces procédés s’est vue refuser lors des débats parlementaires de 2014, le Gouvernement ayant considéré que le règlement en bons d’achat est un obstacle à la traçabilité des transactions. Il est pourtant possible de soutenir que ce mode de règlement satisfait à toutes les exigences en matière de sécurité des transactions, de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. En effet, les avoirs et les chèques‑cadeau ne peuvent pas être échangés contre d’autres instruments de transfert de fonds, tels que des espèces ou des chèques. En outre, ils ne peuvent pas être déposés ou virés via des comptes bancaires, mais uniquement présentés comme moyens d’échanges auprès du professionnel de manière limitativement établie et contre des biens de même nature.

La filière de la bijouterie‑horlogerie a mis en place de nombreuses mesures d’atténuation et de surveillance pour lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Il convient également de rappeler que la réglementation de la garantie des métaux précieux impose déjà à ces professionnels les obligations suivantes :

– se déclarer auprès d’un bureau de garantie au moyen d’une déclaration de profession (article 534 du Code général des impôts) ;

– faire enregistrer, auprès d’un bureau de garantie, un poinçon permettant de les identifier (poinçon de maître si le professionnel est fabricant, poinçon de responsabilité s’il est importateur - article 533 du Code général des impôts) ;

– commercialiser des ouvrages à l’un des titres légaux prescrits par la loi (article 522 du Code général des impôts) ;

– apposer ou faire apposer un poinçon de garantie sur les ouvrages en métaux précieux qu’ils détiennent. Ce poinçon permet d’identifier le type de métal précieux composant l’ouvrage, ainsi que son titre ;

– tenir un livre de police reprenant le descriptif, les dates d’entrée et de sortie des ouvrages qu’ils détiennent (art. 537 du code général des impôts) ;

– n’acheter ces produits qu’à des personnes connues ou ayant des répondants connus d’eux (article 539 du Code général des impôts) ;

– joindre aux inscriptions faites au livre de police, lorsque les achats de matières, ouvrages, lingots en platine, or ou argent, ont été conclus avec des personnes domiciliées à l’étranger, les quittances attestant que les droits et taxes exigibles à l’entrée en France ont été payés (article 539 du Code général des impôts).

Les bijoutiers‑horlogers procédant au rachat d’or par ces procédés se trouvent ainsi en perpétuelle insécurité en raison du flou juridique existant. Dans ces conditions, cette proposition de loi vise à clarifier la réglementation applicable au rachat d’or en autorisant explicitement l’utilisation de l’acompte, du bon d’achat et du chèque cadeau, rejoignant l’ouverture opérée par le rapporteur de la loi de 2014 relative à la consommation, qui estimait qu’après expérimentation du texte, il serait opportun d’ouvrir la voie à de nouvelles pratiques de consommation.

 


proposition de loi

Article unique

Le I de l’article L. 112‑6 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’un professionnel achète à un particulier des bijoux en métaux précieux, il peut substituer aux moyens de paiement mentionnés au troisième alinéa du présent I l’établissement d’un acompte, d’un bon d’achat ou d’un chèque cadeau nominativement délivré, à valoir sur l’achat ultérieur à la transaction. »