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N° 2032

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre les marchands de sommeil,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Lionel ROYER-PERREAUT, Mme Laetitia SAINT-PAUL, M. Nicolas METZDORF, Mme Brigitte KLINKERT, Mme Anne-Laurence PETEL, Mme Laure MILLER, M. Jean TERLIER, Mme Caroline YADAN, M. Philippe DUNOYER, Mme Anne BRUGNERA, M. Philippe SOREZ, Mme Corinne VIGNON, M. Philippe GUILLEMARD, Mme Constance LE GRIP, M. Philippe PRADAL, Mme Virginie LANLO, M. Didier PARAKIAN, M. Vincent THIÉBAUT, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Françoise BUFFET, Mme Patricia LEMOINE, M. Joël GIRAUD, M. Paul CHRISTOPHE, M. Yannick HAURY, Mme Danielle BRULEBOIS, M. Erwan BALANANT, Mme Anne-Laure BABAULT, M. Yannick CHENEVARD, M. Quentin BATAILLON, M. Damien ABAD, Mme Louise MOREL, M. Jean-François ROUSSET, Mme Sandrine JOSSO, M. Lionel VUIBERT, M. Jean-Philippe ARDOUIN, M. Jean-Marie FIÉVET, M. Thierry BENOIT, M. Christophe MARION, M. Dominique DA SILVA, Mme Sophie PANONACLE, M. Luc LAMIRAULT, Mme Cécile RILHAC, M. Damien ADAM, M. Philippe FREI, M. Jean-Marc ZULESI, M. Philippe FAIT, M. Robin REDA, Mme Delphine LINGEMANN, M. Vincent LEDOUX, M. Nicolas PACQUOT, M. Louis MARGUERITTE, M. Stéphane VOJETTA, M. Hubert OTT, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Mounir BELHAMITI, Mme Servane HUGUES, Mme Marie GUÉVENOUX,

députés.

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis des décennies, les marchands de sommeil constituent un véritable fléau social touchant les plus précaires, ajoutant du malheur au malheur. Ces individus exploitent la misère humaine en proposant des logements insalubres à des prix exorbitants, contribuant ainsi à perpétuer un cercle vicieux de précarité et d’injustice.

L’une des caractéristiques les plus alarmantes des marchands de sommeil est leur propension à exploiter les personnes les plus défavorisées de la société. Des familles entières se retrouvent contraintes de vivre dans des conditions insalubres, souvent au mépris des normes de sécurité et d’hygiène les plus élémentaires. Ces logements délabrés, parfois dépourvus des équipements de base, exposent les locataires à des risques sanitaires considérables, allant de l’humidité et de la moisissure à des problèmes plus graves tels que les incendies.

L’exploitation financière est au cœur de cette pratique malveillante. Les marchands de sommeil profitent de la vulnérabilité de ceux qui ont du mal à trouver un logement décent, exigeant des loyers bien au‑dessus des prix du marché pour des habitations souvent inadaptées voire dangereuses. Cette exploitation économique contribue à maintenir les individus dans un cycle de pauvreté persistant, car ils consacrent une part disproportionnée de leurs revenus à un toit précaire.

Face à cette réalité, les pouvoirs publics ont la responsabilité d’intervenir de manière proactive. Selon l'agence nationale de l’habitat (ANAH), environ 180 000 logements privés pourraient potentiellement être jugés indignes en Île-de-France, soit près de 5 % des résidences principales privées.

La région parisienne n’est pas le seul territoire touché pas ce phénomène. À Marseille, les marchands de sommeil sont de plus en plus nombreux. Le surnom de « cafiste » leur a été donné, du fait du paiement direct du loyer par la Caisse d’allocations familiale (CAF). Ces individus sont tellement dénués d’humanité qu’ils arrivent à faire louer une épave de voiture sur la chaussée, comme le relate M. Philippe Pujol, Prix Albert Londres du grand reportage en presse écrite, dans son livre La Fabrique du Monstre.

Cette proposition de loi a donc l’ambition de lutter contre les marchands de sommeil, de les punir aujourd’hui et de les empêcher de nuire encore demain.

L’article 1er vise à définir, dans la loi, le délit de marchand de sommeil. Est qualifié de marchand de sommeil quiconque a abusé, soit directement, soit par un intermédiaire, d’autrui en vendant, louant ou mettant à disposition, dans l’intention de réaliser un profit anormal, un bien meuble, une partie de celui‑ci, un bien immeuble, une chambre ou un autre espace dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine.

Ce nouveau délit est puni de sept ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende. Cependant, s’il apparaît que l’auteur du délit nouvellement défini a abusé de la situation de vulnérabilité ou de l’état de dépendance, apparents ou connus, dans laquelle se trouve la victime, la peine est portée à dix ans d’emprisonnement et 700 000 euros d’amende.

L’article 2 vise à définir les peines complémentaires au délit de marchand de sommeil, en s’appuyant sur l’article 190 du code pénal.

L’article 3 a pour objectif de fournir aux détenteurs du droit de préemption des informations sur l’éventuel acquéreur d’un bien en imposant l’indication de son identité dans la déclaration préalable émise par le propriétaire afin d’éviter qu’un réseau, localement identifié, continue de nuire.

L’article 4 conditionne la vente par adjudication d’un immeuble frappé d’un arrêté d’insalubrité ou de péril vendu par adjudication à la réalisation de travaux de rénovation. En cas de non‑réalisation de ces dits‑travaux, le nouveau propriétaire s’expose à une annulation de la vente.

Enfin, l’article 5 vise à créer un fichier national répertoriant l’ensemble des personnes condamné pour le délit de marchand de sommeil, défini à l’article 225‑16‑1. Piloté par le ministère de l’Intérieur, ce fichier permettra une meilleure coopération des organes de lutte contre l’habitat indigne. Les maires auront accès à ce fichier après demande auprès de l’autorité compétente.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

 


proposition de loi

Article 1er

Après l’article 225‑16 du code pénal, est inséré un article 225‑16‑1 ainsi rédigé :

« Art. 225‑16‑1 A. – Est qualifié de marchand de sommeil quiconque a abusé, soit directement, soit par un intermédiaire, d’autrui en vendant, louant ou mettant à disposition, dans l’intention de réaliser un profit anormal, un bien meuble, une partie de celui‑ci, un bien immeuble, une chambre ou un autre espace dans des conditions incompatibles avec la dignité humaine. Il est puni de sept ans d’emprisonnement et 200 000 euros d’amende. 

« S’il apparaît que l’auteur du délit nouvellement défini a abusé de la situation de vulnérabilité ou de l’état de dépendance, apparents ou connus, dans laquelle se trouve la victime, la peine est portée à dix ans d’emprisonnement et 700 000 euros d’amende. »

Article 2

Au premier alinéa du I de l’article 225‑26 du code pénal, après la référence : « 225‑14 », sont insérés les mots : « et à l’article 225‑16‑1 ».

Article 3

L’article L. 322‑7 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de vente par adjudication d’un bien insalubre ou frappé par un arrêté de péril, cette vente peut être réalisée moyennant une obligation de procéder aux travaux prescrits dans les conditions et le délai fixé par cet arrêté. Dans le cas contraire, la vente peut être annulée de plein droit. »

Article 4

Après la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 213‑2 du code de l’urbanisme, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Elle mentionne obligatoirement le nom de l’acquéreur envisagé. ».

Article 5

Dans un délai d’un an après la promulgation de la présente loi, un fichier national répertoriant l’ensemble des personnes condamnées pour le délit de marchand de sommeil défini à l’article 225‑16‑1 du code pénal est créé. Ce fichier a vocation à améliorer la coopération des organes de lutte contre l’habitat indigne. Les maires ont un droit d’accès à ce fichier après demande à l’autorité compétente. Les modalités de ce fichier sont définies en Conseil d’État.

Article 6

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.