N° 2038

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 décembre 2023.

PROPOSITION DE LOI

instaurant un moratoire sur la construction d’ouvrages de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole et réformant le code de l’environnement concernant l’usage de l’eau en agriculture,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Delphine BATHO,

députée.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Nous allons bientôt manquer de l’eau » alertait le 19 avril 1974, René Dumont, premier candidat écologiste à l’élection présidentielle, en buvant un verre d’eau en direct à la télévision. Près d’un demi‑siècle après René Dumont, le manque d’eau est une des plus vitales urgences écologiques à laquelle la France est confrontée. Et ce, depuis longtemps.

En effet, deux tiers des zones humides ont été détruites en France en quarante ans. Des pans entiers du territoire national, à la géographie de plus en plus étendue, sont reconnus zones de répartition des eaux depuis près de trente ans, c’est‑à‑dire, en état de déséquilibre chronique entre l’eau douce disponible et des prélèvements excessifs pour la consommation de l’agriculture, précipitée dans ce piège par les primes à l’irrigation de la politique agricole commune. 93 % des rivières sont contaminées par les pesticides. Des centaines de captages d’eau potable ferment chaque année. La France a été condamnée à trois reprises par la Cour de justice de l’Union européenne en ce qui concerne les pollutions de l’eau par les nitrates. La mauvaise gestion de l’eau, en quantité et en qualité, a fait l’objet de six rapports de la Cour des comptes depuis 1997.

Le nouveau régime climatique, avec la baisse déjà constatée de 14 % du volume annuel d’eau renouvelable depuis le début des années 2000, la litanie des sécheresses de plus en plus longues, qui ont frappé 75 départements en 2023 et 93 en 2022, pousse à son paroxysme une situation qui était déjà hautement critique et qui résulte principalement de l’artificialisation des sols et de l’industrialisation du modèle agricole. Ainsi, dans le département des Deux‑Sèvres par exemple, la taille des parcelles a été multipliée par vingt en cinquante ans. 80 % du linéaire de haies et 70 % des prairies ont été détruits. De ce fait, toute la capacité de régénération des nappes phréatiques a été liquidée.

Face à la multiplication des arrêtés de restriction de prélèvement dans les nappes et les milieux au printemps et en été depuis de nombreuses années, la création d’ouvrages de stockage alimentés par des prélèvements en automne et en hiver, a été présentée comme la solution privilégiée par les pouvoirs publics. Ainsi, les réserves de substitution sont devenues éligibles au financement public des agences de l’eau depuis une circulaire ministérielle de 2010. Critiquée dès cette époque car ne remettant pas en cause les volumes consommés pour l’irrigation massive de grandes cultures gourmandes en eau et destinées à l’exportation, ce financement public avait fait l’objet d’un premier moratoire entre 2012, levé en 2013, qui n’a pas débouché sur la remise à plat attendue. Par la suite, les pouvoirs publics ont rétabli le financement public des réserves de substitution, en cherchant à les inscrire dans une logique de projets de territoire. Cependant, aucune règle de droit n’en a fixé de façon claire les critères, tant en matière de réduction tangible des volumes prélevés que de changement des pratiques agricoles ou encore de prise en compte des effets du changement climatique sur la ressource en eau. Des décisions de justice ont annulé plusieurs arrêtés préfectoraux autorisant la construction d’ouvrages de ce fait. Enfin l’absence de projet de territoire impliquant réellement les habitants et l’ensemble des parties prenantes entraîne de nombreux conflits locaux. Malgré cette situation, avec le « Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique » en février 2022, le gouvernement a accentué son soutien à une politique de stockage.

Ces orientations sont dénoncées comme relevant de la mal‑adaptation au changement climatique dont les effets sont de plus en plus violents. De nombreuses et nombreux scientifiques plaident pour la remise en cause du soutien des pouvoirs publics au stockage de l’eau comme principale solution. Ainsi Mme Magali Reghezza, géographe, alors membre du Haut Conseil pour le climat, et Mme Florence Habets, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) en hydrométéorologie soulignent que « les seuls réservoirs qui peuvent stocker l’eau longtemps et avec une bonne qualité sont les nappes souterraines » et que « les mégabassines, comme beaucoup de solutions techniques lorsqu’elles sont envisagées en dehors de toute approche globale et d’une adaptation réellement transformationnelle, deviennent des réponses purement curatives, qui enferment en particulier l’agriculture dans des pratiques d’irrigation de plus en plus inadaptées au climat qui change. On traite les symptômes (pénurie d’eau) au lieu de s’attaquer à l’origine du problème (déséquilibre entre les besoins et la disponibilité de la ressource) à ses racines (pratiques, usages, partage) ». Pour M. Gonéri Le Cozannet, chercheur du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et co‑auteur du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), le stockage de l’eau dans des réservoirs est « une solution coûteuse, qui ne suffira pas partout, qui a souvent des effets négatifs pour les écosystèmes, qui peut perpétuer des modèles de développement agricoles insoutenables ».

La fuite en avant dans le stockage est une voie sans issue. Le statu quo n’est pas une option face à l’accélération du changement climatique. Les alertes scientifiques devraient conduire le législateur à énoncer trois principes pour une politique de l’eau résiliente :

 l’eau n’est pas inépuisable, elle va être de plus en plus rare. Ce principe implique d’organiser la décroissance de la consommation d’eau, à commencer par les principaux usages, pour préserver les plus vitaux. L’agriculture, qui utilise 80 % de l’eau consommée l’été pour irriguer 7 % des surfaces agricoles utiles, ne peut, comme l’a prétendu le ministre de l’agriculture en mars 2023, avoir pour objectif la seule « stabilisation des prélèvements » et être exonérée de tout « effort supplémentaire ».

 l’eau, essentielle à la vie, est un bien commun, dont la gestion ne peut être que transparence, démocratique et partagée. Plusieurs rapports de la Cour des comptes, dont celui de juillet 2023, ont critiqué la gouvernance actuelle de la politique de l’eau, sa complexité, et soulignent que « l’association des citoyens à la définition et à la mise en œuvre de la politique de l’eau reste insuffisante ».

 notre résilience collective, et celle de l’agriculture, doit reposer d’abord sur des solutions d’adaptation au changement climatique fondées sur la nature. Elles sont moins couteuses et plus efficaces. Les solutions fondées sur la nature concernent « les actions visant à protéger, gérer de manière durable et restaurer des écosystèmes naturels ou modifiés pour relever directement les défis de société de manière efficace et adaptative, tout en assurant le bienêtre humain et en produisant des bénéfices pour la biodiversité » selon la définition de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Dénouer les conflits d’usage de l’eau existant dans les territoires est l’intérêt général de la Nation toute entière.

Or, dans les Deux‑Sèvres comme ailleurs en France, le gouvernement a choisi la méthode de la brutalité. Il impose la construction tambour battant de grandes réserves d’irrigation, communément appelées « bassines », malgré l’échec des concertations et dialogues entre les acteurs de terrain. Les habitantes et les habitants, les associations environnementales et les élus locaux sont méprisés.

Il convient de répondre à l’attente de bon sens des 214 élus locaux signataires de l’appel « POUR L’EAU ET POUR LA PAIX DANS LES DEUX‑SÈVRES » : « Nous, élues locales et élus locaux des DeuxSèvres, exprimons notre sidération après les violences qui se sont produites à SainteSoline samedi dernier. Aucune cause ne peut justifier de tels affrontements. Nous condamnons dans la plus grande clarté les violences et adressons nos pensées à l’ensemble des personnes blessées, pour certaines très grièvement. Nous réaffirmons notre attachement aux valeurs de la République, au respect de la démocratie, de ses institutions, des services publics et des hommes et des femmes chargés de protéger et de porter secours à nos concitoyennes et concitoyens. Nous voulons la paix en DeuxSèvres et la tranquillité des habitantes et habitants. L’apaisement dans notre territoire passe par la remise à plat de la gestion de l’eau, qui est à l’origine d’une escalade redoutée depuis longtemps, mais hélas prévisible. Nous ne voulons pas d’une guerre de l’eau qui ne dit pas son nom. Nous portons avec fierté notre identité de territoire rural et prenons pleinement en compte les enjeux qui sont ceux des activités agricoles et de leur avenir. Face à l’accélération du réchauffement climatique, les attentes de notre population doivent aussi être entendues. Il en va de l’intérêt général. L’eau est un bien commun et une ressource vitale dont les usages doivent être partagés, pour préserver une ressource de plus en plus rare. C’est pourquoi nous demandons instamment et solennellement à l’État de prononcer un moratoire sur le projet des réserves de substitution afin de permettre l’ouverture d’assises de l’eau autour des usages et du partage de l’eau. Nous ne voulons pas vivre d’autres drames. Nous voulons de l’eau potable au robinet, de l’eau dans nos rivières et nos nappes phréatiques, des exploitations agricoles qui contribuent à une ruralité et à une biodiversité vivantes, nous voulons la concorde et la paix civile. C’est possible à condition que l’État nous entende ».

Contrairement aux affirmations du Gouvernement, le « protocole d’accord pour une agriculture durable dans le territoire du bassin Sèvre Niortaise-Mignon » datant de 2018, qui conditionnait la création de réserves d’irrigation à la baisse des volumes et au partage entre agriculteurs, à un schéma directeur de la biodiversité, à la plantation de haies, à l’évolution des pratiques agricoles et à la sortie des pesticides, n’est nullement respecté. Toutes les associations environnementales qui en étaient signataires l’ont dénoncé et quitté : Deux‑Sèvres Nature Environnement, la Fédération pour la pêche et la protection des milieux aquatiques, le Collectif citoyen pour le respect de l’environnement sur le territoire‑Val du Mignon. Dernièrement, le Groupe ornithologique des Deux‑Sèvres, qui était membre du comité scientifique et technique du protocole, a quitté cette instance en dénonçant « le peu de progrès réalisés sur la voie de l’agroécologie ». L’évaluation du bilan des engagements individuels et collectifs prévus par ce protocole, réalisée par le bureau d’étude Écodécision pour le compte du comité de bassin Loire‑Bretagne et publié récemment, confirme elle‑même que « les objectifs des engagements individuels prévus dans le protocole, précisés en 2020 et repris dans l’avenant au contrat territorial de gestion quantitative de l'eau (CTGQ) en octobre 2020, ne sont pas atteints ». Elle souligne également que les actions les plus souscrites pour le respect de certains engagements individuels « demandent peu d’efforts supplémentaires (mise en place de corridors écologiques par exemple) et portent rarement sur la réduction de l’usage des produits phytosanitaires, réduction indispensable pour la protection de la ressource en eau et la biodiversité ».

De plus, les modélisations du BRGM sur les conséquences des prélèvements pour remplir les seize réserves d’irrigation sur le niveau des nappes phréatiques et les rivières sont basées sur des données obsolètes, datant de plus de dix à vingt ans, et ne prennent aucunement en compte le changement climatique, comme l’a précisé le BRGM lui‑même dans un communiqué officiel du 13 février 2023.

Enfin, après avoir conduit une mission de médiation en Deux‑Sèvres, le président du Comité de bassin Loire‑Bretagne, M. Thierry Burlot, a dénoncé la poursuite des travaux de construction des ouvrages et plaide pour « une pause » afin de « laisser place au dialogue serein et à l’apaisement ».

La représentation nationale doit choisir une issue démocratique qui est la voie de la sagesse.

La sagesse de se fonder sur les avis scientifiques qui dénoncent la mal‑adaptation des « bassines ».

La sagesse de rechercher partout la concorde, plutôt que le conflit et le passage en force.

La sagesse d’admettre que la sécurité en eau potable, désormais menacée, est une question de sécurité nationale.

La sagesse de reconnaître, enfin, la communauté d’intérêt qui existe entre les citoyennes et citoyens et les agricultrices et agriculteurs. Car les causes du manque d’eau, de l’effondrement vertigineux de la biodiversité, et du malheur des agricultrices et des agriculteurs, de moins en moins nombreux, mal rémunérés, vivant sous le seuil de pauvreté, victimes de maladies professionnelles, de burn‑out et de suicides, sont exactement les mêmes. Elles ont pour nom l’agriculture chimique et industrielle qui détruit le vivant autant qu’elle exploite les humains.

C’est pourquoi il est nécessaire d’instaurer un moratoire sur la construction d’ouvrages de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole et de réformer le code de l’environnement concernant l’usage de l’eau en agriculture. Ce moratoire doit initier un indispensable tournant historique dans la politique de l’eau. Il doit concerner tous les projets en cours, quel que soit l’étape de leur procédure administrative, afin de répondre à l’ensemble des situations rencontrées dans les territoires particulièrement concernés par des conflits autour de l’usage de l’eau auxquels il convient de remédier. De plus, de nouvelles règles doivent enfin s’appliquer en matière d’irrigation agricole, notamment en ce qui concerne l’utilisation des ouvrages existant.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

Les dispositions du chapitre Ier instaurent un moratoire sur la construction d’ouvrages de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole.

L’article 1er instaure un moratoire sur la délivrance des autorisations environnementales pour la construction de nouveau ouvrages de stockage de l’eau pour l’irrigation agricole.

L’article 2 abroge les autorisations environnementales délivrées pour les ouvrages dont les travaux n’ont pas commencé, afin de mettre fin aux conflits autour de l’eau dans les territoires concernés et d’ouvrir la voie à un dialogue apaisé permettant de remettre à plat la gestion de l’eau. Il applique donc un moratoire au projet des réserves d’irrigation du bassin de la Sèvre Niortaise, situées principalement en Deux‑Sèvres, et conduit à l’ouverture d’une concertation sous forme d’assises de l’eau dans ce territoire.

L’article 3 conditionne, d’ici un délai de trois ans, la poursuite de l’utilisation des ouvrages de stockage existants, ayant bénéficié par le passé d’une autorisation environnementale, à quatre conditions : la mise en place d’un schéma directeur de la biodiversité et de l’adaptation des pratiques agricoles au changement climatique ; la baisse des volumes prélevés définis sur la base d’une étude hydrologique prenant en compte l’état de la ressource en quantité et en qualité et les effets du changement climatique ; le partage de l’eau entre agriculteurs ; l’usage exclusif de l’eau stockée dans les ouvrages pour l’irrigation de cultures en agriculture biologique.

L’article 4 précise que les ouvrages déclarés illégaux par décisions de justice définitives ne peuvent faire l’objet d’aucune régularisation et doivent être démantelés. En effet, le 3 février 2023, le Conseil d’État a rendu définitives les décisions de justice reconnaissant comme illégales cinq retenues de substitution sur les communes de La Laigne, Cram‑Chaban, la Grève‑sur‑le‑Mignon, en Charente‑Maritime, d’une capacité totale de stockage de 1 578 400 m3 d’eau destinés à l’irrigation de grandes cultures. Toutefois, les déclarations du gouvernement au sujet de leur devenir sont ambigües quant à leur démantèlement.

Le chapitre II comporte plusieurs dispositions modifiant le code de l’environnement.

L’article 5 garantit aux citoyens l’accès aux données relatives à l’usage économique de l’eau par le secteur agricole, qu’il s’agisse des volumes prélevés par exploitation ou de la nature des cultures irriguées.

L’article 6 modifie les dispositions introduites à l’article L.211‑1 du code de l’environnement par l’article 85 de la loi du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne en faveur de la promotion d’une politique active de stockage de l’eau pour l’irrigation. Il les remplace par de nouvelles orientations en faveur de la sobriété des prélèvements, de l’adaptation au changement climatique par des solutions fondées sur la nature favorisant la recharge des nappes phréatiques et retenant l’humidité dans les sols (plantation de haies, restauration des prairies et des zones humides, agroforesterie etc.), du partage de l’eau entre agriculteurs et de la prise en compte des enjeux de qualité de l’eau en conditionnant l’utilisation des ouvrages existant à l’irrigation de cultures en agriculture biologique.

L’article 7 modifie les dispositions de l’article L. 211‑3 du code de l’environnement. Il conditionne la délivrance des autorisations de prélèvements pour remplir les réserves d’irrigation existantes sur le territoire national à des actions d’adaptation au changement climatique fondées sur la nature et à l’utilisation de l’irrigation pour les seules productions en agriculture biologique. Il permet également que les surfaces agricoles dans les aires de protection de captage prioritaires pour l’eau potable soient cultivées en agriculture biologique. Il s’agit d’un levier important pour soutenir la conversion à l’agriculture biologique et améliorer la qualité de l’eau. 

L’article 8 réoriente les concours de l’agence de l’eau en ce qui concerne l’irrigation agricole. L’argent public des agences de l’eau ne doit plus financer des ouvrages de stockage pour l’irrigation. Les actions soutenues par l’argent public doivent reposer sur une conditionnalité stricte en matière de sobriété par la réduction des prélèvements, d’adaptation au changement climatique prioritairement par des solutions fondées sur la nature, et d’utilisation de l’irrigation pour la seule agriculture biologique. Ces dispositions répondent à l’avis du Conseil économique social et environnemental d’avril 2023 préconisant « qu’il soit interdit de subventionner par des fonds publics tout projet de stockage d’eau de grande taille parfois appelé “mégabassine”, alimenté par pompage dans la nappe phréatique, qui permette un accaparement de la ressource en eau et entraîne une dégradation de l’environnement, de la biodiversité et un risque pour la santé humaine ».

L’article 9 vise à prévenir des dérives concernant la méthanisation alors que l’usage de l’eau doit être consacré à la production agricole destinée à l’alimentation.

 


proposition de loi

CHAPITRE IER :

Moratoire sur la construction d’ouvrages de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole

Article 1er

En raison de l’accélération du changement climatique et de ses conséquences pour la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, ainsi que pour le respect des équilibres naturels et l’accès à l’eau potable inscrits à l’article L. 210‑1 du code de l’environnement, est instauré un moratoire suspendant la délivrance des autorisations environnementales prévues au I de l’article L. 214‑3 du même code pour les ouvrages de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines ainsi que pour les infrastructures associées à ces ouvrages. Ce moratoire s’applique à compter de la promulgation de la présente loi jusqu’à la promulgation d’une réforme du code de l’environnement concernant l’usage de l’eau en agriculture, y compris aux demandes d’autorisation environnementale en cours d’instruction.

Article 2

Dans l’intérêt de la salubrité publique, de la sécurité d’approvisionnement en eau potable des populations et de la préservation des milieux aquatiques, les autorisations environnementales délivrées pour des ouvrages de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines ainsi que pour les travaux et infrastructures associés à ces ouvrages, dont les travaux n’ont pas commencé, sont abrogées sans indemnité de la part de l’État exerçant ses pouvoir de police conformément au II et selon les modalités prévues au III de l’article L. 214‑4 du code de l’environnement.

Le cas échéant, les concours financiers des agences de l’eau définis à l’article L. 213‑8‑1 du même code et prévus en application de l’article L. 213‑9‑2 pour la construction de ces ouvrages, sont annulés.

Dans les territoires et bassins concernés, la gestion de l’eau pour l’irrigation agricole fait l’objet d’une concertation préalable définie à la section 4 du chapitre 1er du titre II du livre Ier du code de l’environnement, sur la base des données scientifiques les plus récentes, de la prise en compte de l’impact du changement climatique sur la ressource en eau, les milieux aquatiques et l’accès à l’eau potable, de la nécessaire restauration de la qualité de l’eau et de la prise en compte de tous les usages de l’eau dans le respect de la hiérarchie des usages de l’eau précisée au II de l’article L. 211‑1 du même code.

Article 3

Dans un délai de trois ans, la poursuite de l’utilisation des ouvrages de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines existants sur le territoire national et ayant bénéficié d’une autorisation environnementale est conditionnée :

1° À la mise en place, dans le périmètre du territoire concerné, d’un schéma directeur de la biodiversité et de l’adaptation des pratiques agricoles au changement climatique basé sur les solutions fondées sur la nature ;

2° À la baisse des volumes prélevés, définis sur la base d’une étude portant sur l’hydrologie, les milieux, les usages et le climat prenant en compte l’impact du changement climatique ;

3° Au partage de l’eau entre agriculteurs ;

4° À l’usage exclusif de l’eau stockée dans ces ouvrages pour l’irrigation de cultures relevant du mode de production biologique, au sens de l’article L. 641‑13 du code rural et de la pêche maritime, ou de conversion vers ce mode de production, pour favoriser la restauration de la qualité des eaux.

Un décret précise les modalités d’application du présent article.

Article 4

Les ouvrages de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines déclarés illégaux par décisions de justice passées en force de chose jugée ne peuvent faire l’objet d’aucune mesure de régularisation. Ces installations sont démantelées et font l’objet de prescriptions de remise en état du site, conformément à l’article L. 214‑3‑1 du code de l’environnement.

CHAPITRE II :

Dispositions modifiant le code de l’environnement

Article 5

L’article L. 210‑1 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les données relatives à l’usage économique de l’eau par le secteur agricole, dont les volumes prélevés par exploitation agricole et la nature des cultures irriguées, sont rendues publiques. Un décret détermine la liste des informations publiées et les conditions dans lesquelles le public peut y accéder ».

Article 6

Le 5° bis du I de l’article L. 211‑1 du code de l’environnement est ainsi rédigé :

« 5° bis La réduction des volumes prélevés dans les eaux superficielles ou souterraines destinées à l’usage d’irrigation agricole, l’adaptation des pratiques agricoles au changement climatique par des solutions fondées sur la nature, et l’usage exclusif de l’eau stockée dans les ouvrages existants de stockage de l’eau à usage d’irrigation agricole pour l’irrigation de cultures relevant du mode de production biologique au sens de l’article L. 641‑13 du code rural et de la pêche maritime, ou de conversion vers ce mode de production. »

Article 7

Le II de l’article L. 211‑3 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Après le 6°, il est inséré un 6 bis ainsi rédigé :

« 6° bis Conditionner la délivrance des autorisations de prélèvement d’eau dans les eaux superficielles ou souterraines pour remplir des ouvrages de stockage d’eau existants sur le territoire national et destinés à l’irrigation agricole à des actions d’adaptation au changement climatique fondées sur la nature, à la diminution des volumes consacrés à l’irrigation agricole dans le bassin concerné ainsi qu’à l’utilisation exclusive de l’eau stockée pour l’irrigation de surfaces agricoles exploitées selon le mode de production biologique, au sens de l’article L. 641‑13 du code rural et de la pêche maritime, ou de conversion vers ce mode de production ; »

2° Après le premier alinéa du 7°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Au plus tard le 1er janvier 2025, les surfaces agricoles situées dans le périmètre de ces zones sont exploitées selon le mode de production biologique, au sens de l’article L. 641‑13 du code rural et de la pêche maritime, ou de conversion vers ce mode de production. »

Article 8

Le I de l’article L. 213‑9‑2 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En ce qui concerne l’irrigation agricole, les concours de l’agence de l’eau sont réservés aux actions d’intérêt général incluant d’une part, une forte réduction des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines sur la base d’une étude sur l’hydrologie, les milieux, les usages et le climat prenant en compte le changement climatique, d’autre part un plan d’adaptation des pratiques agricoles au changement climatique prioritairement par des solutions fondées sur la nature, et enfin l’usage exclusif de l’irrigation pour des cultures relevant du mode de production biologique, au sens de l’article L. 641‑13 du code rural et de la pêche maritime, ou de conversion vers ce mode de production. Ces concours ne peuvent être attribués à des travaux de construction ou d’entretien d’ouvrages de stockage de l’eau destinée à l’irrigation. »

Article 9

L’article L. 541‑39 du code de l’environnement est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Dans les zones de répartition des eaux et les périmètres mentionnés au 6° du II de l’article L. 211‑3, l’irrigation des cultures intermédiaires à vocation énergétique mentionnée au I à partir d’ouvrages de stockage alimentés par des prélèvements dans les eaux superficielles ou souterraines n’est pas autorisée. »