N° 2093

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 janvier 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Philippe PRADAL, M. Laurent MARCANGELI, M. Xavier ALBERTINI, Mme Lise MAGNIER, M. Henri ALFANDARI, M. Xavier BATUT, Mme Béatrice BELLAMY, M. Thierry BENOIT, Mme Agnès CAREL, M. Paul CHRISTOPHE, M. Yannick FAVENNEC-BÉCOT, Mme Félicie GÉRARD, M. François GERNIGON, M. François JOLIVET, M. Loïc KERVRAN, Mme Stéphanie KOCHERT, M. Luc LAMIRAULT, Mme Anne LE HÉNANFF, M. Didier LEMAIRE, Mme Naïma MOUTCHOU, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, M. Christophe PLASSARD, M. Jean-François PORTARRIEU, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, Mme Isabelle RAUCH, M. Vincent THIÉBAUT, M. Frédéric VALLETOUX, M. André VILLIERS, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, Mme Agnès FIRMIN LE BODO,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’agression au couteau de deux membres du personnel du centre hospitalo‑universitaire de Reims le 22 mai 2023, coûtant la vie à une infirmière, avait endeuillé toute la communauté médicale.

Cet évènement a tragiquement mis en lumière le phénomène croissant des agressions à l’encontre des personnels soignants sur leur lieu de travail, notamment à l’hôpital, et plus largement sur les agents publics dans l’exercice de leur fonction.

Le contexte global de montée de la violence dans notre société, notamment depuis la pandémie de la covid‑19 et l’augmentation de la défiance assumée vis‑à‑vis de l’autorité sous toutes ses formes, s’étend aux professionnels de santé. Elle conduit à ce que les soignants deviennent eux aussi, des cibles de violences physiques ou verbales.

Le rapport de l’Observatoire national des violences dans le milieu de la santé ([1]) (ONVS), publié en novembre 2022, fait le bilan des cas pour l’année 2021 : 19 328 actes ont été recensés, dont plus de 50 % pour des violences physiques et menaces avec une arme et près de 30 % pour insultes et injures. Ces chiffres sont néanmoins sous‑estimés, car le signalement est fait sur la base du volontariat des établissements. Les personnels les plus touchés sont ceux travaillant en psychiatrie avec 22,2 %, puis les EHPAD/unités de soins de longue durée avec 12,5 %, et enfin les urgences avec 12,2 %. Dans 90 % des cas, ce sont des patients ou des accompagnateurs qui sont les auteurs des violences. En 2022, 37 % des professionnels de santé disent avoir été victimes de violences. 

S’en prendre aux soignants revêt une gravité particulière et aucune violence à leur égard, quelle qu’en soit la forme, ne saurait être tolérée ou banalisée. Au‑delà de ces violences inacceptables, le sentiment d’impunité des auteurs peut contribuer au délitement de la confiance des soignants en notre système judiciaire. En effet, depuis plusieurs années, ce sont plus de trois faits de violences sur quatre qui ne sont pas suivis de procédures judiciaires, toujours selon l’ONVS.

Les conséquences de ces violences sont majeures, tant par ce qu’elles représentent comme traumatisme pour les victimes, que par la manière dont elles marquent les esprits à l’échelle d’une communauté de soignants.

En première ligne dans un lieu accueillant du public qui peut être fragile ou précaire, la communauté soignante doit être protégée et accompagnée face à ce risque. Mieux reconnaître la gravité de ces actes et lutter efficacement contre ces agressions revêt donc un enjeu crucial, à la fois pour la santé des professionnels mais aussi pour l’attractivité des métiers.

Le 29 septembre 2023, le ministre de la santé et de la prévention et la ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professionnels de santé ont annoncé un plan pour la sécurité des professionnels de santé.

La présente proposition de loi a donc pour objectif d’inscrire dans la loi les annonces de nature législative contenues dans ce plan et très attendues par nos soignants, en ville comme à l’hôpital. Elle a pour ambition de renforcer la réponse pénale aux violences faites aux soignants et aux personnels des établissements de santé dans l’exercice de leur fonction.

L’article 1er vise ainsi à aggraver les peines pour violences, lorsqu’elles sont commises sur tout personnel d’établissements de santé ou qu’elles ont lieu dans les locaux d’un établissement de santé. Les violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de 8 jours seraient punies de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Les violences n’ayant entraîné aucune incapacité de travail seraient punies de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Il propose également d’aggraver les peines pour vol de tout matériel médical ou paramédical, ou vol commis dans un établissement de santé, qui serait puni de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

L’article 2 vise à élargir le délit d’outrage à tous les personnels d’établissements de santé et à tous les professionnels de santé libéraux, le punissant ainsi de 7 500 euros d’amende, comme c’est le cas aujourd’hui pour toute personne chargée d’une mission de service public.

L’article 3 vise à permettre à l’employeur de se constituer partie civile et de déposer plainte, après avoir recueilli par tout moyen l’accord de la victime, en cas de violences ou de menaces à l’encontre d’un de ses agents, participant à l’exécution d’une mission de service public ou d’un professionnel de santé.

L’article 4 vise à assurer la recevabilité financière de la présente proposition de loi.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Le code pénal est ainsi modifié :

1° La section 1 du chapitre II du titre II du livre II est ainsi modifiée :

a) L’article 222‑12 est ainsi modifié :

– au 4° bis, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements de santé » ;

– au 11°, les mots : « ou d’éducation » sont remplacés par les mots : « , d’éducation, de santé » ;

b) L’article 222‑13 est ainsi modifié :

– au 4° bis, après le mot : « santé », sont insérés les mots : « ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements de santé » ;

– au 11°, les mots : « ou d’éducation » sont remplacés par les mots : « , d’éducation, de santé » ;

2° À la fin du 5° de l’article 311‑4, les mots : « du matériel destiné à prodiguer des soins de premiers secours » sont remplacés par les mots : « tout matériel médical ou paramédical ou lorsqu’il est commis dans un établissement de santé ».

Article 2

L’article 433‑5 du code pénal est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « public, » sont insérés les mots : « ou à un professionnel de santé, » ;

2° À l’avant‑dernier alinéa, après le mot : « intérieur », sont insérés les mots : « d’un établissement de santé ou ».

Article 3

I. – Le second alinéa de l’article 433‑3‑1 du code pénal est supprimé.

II. – Après l’article 15‑3‑3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15‑3‑4 ainsi rédigé :

« Art. 1534. – Lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de constituer l’une des infractions prévues aux articles 222‑7 à 222‑13, 222‑14‑5, 222‑15, 222‑16, 222‑17, 222‑18, 322‑1, 322‑3, 433‑3 et 433‑3‑1 du code pénal et lorsque cette infraction est commise à l’égard d’un professionnel de santé ou d’un personnel d’un établissement de santé, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions, l’employeur, après avoir recueilli par tout moyen le consentement de la victime, peut déposer plainte.

« Les dispositions du présent article ne dispensent pas l’employeur, fonctionnaire ou officier public ou autorité constituée, des prescriptions du second alinéa de l’article 40 du présent code.

« Elles ne donnent pas à l’employeur la qualité de victime et ne se substitue pas à son audition qui peut toujours intervenir ultérieurement. »

 

 


([1])  Rapport 2022 de l’Observatoire national des violences en milieu de santé – 28 novembre 2022