N° 2094

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 janvier 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à flécher l’épargne non centralisée des livrets réglementés vers les entreprises du secteur de la défense nationale,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Christophe PLASSARD, M. Thomas GASSILLOUD, M. Jean-Louis THIÉRIOT, M. Luc LAMIRAULT, Mme Lise MAGNIER, Mme Anne LE HÉNANFF, M. Philippe PRADAL, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, M. Frédéric VALLETOUX, Mme Agnès CAREL, M. Vincent THIÉBAUT, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Xavier ALBERTINI, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, Mme Béatrice BELLAMY, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Jean-Charles LARSONNEUR,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Avant même l’invasion de l’Ukraine par la Russie, notre base industrielle et technologique de défense (BITD) avait déjà la confiance des Français. Ainsi, selon une étude de juin 2021, 64 % des Français ont une bonne image de l’industrie de défense, 75 % s’accordaient pour dire qu’elle est indispensable pour assurer l’indépendance et la souveraineté de la France et 80 % pour dire que cette industrie doit rester autonome en matière d’équipements de défense.

Malheureusement, comme le démontrent maintenant plusieurs rapports parlementaires, cet enthousiasme est peu partagé par les institutions bancaires et financières. Aujourd’hui encore et malgré le changement de paradigme géopolitique dans lequel l’Europe est entrée le 24 février 2022, l’industrie de défense, et plus spécifiquement celle du secteur terrestre, fait face à de nombreux refus de financements.

Ces difficultés d’accès au financement de la BITD sont contradictoires avec la logique d’économie de guerre, dans laquelle le président de la République voulait faire entrer le pays, afin que notre industrie de défense soit « plus ambitieuse, pour aller plus vite, plus fort, au moindre coût, pour innover plus rapidement » ([1]).

On explique ces difficultés anormales pour deux raisons. La première, détaillée en février 2021 dans le rapport de la mission flash de Jean-Louis Thiériot et Françoise Ballet-Blu ([2]), tient au développement des critères de responsabilité sociale et environnementale (RSE) ou environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) des entreprises. C’est pour cette raison que le législateur a décidé de préciser dans les objectifs fixés par le rapport annexé de la loi n°2023-703 du 1er août 2023 de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 que la BITD française « doit pouvoir bénéficier d'outils de financement favorables, y compris dans le contexte du développement de la finance durable ».

La seconde raison expliquant les difficultés rencontrées par l’industrie de défense pour accéder aux financements privés est spécifique au secteur terrestre et tient à ses particularités par rapport aux secteurs naval et aéronautique. En effet, ces deux derniers sont portés par de grosses entreprises, d’envergure internationale, qui sont à la pointe notamment grâce à leur avance et leur exclusivité technologiques. Le secteur terrestre, plus concurrentiel, est en revanche fragilisé par des entreprises étrangères qui arrivent à produire plus, plus vite et pour moins cher. Ainsi, les banques sont plus enclines à prêter aux entreprises des secteurs aéronautique ou naval, représentant des garanties plus solides, qu’à celles du secteur terrestre.

Face à ces difficultés, en mars 2023, le rapport d’information déposé en application de l'article 146 du règlement, par la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur l’économie de guerre ([3]) recommandait de flécher les fonds non centralisés du Livret A et du Livret de développement durable et solidaire vers les entreprises impliquées dans les chaines de valeur du secteur de la défense ou des secteurs essentiels pour la souveraineté du pays.

Cette recommandation a été suivie au cours des travaux relatifs au projet de loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 puis au projet de loi de finances pour 2024, par l’adoption d’amendements fléchant ces fonds non centralisés. Par deux fois, le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions pour des raisons de forme sans préjuger de la constitutionnalité de la mesure au fond.

Reprenant à l’identique l’article du projet de loi de finances pour 2024 censuré par le Conseil constitutionnel, cette proposition de loi poursuit un double objectif : d’une part, il s’agit d’envoyer le message clair aux investisseurs d’un soutien fort et sans équivoque de l’État à sa base industrielle de défense, ses 240 000 emplois et ses apports aux technologies civiles. D’autre part, l’objectif est d’ouvrir de nouvelles sources de financements à la BITD, et plus particulièrement à ses petites et moyennes entreprises, à l’origine de la plupart des technologies de rupture.

 


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proposition de loi

Article unique

À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 221‑5 du code monétaire et financier, après le mot : « climatique », sont insérés les mots : « , au financement des entreprises, notamment petites et moyennes, de l’industrie de défense française ».

 

 


([1]) Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur les industries d’armement française et européenne, à Villepinte le 13 juin 2022.

([2]) https ://www2.assembleenationale.fr/static/15/commissions/Defense/RapportBITD170221.pdf

([3]) https ://www.assembleenationale.fr/dyn/16/rapports/cion_fin/l16b1023_rapportinformation