N° 2135

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 janvier 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à réformer la règlementation pour les sociétés concessionnaires d’autoroutes,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Christelle D’INTORNI,

députée.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le régime de concession autoroutière en France repose sur une législation abondante.

La loi du 13 novembre 1995, a établi le régime des concessions autoroutières et, en particulier, les principes fondamentaux de ces contrats, tels que les obligations des concessionnaires en matière d’entretien, d’investissement et de tarification.

Si l’État demeure aujourd’hui propriétaire du réseau, son exploitation a été confiée à des sociétés concessionnaires dont le capital a progressivement été ouvert aux entreprises privées.

Effectivement, depuis la privatisation de 2006, ces sociétés titulaires de concessions à la rentabilité exponentielle sont détenues par seulement trois groupes privés : Vinci (ASF et Cofiroute), Eiffage (APRR) et Abertis (Sanef).

À ce titre, près de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires ont été réalisés en 2021, soit plus de 47 % par rapport à l’année 2020. D’ici 2030, les « super profits » réalisés par ces sociétés pourraient atteindre près de 40 milliards d’euros.

Or, la réalité est que les revenus mirobolants générés sont réalisés sur le dos du pouvoir d’achat des automobilistes. Cette situation de fait est d’autant plus injuste que la balance entre les bénéfices de ces sociétés et les prestations fournies, comme l’entretien du réseau routier ou la création de nouveaux tronçons, semble inéquitable.

C’est pourquoi il y a désormais urgence à légiférer pour rendre du pouvoir d’achat aux Français au nom de la justice sociale.

Ainsi, l’article 1er de la présente proposition de loi vise à instaurer une clause de partage de la valeur pour garantir une répartition plus équitable des bénéfices entre les sociétés, l’État et les usagers.

L’article 2 a pour objet une meilleure reddition et transparence des comptes.

Aussi, l’article 3 vise à ce que la réévaluation des péages, qui est aujourd’hui effectuée chaque année, ne le soit qu’une fois tous les deux ans pour limiter des hausses insupportables.

Enfin, l’article 4 conditionne les hausses de prix des péages.

 


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proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 122‑4‑2 du code de la voirie routière, il est inséré un article L. 122‑4‑2‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 122421. – Les contrats de concession des sociétés concessionnaires d’autoroutes en France, grandement excédentaires et ce, bien avant le terme de la concession, sont révisés pour inclure une clause de partage de la valeur. Cette clause établit un mécanisme de répartition des bénéfices générés par l’exploitation des autoroutes entre la société concessionnaire, l’État et les usagers.

« Le partage de la valeur se fait comme suit :

1° Un pourcentage des bénéfices nets de la société concessionnaire est versé à l’État sous forme de redevances, ces dernières redistribuées en partie par le biais de dotations ;

2° Un pourcentage des bénéfices nets de la société concessionnaire est réinvesti dans l’amélioration, l’entretien et la sécurité des autoroutes ;

3° Un pourcentage des bénéfices nets de la société concessionnaire est utilisé pour réduire les tarifs de péage pour les usagers.

« Un décret en Conseil d’État, pris après consultation de l’Autorité de régulation des transports mentionnée à l’article L. 2131‑1 du code des transports, fixe les modalités d’application du présent article. ».

Article 2

Après l’article L. 122‑4‑2 du code de la voirie routière, il est inséré un article L. 122‑4‑2‑2 ainsi rédigé :

« Art. L. 122422. – Les sociétés concessionnaires d’autoroutes sont tenues de rendre publics, de manière transparente, leur comptabilité, leurs profits et les détails du partage de la valeur conformément à l’article 1er de la loi n°     du      visant à réformer la règlementation pour les sociétés concessionnaires d’autoroutes. »

« Un organisme indépendant est désigné pour surveiller la conformité des sociétés concessionnaires aux dispositions de la loi n°     du      visant à réformer la règlementation pour les sociétés concessionnaires d’autoroutes. ».

Article 3

Après l’article L. 122‑4‑2 du code de la voirie routière, il est inséré un article L. 122‑4‑2‑3 ainsi rédigé :

« Art. L. 122423. – Les sociétés concessionnaires d’autoroutes sont tenues de ne réévaluer les tarifs des péages qu’une fois tous les deux ans en tenant compte de l’inflation. Cette période de deux ans s’applique à compter de la dernière réévaluation tarifaire. ».

Article 4

Toute demande d’augmentation tarifaire doit être justifiée par des investissements significatifs dans l’amélioration des infrastructures autoroutières, présentés de manière transparente.

Les sociétés concessionnaires d’autoroutes doivent fournir aux autorités compétentes une justification détaillée de la nécessité d’une réévaluation tarifaire, incluant les projets d’investissements réalisés et planifiés.

Article 5

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.