N° 2177

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à permettre à toutes les personnes nées d’un don de gamètes d’accéder à des informations sur leurs origines,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Géraldine BANNIER,

députée.


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proposition de loi

Article 1er

Le 6° de l’article L. 2143‑6 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la commission constate le décès des tiers donneurs, elle peut, dans les mêmes conditions, transmettre les données non identifiantes et l’identité des tiers donneurs décédés à l’Agence de la biomédecine. »

Article 2

Le I de l’article16‑10 du code civil est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au premier alinéa du présent I et à des fins généalogiques, peut être entrepris l’examen des caractéristiques génétiques constitutionnelles d’une personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur avant la promulgation de la loi n° 2021‑1017 du 2 août 2021, qui, à sa majorité, souhaite accéder à l’identité et aux données non identifiantes du tiers donneur définies à l’article L. 2143‑3 du code de la santé publique dans le cas où la demande qu’il aurait formulée auprès de la commission mentionnée à l’article L. 2143‑6 du même code ne lui aurait pas permis d’avoir accès à ces données

« L’examen prévu au deuxième alinéa du présent I peut être entrepris au moyen de tests génétiques généalogiques directement accessibles au consommateur dont l’achat et l’utilisation sont autorisés à cette fin dans les conditions prévues au même I afin de préserver le droit au respect de la vie privée et de protéger les données personnelles de la personne qui en fait la démarche.

« Le fournisseur d’un test génétique généalogique directement accessible au consommateur a obligation de fournir au consommateur une information sur les caractéristiques essentielles du test généalogique, sa validité scientifique, ses limites et ses risques potentiels.

« Le consentement de la personne à l’administration du test est révocable en tout ou partie, sans forme et à tout moment. »

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi n° 2021‑1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a opéré un changement majeur très attendu en revenant sur le caractère absolu de l’anonymat du don.

En effet, l’article 16‑8‑1 du code civil consacre un nouveau droit : celui de la personne majeure née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur d’avoir accès, à sa demande, aux données non identifiantes ainsi qu’à l’identité du donneur.

En application des dispositions de l’article L. 2143‑5 du code de la santé publique, la personne souhaitant accéder à ces données s’adresse à la Commission d’accès des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation aux données des tiers donneurs (CAPADD) placée auprès du ministre chargé de la santé et dont les missions sont énumérées à l’article L. 2143‑6 du code de la santé publique.

Le consentement du donneur à la levée de son anonymat est donc désormais une condition de la possibilité du don en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 2143‑2 du code de la santé publique.

Le législateur a toutefois entendu éviter que ce nouveau droit ne concerne que les enfants nés de dons postérieurs à l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions et qu’il ne soit ainsi effectif qu’à la majorité de ces enfants.

C’est pourquoi le législateur a décidé, concernant les enfants nés d’un don réalisé sous l’empire de législations antérieures, que la CAPADD pouvait être saisie de demandes au titre de l’article L. 2143‑5 du code de la santé publique. La commission est alors chargée de contacter les tiers donneurs qui sont alors libres de donner leur consentement ou de s’opposer à la communication de ces informations.

Or il s’avère que certaines demandes ne peuvent aboutir du fait du décès du donneur intervenu entre le don et la demande de l’enfant né par don.

La réponse de la CAPADD mentionne seulement dans sa réponse le décès du donneur, laissant ainsi les demandeurs insatisfaits et sans possibilité d’avoir accès à leurs origines biologiques sinon de façon illégale et très incertaine quant au résultat via un recours aux tests génétiques de type MyHeritage ou 23andMe.

Par ailleurs, sur un total de 688 courriers déposés (363 de personnes nées par don souhaitant retrouver leurs donneurs et 325 donneurs volontaires pour être retrouvés), seule une réponse positive a été donnée rendue publique le 25 mai 2023.

Le droit d’accès aux origines est pourtant consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme par extension du « droit au respect de la vie privée et familiale » (arrêt Odièvre).

Le guide relatif à cet article en date du 31 août 2019 précise qu’à ce titre « l’établissement des détails de son identité d’être humain et l’intérêt vital protégé par la Convention, à obtenir des informations nécessaires à la découverte de la vérité concernant un aspect important de son identité personnelle, par exemple l’identité de ses géniteurs, ses origines, ou des éléments de son enfance et de ses années de formation contribuent à l’épanouissement personnel ».

On constate de fait que ce droit n’est en l’état actuel ni absolu, ni applicable du fait de la diversité des situations rencontrées.

Cette situation mériterait des évolutions lors de la future révision des lois de bioéthique notamment en ce qui concerne :

– la communication de l’identité du donneur lorsque son décès est survenu

– la dépénalisation du recours aux tests génétiques pour les personnes nées d’un don de gamètes et qui, faute de mieux, se tournent vers eux pour avoir simplement connaissance de leurs origines biologiques.

Sur ce dernier point, il conviendrait peut‑être de légaliser les tests génétiques, en réalité déjà très pratiqués par ceux qui recherchent leurs origines ? L’administration française a pour habitude de répondre que « ces tests exposent à des risques peu connus mais qui constituent une menace sérieuse pour la vie privée des consommateurs et peuvent conduire à des résultats potentiellement trompeurs ». Il semble plus risqué que ces personnes sans information sur leur patrimoine génétique ne puissent disposer d’aucune information sur celui‑ci.

C’est pourquoi, dans l’attente de la future loi de bioéthique, la présente proposition de loi entend faire avancer les droits des personnes nées par don de gamètes :

– en leur permettant d’être informés de l’identité de leur géniteur au moment de leur décès et de lever l’anonymat de ce dernier,

– en leur permettant d’effectuer des tests génétiques généalogiques afin de recueillir des informations – fussent-elles parfois sujettes à caution - sur leur patrimoine génétique.