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N° 2186

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à protéger et à garantir une alimentation saine, et à protéger les éleveurs bovins français,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Damien MAUDET, Mme Mathilde HIGNET, Mme Manon MEUNIER, M. Loïc PRUD’HOMME, Mme Aurélie TROUVÉ, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Alexis CORBIÈRE, M. Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, M. Hendrik DAVI, M. Sébastien DELOGU, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, Mme Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mme Raquel GARRIDO, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Rachel KEKE, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, Mme Pascale MARTIN, M. William MARTINET, M. Frédéric MATHIEU, Mme Marianne MAXIMI, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Adrien QUATENNENS, M. Jean-Hugues RATENON, M. Sébastien ROME, M. François RUFFIN, M. Aurélien SAINTOUL, M. Michel SALA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, M. Paul VANNIER, M. Léo WALTER, Mme Véronique BESSE, M. Jean-Louis BRICOUT, Mme Marie-Charlotte GARIN, M. Jean-Carles GRELIER, M. Sébastien JUMEL, M. Tematai LE GAYIC, Mme Francesca PASQUINI, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Christine PIRES BEAUNE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX,

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Ce que révèle cette pandémie, c’est qu’il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché. Déléguer notre alimentation, notre protection, notre capacité à soigner est une folie. »

Emmanuel Macron, mars 2020.

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Déléguer notre alimentation est une folie.

Une folie qui touche le Président de la République.

Ce dernier ne semble pas retenir les leçons du passé, et s’il se dit opposé au traité de libre‑échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, son discours sur le sujet évolue depuis quelques mois, et ses objections s’envolent une à une. Ce qui laisse présager qu’il n’en restera plus aucune au moment de signer le traité.

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Ce traité de libre‑échange est une catastrophe pour nos éleveurs, notre environnement, notre santé, notre démocratie.

Il s’agit ici de la suppression pure et simple de 90 % des droits de douanes sur certains échanges entre les pays du Mercosur et l’Union européenne. Notamment sur des tonnes de bœuf ou des tonnes de volailles. Des denrées que nous produisons déjà.

Mais comme pour le reste, il ne s’agit pas de bon sens, mais de business.

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 « Si on ne veut plus d’éleveurs, faut le dire ! »

En France, les éleveurs font face à de grandes difficultés. Une vaste partie d’entre eux s’enfonce dans la pauvreté. Ils ont les revenus parmi les plus faibles des professions agricoles.

On leur demande de faire du plus vertueux, et c’est tant mieux. Sauf qu’avec ces traités de libre‑échange, on leur demande de jouer au grand jeu du marché international, mais sans avoir les mêmes règles que leurs concurrents.

Ce traité va créer un immense dumping. Or, au Brésil, les employeurs dépensent au moins quatre fois moins que les employeurs français pour un ouvrier agricole et six à huit fois moins pour un employé d’abattoir. C’est une concurrence entre précaires. On va faire croire aux éleveurs qu’ils sont trop chers ? Pas assez compétitif ?

En plus d’être payés une misère – plus miséreuse que nos éleveurs, qui sont déjà payés une misère – les éleveurs sud‑américains n’ont pas les mêmes normes que les européens (pas de traçage, marquage au fer rouge, antibiotiques…), dans des exploitations 15 000 fois plus grandes !

Si l’accord entrait en vigueur, les prix français pourraient chuter de 10 % ! Et les éleveurs français seront les premiers à en souffrir.

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L’environnement, c’est l’évidence

Vouloir ouvrir les frontières, c’est vouloir faire baisser les prix. Donc mettre les éleveurs français en plus grande difficulté encore, mais aussi inciter à la consommation de viande en stimulant la production à l’autre bout du monde. Tout cela n’a aucun sens. Selon le rapport Ambec pour Matignon, un kilogramme de bœuf brésilien émet 4 fois plus de gaz à effet de serre qu’un bœuf européen. Délocaliser la production, ce n’est pas réduire la pollution, bien au contraire ! D’autant plus qu’en 2020, le Commissariat général au développement durable a prouvé que les émissions importées représentent plus de la moitié de l’empreinte carbone de la France (57 % pour 2018).

Du côté de la forêt amazonienne, le Mercosur pourrait accélérer la déforestation de 5 % sur les six premières années. Selon la Fondation pour la nature et l’Homme (FNH), ce serait 25 %. À tout point de vue, cet accord représenterait une catastrophe pour l’environnement.

L’évidence, pour les éleveurs comme pour l’environnement, devrait être la direction inverse : des prix d’achat garantis pour des éleveurs mieux rémunérés, et un passage à la culture extensive qui augmenterait mécaniquement le nombre d’éleveurs sur le territoire.

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La santé publique mise entre parenthèses

Les antibiotiques sont interdits dans les élevages depuis 1990 dans l’Union européenne. Grâce à cet accord, ils vont pouvoir rentrer de nouveau dans assiettes.

Pareil pour les pesticides : 51 molécules toxiques interdites en Union européenne ne le sont pas au Brésil.

De plus, aucune traçabilité n’existe véritablement en Amérique du Sud. En France, l’animal l’est de la naissance à la mort. Il est irréaliste d’essayer de faire croire que les carcasses ayant été exposées aux traitements ou aux substances interdites en UE ne seront pas importées, car il n’existe aucun moyen de contrôle performant.

Pour rappel, un audit de commission européenne de 2020 a prouvé qu’il y avait des traces d’hormones dans les bœufs importés du Canada, suite à l’accord Comprehensive Economic and Trade Agreement (CETA) : cela n’a eu aucune conséquence sur les imports. Second rappel, le Brésil a été touché par le scandale « Carne Fraca », où de la viande avariée était mélangée à de la viande saine et autorisée à la vente. L’Union européenne n’a pas pour autant stoppé ses imports. Comment avoir confiance ?

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Démocratie bafouée

Enfin, la question démocratique. Aucun représentant du peuple n’a été consulté ni n’aura pu voter sur ce nouveau traité. Pire, nombre d’entre eux, venant de tous les bancs de l’hémicycle, ont demandé un débat à l’Assemblée nationale sur la question de ce traité. Une demande qui est restée lettre morte. Une fois de plus, le Gouvernement choisit l’option de passer en catimini en contournant la représentation nationale. Pourtant, aucun Français n’a donné mandat au Président de la République pour détruire la production de viande en France. Une fois de plus, il décide d’abimer un peu plus notre démocratie, en délégitimant les institutions et en se passant de l’avis du peuple.

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Par cette présente proposition de loi, nous souhaitons que tous les services de restauration collective se fournissent à 100 % en viande d’origine France. L’objectif étant de protéger nos éleveurs, en garantissant un débouché pérenne à leur production, face à une concurrence déloyale qu’engendrerait l’accord de libre‑échange du Mercosur s’il venait à être définitivement adopté. Une telle loi protège également la santé de nos compatriotes face aux règles sanitaires qui pourraient être contournées avec un tel accord. Enfin, dans la lutte contre le changement climatique, se fournir en France est un besoin aussi évident que vital.

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L’article 1er de cette proposition de loi vise à généraliser l’achat de viande d’origine France dans les services de restaurations collectives.

L’article 2 gage les précédentes dispositions devant être mises en place pour l’application de cette proposition de loi

 

 

 


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oposition de loi

Article 1er

Le chapitre préliminaire du titre III du livre II du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le I de l’article L. 230‑5‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Au plus tard au 1er janvier 2026, les viandes bovines, porcines, ovines et de volaille, répondant aux conditions prévues au présent I et provenant d’animaux élevés en France, doivent représenter une part fixée à 100 % dans les restaurants collectifs gérés par l’État, ses établissements publics et les entreprises publiques nationales » ;

2° L’article L. 230‑5‑2 est ainsi rétabli :

« Art. L. 23052 – L’article L. 230‑5‑1 est également applicable aux repas servis dans les restaurants collectifs des établissements mentionnés à l’article L. 230‑5 dont les personnes morales de droit privé ont la charge. »

Article 2

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe superprofit dans les conditions mentionnées aux II et III du présent article.

II. – A. – Il est institué une contribution additionnelle sur les bénéfices des sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du code général des impôts qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros.

B. – La contribution additionnelle est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés précité est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.

C. – La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités. La contribution additionnelle est calculée en appliquant à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités le taux de :

1° 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

2° 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités ;

3° 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des trois exercices précités.

III. – A. – Pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d’ensemble et à la plus‑value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D dudit code, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

B. – Le chiffre d’affaires mentionné au I du présent article s’entend du chiffre d’affaires réalisé par le redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant et, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du code général des impôts, de la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

C. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.

D. – Sont exonérées de la contribution prévue au présent I, les sociétés dont la progression du résultat imposable par rapport à la moyenne des exercices 2017, 2018 et 2019 résulte d’opérations de cession ou d’acquisition d’actifs, pour la fraction du résultat imposable de l’exercice concernée.