N° 2264

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 mars 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre les déserts médicaux,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Christelle D’INTORNI, M. Marc LE FUR, Mme Alexandra MARTIN (ALPES-MARITIMES), M. Pierre CORDIER, Mme Isabelle VALENTIN, Mme Josiane CORNELOUP, M. Philippe JUVIN, M. Nicolas FORISSIER, M. Francis DUBOIS,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’inégalité d’accès aux soins de proximité dans notre pays est, sans doute, l’une des plus grandes injustices de ce siècle. Si cet enjeu n’est pas nouveau, il se pose aujourd’hui avec une infinie acuité.

Et pour causes. Depuis des décennies, nous sommes tombés dans la spirale mortifère d’une démographie médicale en berne qui conduit à un accroissement constant de la désertification médicale.

Or, la promesse républicaine d’égalité pour tous face à l’accès aux soins qui fonde notre modèle social semble être désormais effritée. Ce triste constat est d’autant plus navrant que « la protection de la santé » est un droit constitutionnel consacré par le préambule de la Constitution de 1946 et par le Conseil constitutionnel, lui‑même, qui l’a érigé en objectif à valeur constitutionnelle.

En la matière, tous les indicateurs sont au rouge. Près d’un français sur dix vit dans un désert médical. Selon la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques. La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), le nombre total de médecins actifs de moins 70 ans continuera à diminuer au moins jusqu’en 2025. L’Association des maires muraux de France souligne que toutes les études réalisées font le « constat alarmant » d’une aggravation des écarts d’espérance de vie et d’une moindre consommation de soins hospitaliers.

Le nombre de médecins généralistes diminue depuis plus de dix ans, alors que les besoins de santé augmentent. Entre 2010 et 2021, la France a ainsi perdu environ 5 000 médecins généralistes passant de 62 000 à 57 000 praticiens. Rapportée à la population, la densité médicale des généralistes a diminué de 18 % sur 20 ans.

Les habitants des zones rurales isolées souffrent particulièrement de cette pénurie. D’autant que les conséquences pour ces habitants sont considérables. Face à l’urgence d’une situation exceptionnelle, les réponses apportées doivent alors sortir des sentiers battus.

Cette proposition de loi vise donc à lutter le plus efficacement possible contre la désertification médicale.

Dès lors, l’article 1er se ventile en deux principales propositions.

En premier lieu, il vise à faciliter la création de maisons de santé sur le territoire national en permettant à un seul médecin de s’installer au sein d’une telle entité.

En second lieu, il permet, sur le modèle des incitations réalisées par le Département des Alpes‑Maritimes, à favoriser cette installation en exonérant fiscalement ces médecins mais également en leur octroyant des aides au logement et à la mobilité.

De plus, dans l’objectif de favoriser l’implantation de nouveaux médecins en zones sous dotées, l’article 2, propose une obligation, pour les étudiants en médecine, d’effectuer trois semestres de stage dans ces déserts médicaux.

Au surplus, l’article 3, permet aux services publics de permanence des soins, d’honorer de manière effective, le principe de continuité du service public.

Enfin, l’article 4 vise à déplafonner le montant légal du financement public des maisons de santé afin de laisser le choix aux collectivités de concourir librement à celui‑ci.

 

 


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proposition de loi

Article 1er

I. – Le premier alinéa de l’article L. 6323‑3 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « La maison de santé peut être mise en place, après avis de l’agence régionale de santé, lorsqu’un médecin traitant décide d’y établir son activité ».

II. – Le B du I de la section II du chapitre premier du titre premier de la deuxième partie du livre premier du code général des impôts est complété par un article 1382 J ainsi rédigé :

« Art. 1382 J.  Les médecins installés dans un désert médical en zone rurale bénéficient d’une exonération fiscale à 100 %.

« Ces médecins peuvent bénéficier d’aides à la mobilité ainsi que d’une aide au logement.

« Un décret pris en Conseil d’État précise les modalités du présent article. »

Article 2

Avant le dernier alinéa de l’article L. 632‑1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les étudiants en médecine sont soumis à l’obligation d’effectuer trois semestres de leur troisième cycle d’étude en stage dans les déserts médicaux situés en zone rurale ».

Article 3

Après le premier alinéa de l’article L. 6314‑1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l’afflux de patients ne permet pas de maintenir la continuité du service public de permanence des soins, notamment au sein des établissements de santé, le directeur de l’agence régionale de la santé doit mobiliser les médecins mentionnés au premier alinéa ainsi que les étudiants ».

Article 4

Le III de l’article L. 1111‑10 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les projets d’investissement visant à créer une maison de santé, la participation minimale du maître d’ouvrage est de 35 % du montant total des financements apportés par les personnes publiques ».

Article 5

I. – La perte de recettes pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

IV. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

V. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

VI. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée, à due concurrence, par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.