N° 2286

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 mars 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à adapter la loi nᵒ 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains aux réalités des territoires ruraux ,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Christelle D’INTORNI, M. Stéphane VIRY, M. Éric CIOTTI, M. Nicolas FORISSIER, M. Jean-Luc BOURGEAUX, Mme Émilie BONNIVARD, M. Hubert BRIGAND, M. Éric PAUGET, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Nicolas RAY,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, plus communément nommée « loi SRU » avait une vocation protéiforme : encouragement du développement durable, renforcement de la décentralisation et solidarité.

Ces aspirations, aussi légitimes soient‑elles, ont, au gré de leur application, été confrontées à des réalités de terrain complexes et parfois inadaptées à certains territoires.

En la matière, l’ensemble des acteurs territoriaux portent le triste témoignage de dispositions inopportunes : procédures inadéquates, mesures inefficaces ou encore injonctions contradictoires.

Dans le même esprit, un récent rapport sénatorial relatif à l’application de la loi SRU affirme que 70 % des maires interrogés jugent cette législation inefficace.

Plus concrètement, l’article 55 de la loi SRU visant à construire un certain seuil de logements sociaux constitue le point de tension le plus prégnant.

D’autant que les collectivités qui accusent le plus grand retard de construction et qui, par conséquent, subissent des sanctions financières sont les plus petites communes des territoires ruraux, les moins favorisées, à la lisière des aires urbaines.

Cela, sans tenir compte ni des progrès réalisés par ces municipalités ni des obstacles rencontrés en totale contradiction avec les contraintes législatives censées être incitatives : manque de foncier, plan de prévention des risques, non‑artificialisation des sols etc.

De plus, le bilan de la loi SRU en matière de mixité sociale est plus que mitigé. Selon le rapport de l'Institut des hautes études pour l'action dans le logement (IDHEAL), la ségrégation des ménages les plus pauvres a augmenté alors même que la répartition des logements sociaux est désormais plus équilibrée sur le territoire.

Après quelques ajustements législatifs, les acteurs locaux, dans leur grande majorité, attendent un véritable acte II de la loi SRU conforme aux enjeux urbanistiques du XXIe siècle.

Oui, vingt ans après sa naissance, la loi SRU a besoin d’un nouveau souffle afin de l’adapter aux différentes réalités locales et de procéder à une application moins brutale de ses dispositions !

Il est temps, enfin, de répondre aux besoins de proximité et d’efficacité exprimés par les citoyens par la voix de leurs élus locaux en prenant en compte la diversité de nos territoires afin de les rendre plus agiles faces aux nouveaux défis.

À ce titre, le rapport de la Cour des comptes de février 2021 relatif à l’application de l’article 55 de la loi SRU recommandait un aménagement des procédures de concertation afin que les contraintes et spécificités locales puissent mieux être prises en compte ainsi que de mettre un terme aux sanctions purement punitives et inefficaces.

Dans ce cadre, il est constant que la loi SRU ne constitue pas un levier suffisant à l’égard de la mixité sociale qui repose, en réalité, sur l’attribution des logements ainsi que du niveau des loyers et de la part d’accession sociale à la propriété.

De surcroît, il paraît irresponsable de faire porter sur la commune coupable d’un retard de construction et, en conséquence, sur le contribuable de celle‑ci des pénalités financières dans le contexte de restriction budgétaire et d’effritement du pouvoir d’achat des administrés.

Au surplus, à l’avenir, les plans locaux d’urbanisme devront davantage prendre en considération les aspirations relatives à la végétalisation tout en ayant la capacité de répondre aux besoins accrus et constants de logements.

En la matière, les politiques d’aménagement du territoire devront également prendre en considération l’évolution des usages et, en particulier, la diversification des modes de travail.

Pour toutes ces raisons, la présente proposition de loi vise à adapter la loi SRU aux réalités des territoires

À cette fin, l’article 1er vise à ne pas rendre opposable les dispositions de l’article 55 de la loi SRU relative à la construction de logement sociaux à hauteur de 25 % lorsque la collectivité connait des obstacles légitimes à son application.

L’article 2 vise à remettre le maire au centre du processus de décision d’attribution des logements sociaux.

L’article 3 permet de compenser les effets de l’article premier en matière de retard de construction en créant une « convention de mixité sociale ». Celle‑ci ayant vocation à assurer l’accession aux logements privés à des personnes aux revenus modestes en proposant aux propriétaires privés de louer leur bien aux personnes éligibles à un logement social, avec un loyer plafonné, en contrepartie d’une garantie accordée par le bailleur social auquel le propriétaire privé se substitue.

L’article 4 prévoit que le propriétaire privé ayant signé la convention de mixité sociale bénéficiera, durant la durée du bail, d’un crédit d’impôt de 65 % au titre de ses revenus fonciers générés par celle‑ci.

 


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proposition de loi

Article 1er

Le III ter de l’article L. 302‑5 du code de la construction et de l’habitation est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« L’obligation prévue au présent III ter n’est pas opposable aux communes rurales faisant face à des obstacles inhérents à la spécificité de leur territoire.

« Ceux‑ci sont appréciés eu égard notamment au manque de foncier, au plan de prévention des risques et à la non‑artificialisation des sols.

« Dans ce cadre, l’État se porte garant à travers l’organisme de caution « mixité logement ». »

Article 2

Le second alinéa du I de l’article L. 441‑2 du code de la construction et de l’habitation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le maire de la commune dans laquelle se situe le logement concerné est seul compétent pour proposer des candidats aux logements locatifs sociaux. »

Article 3

Après la section 1 du chapitre II du titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l’habitation, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis 

« Convention de mixité sociale du parc privé 

« Art. L. 30243. – Dans chaque commune qui, au regard des dispositions de l’article L. 302‑5, accuse un retard de construction, une convention de mixité sociale du parc privé peut être signée entre le maire, le représentant de l’État dans le département, les bailleurs sociaux et les propriétaires privés.

« Cette convention établit la location d’un logement appartenant au parc privé à une personne éligible au logement social.

« Le montant du loyer est plafonné à celui d’un logement social de superficie identique. Une grille de référence des loyers sociaux est définie par décret en Conseil d’État.

« Le locataire est désigné d’un commun accord entre les partis prenantes à la convention de mixité sociale parmi la liste des personnes éligibles au logement social. Le bailleur social a, en la matière, un droit de véto jusqu’à trois candidatures.

« Ladite convention prévoit que le bailleur social se porte caution pour le compte du locataire durant toute la durée du bail. À ce titre, le bailleur social verse un dépôt de garantie au propriétaire d’un montant représentant deux loyers.

« Le bail est soumis aux dispositions de droit privé conformément à la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986. Il est signé par acte notarié dont les frais sont supportés par le bailleur social. »

Article 4

Après le XL de la section II du chapitre IV du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts, le XLI est ainsi rétabli :

« XLI : Crédit d’impôt pour l’investissement des entreprises afin de favoriser l’embauche de stagiaires

« Art. 244 quater P. – Les propriétaires de biens immobiliers ayant signé une convention de mixité sociale peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt à hauteur de 65 % au titre de leurs revenus fonciers afférents. »

Article 5

I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.