N° 2342

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 mars 2024.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

portant déconnexion des élections législatives de l’élection présidentielle,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jérémie IORDANOFF, Mme Christine ARRIGHI, M. Julien BAYOU, Mme Lisa BELLUCO, M. Karim BEN CHEIKH, Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Charles FOURNIER, Mme Marie-Charlotte GARIN, Mme Julie LAERNOES, M. Benjamin LUCAS, Mme Francesca PASQUINI, M. Sébastien PEYTAVIE, Mme Marie POCHON, M. Jean-Claude RAUX, Mme Sandra REGOL, Mme Sandrine ROUSSEAU, Mme Eva SAS, Mme Sabrina SEBAIHI, M. Aurélien TACHÉ, Mme Sophie TAILLÉ-POLIAN, M. Nicolas THIERRY, M. Christophe NAEGELEN, M. Jean-Louis BRICOUT,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les démocraties modernes font du Parlement l’espace privilégié d’un débat pluraliste où s’affrontent publiquement des options politiques. Les Assemblées sont les lieux où le conflit des idées s’exprime et se résout. Ce sont les outils centraux de la démocratie. Or, la France de la Ve République semble l’ignorer. Notre Parlement est le plus faible d’Europe.

Alors que les élections législatives sont ailleurs un moment clé de la vie politique, la France les appréhende comme une formalité. Les législatives sont devenues la queue de comète de la présidentielle. Et depuis la synchronisation de la présidentielle et des législatives, la première tend à invisibiliser les secondes.

La concordance temporelle des deux se fait au détriment manifeste des élections législatives. Aucun débat n’a réellement lieu à ce moment‑là sur les programmes. La campagne présidentielle prend toute la lumière et surdétermine les législatives dont les électeurs, logiquement, se détournent massivement. On observe de plus une mobilisation asymétrique au lendemain de la présidentielle, avec une démobilisation plus forte des électeurs dont le candidat a été écarté, accentuant ainsi la distorsion entre les préférences des électeurs et la représentation nationale.

Parallèlement, le rôle du président de la République se trouve mécaniquement renforcé du fait que les députés de la majorité élus dans la foulée de sa campagne lui doivent leur élection. Incapables d’assurer une influence directe dans la formation et l’action du Gouvernement, comme cela se fait pourtant dans les autres démocraties parlementaires, les députés ne peuvent assumer pleinement leur rôle de contrepoids à l’exécutif.

Il apparaît alors évident que notre organisation institutionnelle n’est pas en phase avec les éléments essentiels définissant une démocratie parlementaire moderne telle qu’elle prospère dans bon nombre d’États européens qui disposent, comme la France, d’un régime parlementaire. Il nous semble ainsi opportun de rééquilibrer les pouvoirs, comme y invite l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, en rendant aux élections législatives l’indépendance et la séparation qui leur est due afin d’exercer réellement les compétences consacrées par l’article 24 de la Constitution à savoir le vote de la loi, le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques.

Il est ainsi proposé de poser dans la Constitution la règle selon laquelle les élections législatives ne peuvent avoir lieu dans les douze mois qui suivent ou qui précèdent une élection présidentielle, étant entendu que ce délai de sécurité est un minimum. Corrélativement, il est nécessaire que le droit de dissolution du président de la République soit aménagé, afin que son exercice ne vienne pas ruiner, dans les faits, une règle posée en droit : comme le relevait Michel Debré dans son discours du 27 juin 1958 devant le Conseil d’État, « Quand on veut briser de mauvaises habitudes, il faut de rigoureux impératifs ».

La réforme ainsi proposée apporterait renouveau et surcroît de légitimité au travail législatif, désormais plus en phase avec les attentes des citoyens, sans remettre en cause la stabilité de l’exécutif, le président disposant de pouvoirs propres et des moyens de faire prévaloir une continuité en matière de diplomatie et de défense. En un mot, cette adaptation constitutionnelle offrirait à la vie politique française une respiration et favoriserait une représentation nationale de plein exercice.

La présente proposition de loi constitutionnelle est composée de deux articles.

L’article 1er vient modifier l’alinéa 4 de l’article 12 de la Constitution, relatif au droit de dissolution du président de la République, afin de préciser qu’il ne peut être procédé à une dissolution dans les douze mois qui suivent ou qui précèdent des élections législatives.

L’article 2 vient créer un premier alinéa, à l’article 25 de la Constitution, qui renvoie à une loi organique la fixation des règles relatives aux élections des parlementaires, afin, de préciser que les élections législatives ne peuvent avoir lieu dans les douze mois qui suivent ou qui précèdent une élection présidentielle, tout en renvoyant à la loi organique la fixation des modalités de cette règle.

 


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PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article 1er

Après le mot : « une », la fin du dernier alinéa de l’article 12 de la Constitution est ainsi rédigée : « dissolution dans les douze mois qui suivent ou qui précèdent des élections législatives. »

Article 2

Au début de l’article 25 de la Constitution, est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Les élections législatives ne peuvent avoir lieu dans les douze mois qui suivent ou qui précèdent une élection présidentielle. La loi organique prévue au présent article fixe les modalités de cette règle. »