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N° 2359

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mars 2024.

PROPOSITION DE LOI

pour mieux connaître, prévenir, sanctionner et indemniser les accidents du travail,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Martine ETIENNE, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Alexis CORBIÈRE, M. Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, Mme Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mme Raquel GARRIDO, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Mathilde HIGNET, Mme Rachel KEKE, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, Mme Pascale MARTIN, M. William MARTINET, M. Frédéric MATHIEU, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Adrien QUATENNENS, M. Jean-Hugues RATENON, M. Sébastien ROME, M. François RUFFIN, M. Michel SALA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, M. Léo WALTER, M. Hendrik DAVI, M. Sébastien DELOGU, Mme Mereana REID ARBELOT, Mme Claudia ROUAUX,

députées et députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

On ne doit pas mourir au travail.

La mort au travail n’est pas un aléa, un impondérable, un fait divers et isolé ou une variable d’ajustement. La mort au travail est la conséquence d’un système qui compte la vie humaine pour rien. C’est une « hécatombe invisible » ([1]), la matérialisation de l’ultra libéralisation du travail, et du système capitaliste tel qu’il se déploie dans la sphère du travail.

Au niveau médiatique comme au niveau politique, les morts et les accidentés du travail sont invisibilisés, souvent décrits comme des faits divers et isolés, une fatalité, comme une statistique incompressible sans jamais faire l’objet d’une prise de conscience générale.

Pourtant, le combat pour leur reconnaissance ne date pas d’hier. En 1883 déjà, la chambre des Députés discutait pour la première fois des accidents du travail après l’explosion d’une cartoucherie au Mont Valérien. Le ministère du travail lui‑même a été créé après l’effroyable accident du travail provoqué par la catastrophe de Courrières en 1906, qui a vu périr 1 099 mineurs. Le premier lien établi officiellement entre travail et cancer date de 1926 lors de la réunion d’un sous‑comité de la Société des Nations. Cinq ans plus tard, en 1931, quatre nouveaux tableaux de maladies professionnelles sont créés pour inclure les intoxications par le tétrachloréthane, la benzine, le phosphore blanc et les rayons X. Nombre de ces produits et agents chimiques sont encore dans la liste des produits reconnus comme dangereux par l’organisation internationale du travail.

L’existence même d’un ministère du travail et la définition des accidents du travail et des maladies professionnelles sont autant de victoires arrachées par les luttes des travailleurs, au fil d’âpres batailles juridiques interminables, adossées à des recherches scientifiques.

Cela n’a pas empêché M. Emmanuel Macron, un peu moins de cent ans plus tard, de supprimer le critère de pénibilité lié à l’exposition aux produits chimiques, et avec lui, le port de charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques. Cela n’a pas empêché non plus la suppression des Comités d’hygiène de sécurité et des conditions de travail en 2017.

Plus récemment, le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite de deux ans constitue une énième attaque contre le monde du travail, et contre la santé des travailleurs.

Les attaques concertées et systématiques au code du travail par les gouvernements successifs depuis vingt ans mettent en péril toute la structure de protection des travailleurs, leur santé et leur sécurité. Pour que les affaires tournent il faut des corps disponibles, corvéables à merci, et sans mesures de sécurité qui font baisser le rendement en ralentissant inutilement les processus.

Ce sujet souffre d’une invisibilisation orchestrée par les donneurs d’ordre. Les chiffres globaux sur ce phénomène d’ampleur manquent et sont facilement contestés.

Pourtant, la France est un des pays où l’on meurt le plus au travail en Europe : la mortalité au travail y est deux fois supérieure à la moyenne européenne.

C’est pour ça que M. Matthieu Lépine ([2]) a entamé un grand travail de recensement des morts au travail, en élargissant sa réflexion à la question des accidentés et de la santé et sécurité au travail. En 2019, il a comptabilisé 896 personnes mortes au travail. Deux morts par jour. Et ce, sans compter les travailleurs sans papiers, les travailleurs détachés européens, les accidents de trajets, les maladies professionnelles et l’ensemble des suicides. ([3]) La même année, l’assurance maladie en a dénombré 733, et la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) 790 ([4]). La même année, le ministère du travail a recensé 783 600 accidents du travail, soit plus de 2 500 accidents du travail par jour ouvrable.

Plus récemment, l’année 2022 a été l’une des plus mortifères des vingt dernières années. Au moins 903 personnes sont mortes en faisant leur travail selon la caisse nationale d’assurance maladie ([5]), et ce, sans prendre en compte la fonction publique et les indépendants. La sinistralité est en hausse dans les secteurs les plus accidentogènes. Par exemple, dans le secteur agricole, les accidents du travail mortels ont augmenté de 33 % depuis 2019.

En outre, le recours aux intérimaires, aux contrats précaires, aux personnes en situation irrégulière, aux travailleurs sans papiers, accentue le déséquilibre dans la relation de travail entre patron et salarié. Comment dire non, voire exercer son droit de retrait, quand on a peur de se faire dénoncer à la police ? Quand on craint pour son emploi ? Ou tout simplement quand on est mineur ?

Les études statistiques de la DARES et de l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) sont accablantes : selon un rapport de la DARES d’octobre 2022, dans l’intérim, le risque d’accident du travail avec arrêt est deux fois plus élevé que la moyenne (39,3 accidents de travail par million d’heures salariées pour les intérimaires contre 20,4 accidents du travail par millions d’heures salariées en moyenne) ([6]).

Les salariés les plus précaires sont les plus exposés aux risques d’accident du travail. Selon la caisse primaire d’assurance maladie, en 2019 on dénombrait un accident du travail toutes les deux minutes dans le secteur du bâtiment et travaux publics (BTP), et 215 ouvriers décédés dans ce secteur ([7]). En 2019 toujours, selon le ministère du travail, 19 280 accidents du travail graves ont touché des ouvriers, contre 1 805 pour les cadres. Les ouvriers ont par ailleurs un risque sept fois plus élevé que les cadres d’être handicapés après un accident. ([8])

Les attaques dirigées vers les travailleurs et leur santé ne passent pas uniquement par l’affaiblissement du code du travail. Elles sont le résultat d’un détricotage de la protection, du système de santé, d’éducation et de justice.

L’affaiblissement organisé de la médecine du travail, le manque de moyens alloués à la profession et le déclassement de certains critères de pénibilité comme l’exposition aux risques chimiques, fragilise tout le système de prévention en matière de santé et de sécurité au travail. Autre exemple, pour optimiser le temps de travail, et les financements de la médecine du travail, la visite obligatoire est passée de tous les ans, à tous les deux ans, à désormais tous les cinq ans, depuis 2016. Résultat : la France connaît un effondrement du recours à la médecine du travail : 39 % des salariés ont consulté le médecin du travail au cours des douze derniers mois contre 70 % en 2005.

Les accidents du travail concernent tous les âges de la vie, et dès l’adolescence. Le fait de privilégier l’apprentissage et, en même temps, de réduire drastiquement les financements des lycées professionnels conduit inévitablement à l’augmentation du nombre d’accidents chez les jeunes. La jeunesse est victime d’un discours promotionnel sur l’apprentissage qui néglige la prévention, l’encadrement, et la formation aux gestes de sécurité. Selon l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), la fréquence des accidents du travail est 2,5 fois plus importante chez les moins de 25 ans que pour le reste des travailleurs([9]) Le nombre de morts au travail dans cette catégorie d’âge a augmenté de 29 % depuis 2019.

Enfin, il y a l’attente. L’attente de réponses, de justice, de sanctions, et de compréhension. Une attente qui peut parfois durer plusieurs années, années durant lesquelles la réparation financière et morale est inenvisageable. Le manque de moyens organisé dans la justice allonge les délais pour les familles et les victimes qui cherchent à faire reconnaître la responsabilité de leur employeur. Ce sont les prud’hommes qui tranchent sur la mise en œuvre ou non d’une décision d’un médecin du travail par exemple. Mais attendre trois ans au mieux pour un conflit aux prud’hommes contribue à affaiblir cette culture de la sécurité qui devrait être constamment présente pour l’employeur. La reconnaissance de la faute du donneur d’ordre lors d’un accident ou d’un décès au travail est trop longue, trop onéreuse et trop complexe. Ces délais constituent une double peine pour les victimes et leurs familles.

Les accidents du travail sont un fait politique à traiter comme tel : par la loi.

Il faut agir dans quatre directions. Il faut connaître le problème finement pour prévenir les risques, sanctionner les responsables, indemniser et accompagner les victimes. C’est ce qu’entend accomplir cette proposition de loi. La présente proposition de loi comporte donc quatre parties distinctes.

  1. Connaître

Une vraie politique de la santé au travail doit s’appuyer sur des chiffres incontestables. Il faut une harmonisation des statistiques existantes, une centralisation plus claire des données, et une obligation faite aux donneurs d’ordres de déclarer systématiquement tous les accidents survenus.

Indépendants et auto‑entrepreneurs, travailleurs sans papiers et non déclarés, agents de la fonction publique d’État ou salariés affiliés à un régime spécial : au total, presque 10 millions de personnes en emploi ne sont pas couvertes par les statistiques officielles sur les accidents du travail. Ainsi :

 l’article 1 oblige les employeurs à informer les salariés au moment de leur embauche des statistiques de la sinistralité, et du nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles de l’entreprise ou du groupement d’entreprise, survenus au cours des trois années précédant l’embauche, afin qu’ils aient une pleine connaissance de l’entreprise et de ses risques professionnels ;

 l’article 2 oblige les employeurs à rendre publiques les statistiques de la sinistralité pour assurer une transparence de l’information, et à remonter ces mêmes données à la DARES, en y intégrant également les accidents du travail et maladies professionnelles n’ayant pas fait l’objet d’un arrêt de travail ;

 l’article 3 fait entrer les agents de la fonction publique d’État ou salariés affiliés à un régime spécial dans les statistiques officielles des accidents du travail. Les statistiques officielles sur les accidents du travail ne couvrent aujourd’hui que le régime général et le régime agricole (uniquement les salariés, et non les indépendants), soit environ 20,3 millions de salariés en 2021. Or il y a en France, 26,5 millions de salariés. Donc la prévalence des accidents du travail auxquels sont exposés plus de 6 millions de salariés affiliés aux régimes spéciaux ou aux différentes caisses de la Fonction publique n’est pas couverte par les statistiques officielles.

  1. Prévenir

Ces dernières années, les réformes successives du droit du travail et de l’éducation nationale ont conduit, entre autres, à une réduction du temps accordé à la formation aux gestes de sécurité et à la prévention. L’exigence de rentabilité conduit à une accélération forcée de la cadence de travail ; la précarisation du travail accentue la vulnérabilité des travailleurs les plus précaires et les plus exposés. Par conséquent :

 l’article 4 rétablit les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) tels qu’ils existaient avant les ordonnances travail de Macron en 2017 avec pouvoir d’enquête et pouvoir d’alerte. Cette réforme a conduit à un recul irresponsable de la santé et de la sécurité au travail. Les commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) ne sont obligatoires qu’à partir de 300 salariés contre 50 pour les anciens comités, en plus de n’être que des commissions du comité social et économique (CSE) et non des entités distinctes, avec moins de moyens et de pouvoir qu’auparavant. Aujourd’hui, seuls 46 % des salariés sont couverts par un CSSCT, contre 75 % couverts par les CHSCT avant leur suppression ;

 l’article 5 vise à doubler les effectifs de l’inspection du travail, à horizon 2027 et instaure un seuil minimum d’un inspecteur pour cinq‑cents entreprises. L’inspection du travail, chargée de contrôler l’application effective des droits des travailleurs, est aujourd’hui en danger : parce qu’elle bloque les pires effets des politiques libérales, le Gouvernement et le Medef n’ont cessé de diminuer ses moyens et son pouvoir d’action.

Les réductions d’effectif ont été massives : en dix ans, il y a eu une diminution de 20  % d’agents de contrôle sur le terrain et de 40  % d’agents de renseignement des usagers ! Il ne reste que 1 750 inspecteurs du travail pour 2 millions d’entreprises. Aujourd’hui, près de 15  % des sections d’inspection sont vacantes. Il n’y a plus personne pour contrôler les entreprises. L’impunité est voulue et organisée. Ainsi, cet article propose d’y remédier, dans un premier temps, en rehaussant les effectifs ;

 l’article 6 instaure la règle de l’arrêt systématique et obligatoire du chantier où a lieu un accident jusqu’au passage de l’inspecteur de police et de l’inspecteur du travail, et jusqu’à l’analyse de l’accident avec reconstitution par le coordonnateur sécurité et protection de la santé (CSPS). Le chantier ne pourra reprendre qu’avec l’accord de l’inspection du travail.

 l’article 7 rend obligatoire les formations et la possession d’un brevet de maîtrise pour les maitres d’apprentissage, ou à défaut, instaure un panel de conditions que le maître d’apprentissage doit remplir pour être responsable d’un apprenti. Cette disposition s’appuie sur l’article R6261‑9 du code du travail relatif à l’Alsace‑Moselle qui doit être étendue à l’ensemble du territoire.

  1. Sanctionner

Pour garantir l’application des politiques de prévention et surtout la fin de l’impunité organisée dont les accidentés et leur famille sont les premières victimes, la politique de sanction doit, elle aussi, être renforcée. L’objectif est de rendre les peines plus dissuasives pour sanctionner les donneurs d’ordres qui ne respectent pas la loi, et inciter à la prévention et à la sécurité collective. Ainsi :

 l’article 8 crée un principe de pénalités « aggravées » et « proportionnelles » au chiffre d’affaires de l’entreprise quand l’accident a conduit à la mort de la victime ou lorsque le donneur d’ordre récidive dans un laps de temps de cinq ans ;

 l’article 9 prévoit que le taux des cotisations à la branche accidents du travail / maladies professionnelles soit modulé en fonction de la survenance de pratiques pathogènes (temps partiel, travail de soirée, et travail de nuit) pour décourager les entreprises à les adopter. Le nombre de travailleurs de nuit a ainsi doublé, alors qu’un rapport de l’agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) indique que les maladies cardio‑vasculaires, le diabète et l’obésité sont des maladies chroniques favorisées par la désynchronisation des personnes avec le rythme naturel de repos. Le travail de nuit et de soirée est donc d’abord un problème de santé publique, et mérite à ce titre un encadrement plus strict.

  1. Indemniser

Les victimes et leurs familles ont le droit à une justice digne de ce nom. Aujourd’hui, l’indemnisation, tant des victimes que des familles en cas d’accident mortel, est incomplète, complexe et souvent inefficace. Les entreprises ont les moyens de contourner la réparation des dommages civils et de faire durer les accusations portées au pénal. Devant le manque de moyens de la justice, nombreuses sont les familles qui baissent les bras et abandonnent. Ainsi :

 l’article 10 créé un guide à destination des victimes et de leurs familles en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle publié par le ministère du travail ;

 l’article 11 vient créer un nouveau chapitre dans le code du travail pour s’assurer de la juste réparation des victimes et de leurs familles. Ce chapitre s’appliquera également aux travailleurs indépendants, qui entreront ainsi dans le champ des accidents du travail. Ce nouveau chapitre indemnise intégralement les victimes, y compris leurs familles dans le cas d’accident mortel, qui ne pourront se voir opposer ni la force majeure ou le fait d’un tiers par l’entreprise donneuse d’ordre ou l’employeur, ni leur propre faute, y compris dans le cas d’accident mortel. Les victimes ou leur famille auront droit à une indemnisation dans un délai maximum de huit mois à compter de la survenue de l’accident, faute de quoi leur indemnité sera doublée. Enfin, cet article vient soutenir les familles en leur octroyant l’aide juridictionnelle automatiquement, et sans condition de ressources ; en obligeant le donneur d’ordre à avertir au plus vite la personne de confiance désignée par la victime, et à prendre en charge les frais d’obsèques et de transport du corps ;

 l’article 12 oblige l’employeur à prendre en charge les frais de reclassement dans une autre entreprise, et les frais engendrés par une période d’inactivité si une victime d’accident du travail ne peut pas être reclassée dans son entreprise d’appartenance.

Enfin, l’article 13 gage la présente proposition de loi.

 


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proposition de loi

Titre Ier

Connaître

Article 1er

Le 2° de l’article L. 4121‑1 du code du travail est complété par les mots : « , y compris les statistiques de la sinistralité de l’entreprise, le nombre d’accidents du travail relevant de l’article L. 411‑1 du code de la sécurité sociale, le nombre de suicides et de maladies professionnelles relevant de l’article L. 461‑1 du même code survenus au cours des trois années précédant l’embauche d’un salarié. ».

Article 2

Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la quatrième partie du code du travail est complété par deux articles L. 4141‑6 et L. 4141‑7 ainsi rédigés : 

« Art. L. 41416 L’employeur publie chaque année des indicateurs relatifs aux statistiques de la sinistralité de l’entreprise sur le site internet de l’entreprise, s’il existe effectivement, et dans son bilan d’activité. Il publie annuellement, et en conservant les chiffres pendant trois années consécutives, le nombre d’accidents du travail relevant de l’article L. 411‑1 du code de la sécurité sociale et le nombre de maladies professionnelles relevant de l’article L. 461‑1 du même code survenus dans l’entreprise. 

« Art. L. 41417. – L’employeur remonte automatiquement les données relatives aux accidents du travail relevant de l’article L. 411‑1 du code de la sécurité sociale et aux maladies professionnelles relevant de l’article L461‑1 du même code survenus dans l’entreprise à la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, y compris lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un arrêt de travail. »

Article 3

Le chapitre II du titre Ier du livre VIII du code général de la fonction publique est complété par un article L. 812‑6 ainsi rédigé :

« Art. L. 8126.  Un système d’information centralisé est chargé d’établir, au plan national, les statistiques des accidents du travail et des maladies professionnelles constatées pour tous les agents mentionnés aux articles L. 2 à L. 5. »

Titre II

Prévenir

Article 4

L’ordonnance n° 2017‑1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales est abrogée.

Article 5

À horizon 2027, la Nation se fixe pour objectif de doubler les effectifs de l’inspection du travail constatés au moment de la promulgation de la présente loi, et d’instaurer un seuil minimum d’un inspecteur pour cinq cents entreprises. 

Article 6

Le chapitre Ier du titre II du livre Ier de la quatrième partie du code du travail est complété par un article L. 4121‑6 ainsi rédigé :

« Art. L. 41216.  Lorsqu’un accident du travail est survenu sur un lieu de travail, l’activité est arrêtée de façon systématique et obligatoire jusqu’au passage de l’inspecteur de police, de l’inspecteur du travail, et jusqu’à l’analyse de l’accident avec reconstitution par le coordonnateur sécurité et protection de la santé.

« La reprise de l’activité ne peut se faire qu’avec l’accord de l’inspection du travail. »

Article 7

L’article L. 6223‑8‑1 du code du travail est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Dans les entreprises relevant de la chambre de métiers et de l’artisanat de région, le maître d’apprentissage doit être titulaire d’un brevet de maîtrise délivré par les chambres de métiers et de l’artisanat de région ou, à défaut, cumuler les critères suivants :

« 1° Avoir vingt‑quatre ans révolus ;

« 2° Avoir cinq ans d’activité professionnelle dont trois ans d’activité́ dans l’entreprise ;

« 3° Être titulaire d’un diplôme ou titre de niveau équivalent ;

« 4° Justifier d’une formation pédagogique de maître d’apprentissage, ou à défaut, suivre un « stage tuteur » organisé par les chambres de métiers et de l’artisanat. »

Titre III

Sanctionner

Article 8

L’article L. 4741‑1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans le cas d’un accident du travail mortel, les violations des dispositions énoncées au présent article font l’objet d’amendes pouvant s’élever jusqu’à dix millions d’euros ou, dans le cas d’une personne morale, jusqu’à 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent. »

Article 9

À la première phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa de l’article L. 242‑5 du code de la sécurité sociale, après le mot : « risques » sont insérés les mots : « et de pratiques pathogènes et accidentogènes ».

Titre IV

Accompagner et protéger

Article 10

Chaque année, un guide à destination des victimes ainsi que des familles des victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle est actualisé et publié par le ministère du travail. Ce dernier détaille les démarches à suivre pour obtenir réparation, et énumère les droits et les contacts utiles à destination des familles des victimes.

Article 11

Après le chapitre VI du titre II du livre II de la première partie du code du travail, il est inséré un chapitre VI bis ainsi rédigé :

« Chapitre VI bis

« Indemnisation des victimes d’accidents du travail

« Art. L. 122625. – Les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même pour les travailleurs indépendants, aux victimes d’un accident du travail.

« Art. L. 122626.  Les victimes, y compris leurs familles, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par l’entreprise donneuse d’ordre ou l’employeur.

« Art. L. 122627.  Les victimes, et dans le cas des accidents mortels, leurs familles, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute.

« Art. L. 122628.  L’assureur qui garantit la responsabilité civile du donneur d’ordre ou de l’employeur est tenu de présenter dans un délai maximum de huit mois à compter de l’’accident une offre d’indemnité à la victime qui a subi une atteinte à sa personne. En cas de décès de la victime, l’offre est faite à ses ayants‑droits.

« L’offre comprend tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un règlement préalable.

« Elle peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux victimes à qui l’accident n’a occasionné que des dommages aux biens. 

« Art. L. 122629.  Lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L. 1226‑28, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l’assureur. 

« Art. L. 122630.  Dans le cas d’un accident du travail mortel, le donneur d’ordre ou l’employeur, doit avertir au plus vite la personne de confiance désignée par la victime.

« Art. L. 122631. Dans les cas d’un accident du travail mortel, les frais d’obsèques et de transport du corps sont intégralement pris en charge par l’entreprise donneuse d’ordre ou par l’employeur. »

 

 


([1]) M. Lépine; « L’hécatombe invisible : enquête sur les morts au travail ». 2023.

([2]) Ibid

([3]) https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/090323/morts-au-travail-il-est-temps-qu-il-y-ait-une-veritable-prise-de-conscience

([4]) https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2023/03/09/matthieu-lepine-brise-le-silence-sur-la-mort-au-travail_6164772_4500055.html

([5]) Rapport annuel 2022 de l’Assurance Maladie - Risques professionnels (décembre 2023)

([6]) « Quels sont les salariés les plus touchés par les accidents du travail en 2019 ? », Dares Analyses n° 53, ministère du Travail, novembre 2022.

([7]) Ibid

([8]) Ministère du Travail, Insee – Données 2019 –  Observatoire des inégalités

([9]) Ibid