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N° 2370

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mars 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à exonérer les communes de moins de 2 000 habitants, les associations à but non lucratif, les établissements scolaires, les petits commerces et autres lieux publics implantés dans les communes de moins de 3 500 habitants, de la redevance due à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique et à encadrer les pratiques commerciales de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Philippe TANGUY, M. Sébastien CHENU, M. Lionel TIVOLI, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Kévin MAUVIEUX, M. Antoine VILLEDIEU, Mme Anaïs SABATINI, M. Bryan MASSON, M. Frédéric FALCON, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Béatrice ROULLAUD, Mme Laure LAVALETTE, M. Roger CHUDEAU, M. Julien ODOUL, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Lisette POLLET, M. Frédéric CABROLIER, Mme Stéphanie GALZY, Mme Christine ENGRAND, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Nicolas DRAGON, Mme Edwige DIAZ, Mme Sophie BLANC, M. Hervé DE LÉPINAU, M. Bruno BILDE, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Christian GIRARD, Mme Caroline COLOMBIER, M. Thierry FRAPPÉ, M. Emeric SALMON, M. Franck ALLISIO, M. Michaël TAVERNE, M. Kévin PFEFFER, M. Matthieu MARCHIO, M. Grégoire DE FOURNAS, M. José BEAURAIN, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, M. Pierre MEURIN, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, M. Daniel GRENON, Mme Yaël MENACHE, Mme Florence GOULET, M. Frank GILETTI, Mme Bénédicte AUZANOT, Mme Marie-France LORHO, Mme Alexandra MASSON, Mme Catherine JAOUEN, M. Alexandre SABATOU, M. Pierrick BERTELOOT, Mme Christine LOIR, Mme Marine HAMELET, Mme Gisèle LELOUIS, Mme Joëlle MÉLIN, M. Philippe SCHRECK, M. Philippe LOTTIAUX, Mme Julie LECHANTEUX, M. Serge MULLER, M. Timothée HOUSSIN, M. Christophe BARTHÈS, M. Christophe BENTZ, Mme Pascale BORDES, M. Yoann GILLET, M. Alexandre LOUBET, M. Romain BAUBRY, Mme Annick COUSIN, M. Thibaut FRANÇOIS, M. Jordan GUITTON, M. Jérôme BUISSON, M. Victor CATTEAU, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Julien RANCOULE, M. Alexis JOLLY, Mme Angélique RANC, M. Emmanuel BLAIRY, M. Jorys BOVET, M. Frédéric BOCCALETTI, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Hélène LAPORTE, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Caroline PARMENTIER, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, M. Laurent JACOBELLI,

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), née au milieu du XIXe siècle, était initialement chargée de protéger les droits de propriété intellectuelle des artistes du secteur de la musique. Cette mission relève toujours d’une certaine idée de la justice, en assurant la rémunération du génie musical. Ce modèle, par ailleurs exporté au sein de l’Union européenne, vise également à protéger les artistes sua la scène internationale, suivant la conception française de l’exception culturelle.

Le code de la propriété intellectuelle reconnaît aux auteurs le droit exclusif d’exploiter leurs œuvres lorsqu’elles sont communiquées au public par un procédé́ quelconque. La SACEM, en qualité de société de perception et de répartition des droits, gère la perception et la répartition de la rémunération due à ces titulaires de droits, à travers une tarification, qui n’est pas une redevance de nature fiscale ni une ressource publique. À ce titre, les règles et montants de redevances de la SACEM ne sont pas fixés par les pouvoirs publics mais par les statuts privés de la société, de facto protégés par l’État. Les droits perçus par la SACEM sont ainsi prétendument proportionnels aux recettes de l’évènement, recettes qui ne sont pourtant pas de la même nature selon l’organisateur et l’objet dudit évènement.

Le code de la propriété́ intellectuelle s’immisce toutefois dans cette politique tarifaire, en prévoyant par exemple, à l’article L. 132‑21, que les communes, pour l’organisation de leurs fêtes locales et publiques, bénéficient de réductions sur les redevances de droits d’auteur. L’article L. 321‑8 complète ce dispositif en permettant de réserver aux diverses composantes du mouvement associatif un traitement préférentiel pour les manifestations ne donnant pas lieu à̀ entrée payante.

Néanmoins, si la proportionnalité dans les modalités de calcul des redevances, prévue par les statuts de la SACEM, semble promouvoir une certaine équité, cet impératif n’est en pratique pas respecté. En réalité́, ces droits musicaux représentent une part importante, et même excessive, du budget dévolu à l’activité ou l’organisation d’évènements pour de nombreuses entités, publiques comme privées.

La SACEM récupère même des droits sur la diffusion d’œuvres musicales lors de cérémonies funéraires. Si la somme perçue est souvent modique, de l’ordre de quelques euros, elle n’en est pas moins choquante, cherchant à monétiser une œuvre choisie par le défunt ou sa famille pour ses derniers moments. Il n’est pas plus admissible de facturer de telles prestations pour les entreprises organisant ces cérémonies qu’il n’est tolérable que la SACEM récupère des droits à cette occasion.

Avec un chiffre d’affaires d’environ 1,4 milliards d’euros en 2022 (+33,8 %), la SACEM engendre des résultats financiers exorbitants, quand des milliers d’associations et de petits commerces sont étouffés sous les charges financières et les taxes pour le seul tort de vouloir faire vivre les territoires.

S’il est essentiel de protéger les auteurs et les artistes, ce droit doit être sanctuarisé quand les œuvres sont utilisées par des entreprises ou des entités publiques pour lesquelles l’exploitation commerciale des œuvres est centrale. En revanche, financiariser toute utilisation d’une œuvre pour des activités d’intérêt général ou des petits commerces qui n’en tirent qu’un bénéfice nul ou marginal, s’apparente à un abus. Cette dérive revient à̀ mettre l’argent au‑dessus de l’accès à la culture, en contradiction avec les principes de notre civilisation. Il est donc temps de poser clairement des limites juridiques de bon sens garantissant la rémunération des droits d’auteur pour les œuvres utilisées dans un but mercantile d’une part, et d’autre part l’utilisation de ces mêmes œuvres dans un but d’intérêt général qui ne justifie pas leur rémunération.

D’autres députes se sont opposés au poids de ces redevances sur différentes entités. Dans des propositions de loi du 15 septembre 2020 et du 21 février 2023, Olivier Dassault et M. Stéphane Viry s’étaient déjà̀ insurgé des impacts financiers de la tarification de la SACEM sur les associations à but non lucratif et les communes. En effet, Olivier Dassault prévoyait des dispositions législatives relatives aux associations, et M. Stéphane Viry quant à̀ lui, envisageait des mesures à disposition des communes de moins de 2 000 habitants.

Ainsi, la présente proposition de loi vise à̀ combiner ces deux grands axes, et à introduire, en plus des petites municipalités et des associations, les petits commerces, les salons de coiffure, brasseries, cafés et restaurants implantés dans les communes de moins de 3500 habitants ainsi que toutes les cérémonies funéraires.

En effet, les associations à but non lucratif relevant de la loi du 1er juillet 1901, les établissements scolaires ainsi que les petits cafés des communes de moins de 3500 habitants n’usent, par essence, que de manière désintéressée la musique. L’usage de la musique par ceux‑ci participe à la fraternité des citoyens, notamment à travers l’organisation d’évènements. L’exemple le plus flagrant en la matière demeure celui de la redevance des écoles pour les spectacles de fin d’année.

S’agissant des « petits commerces et cafés » dans les communes de moins de 3500 habitants, l’exonération vise à̀ aider un secteur à la trésorerie fragile. Les nombreuses fermetures de petits cafés dans les petites communes est préoccupante. Non seulement ces petits cafés restent les derniers commerces de certaines petites communes, mais ils demeurent un indispensable lieu de sociabilité. Un des objectifs de la présente proposition de loi consiste donc à conserver la cohésion de nos territoires et à accompagner des acteurs qui favorisent la solidarité locale.

Par ailleurs, la proposition de loi vise à revoir les relations que peut avoir la SACEM avec les organismes qui y sont soumis.

Dans le département de la Somme, une association ayant organisé un moment convivial avec les habitants, pour un total dépenses de 680€, se voit contrainte de verser 137,50 € à la SACEM, alors même que les recettes de cet évènement ne sont que de 644 €, soit un résultat final négatif de 173,50 €. Des exemples comme celui‑ci se comptent, hélas, par milliers.

Les témoignages récurrents sur les relations avec la SACEM sont problématiques : une inspection à l’affût du moindre spectacle, l’envoi régulier d’inspecteurs, des documents illisibles, une redistribution indéchiffrable, un droit reversé aux auteurs bien minime par rapport aux sommes prélevées, une non‑automaticité des redistributions inexplicable, des artistes qui découvrent des usages de leur musique bien supérieurs à ceux inscrits sur les bulletins de répartitions des droits, aucune transparence dans la loi ou par la SACEM des sommes qui sont collectées ou qui auraient dues être reversées, une gestion des réclamations par des agents eux‑mêmes dépassés par les démarches absconses, des intermittents en pleine interrogation, des délais de traitement de dossier interminables.

L’article 1er de la présente proposition de loi vise donc à exonérer des redevances à la SACEM des communes de moins de 2 000 habitants, les associations à but non lucratif relevant de la loi du 1er juillet 1901, les établissements scolaires mentionnés à l’article L. 121‑1 du code de l’éducation, les petits cafés, brasseries, restaurants, salons de coiffure, discothèques, commerces des communes de moins de 3500 habitants, ainsi que les lieux d’inhumation et de célébration de funérailles. En effet, il nous apparaît injuste et absurde d’imposer des dépenses qui peuvent se révéler lourdes à une fête d’école primaire, à un évènement d’une association locale ou à un petit café qui accueille moins de trente personnes par jour – quelle que soit la proportionnalité du calcul, et encore moins à des familles endeuillées.

L’article 2 demande une transformation des documents relatifs à la SACEM, notamment le bulletin de répartition des droits, en vue d’accélérer le traitement des dossiers et faciliter la redistribution juste, donc protéger les artistes ayants droit.

Enfin, l’article 3 de la proposition de loi émet une demande de rapport sur les moyens financiers et les activités de la SACEM, sur la redistribution de ses ressources sur les cinq dernières années, et portant des propositions pour rendre la SACEM socialement plus juste pour les entités qui y sont soumises.

 


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proposition de loi

Article 1er

L’article L. 132‑21 du code de la propriété intellectuelle est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les associations à but non lucratif relevant de la loi du 1er juillet 1901, les établissements scolaires mentionnés à l’article L. 121‑1 du code de l’éducation, les cafés, brasseries, restaurants, salons de coiffure et autres commerces des communes de moins de 3 500 habitants, à l’exception des discothèques, sont exonérés de ces redevances.

« Nul ne peut se voir imposer une facturation commerciale ou le paiement de droit pour la diffusion d’œuvres musicales lors de funérailles. »

Article 2

La présentation des documents relatifs au règlement de la SACEM est simplifiée dans un souci de transparence et de lisibilité́ pour tous, selon des modalités fixées par décret du Conseil d’État.

Article 3

Trois mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les moyens financiers et les activités de la SACEM, sur la redistribution de ses ressources sur les cinq dernières années, et portant des propositions pour rendre la SACEM socialement plus juste pour les entités qui y sont soumises.