N° 2471

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril 2024.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

tendant à la création d’une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre-mer,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Davy RIMANE, M. Frédéric MAILLOT, M. Jean-Victor CASTOR, M. Steve CHAILLOUX, M. André CHASSAIGNE, M. Pierre DHARRÉVILLE, Mme Emeline K/BIDI, Mme Karine LEBON, M. Stéphane PEU, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Fabien ROUSSEL,

députés et députées.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

« Le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit » ([1]).

Si, depuis la Révolution française, le principe d’indivisibilité est demeuré au cœur de l’organisation constitutionnelle de la France, et est aujourd’hui consacré dès l’article premier de la Constitution du 4 octobre 1958, ce même article intègre également en son sein la réalité de l’organisation administrative du pays. Ainsi, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 ([2]), l’article premier de la Constitution précise que la France est caractérisée par une organisation décentralisée, impliquant en cela que les collectivités locales disposent de prérogatives qui leur sont propres.

Cette modification constitutionnelle est intervenue dans le cadre du mouvement contemporain de décentralisation, dont l’acte I désigne communément une série de textes législatifs et réglementaires entrés en vigueur entre 1982 et 1986, et dont l’élan s’illustre au travers de la déclaration de François Mitterrand le 15 juillet 1981 : « La France a eu besoin d’un pouvoir fort et centralisé pour se faire. Elle a aujourd’hui besoin d’un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire » ([3]).

En octroyant une marge de manœuvre juridique et politique plus affirmée aux collectivités territoriales, la révision constitutionnelle de 2003, qui ouvre l’acte II de la décentralisation caractérisé par l’attribution de compétences nouvelles, a ainsi démontré qu’indivisibilité républicaine et autonomie locale renforcée ne sont pas antinomiques.

Dans son prolongement, la loi du 27 janvier 2014 relative à la modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ([4]) renforcera la logique de blocs de compétences, les départements étant ainsi, à titre d’illustration, confirmés dans leur rôle de chefs de file des politiques publiques en matière d’action sociale et de solidarité territoriale, les régions en matière de développement économique, de transport et d’aide aux entreprises, tandis que les communes se voyaient octroyer le chef de filat sur la mobilité durable et la qualité de l’air.

La loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale ([5]) constituera un jalon supplémentaire dans le processus décentralisateur, en inscrivant le principe du droit à la différenciation au sein du code général des collectivités territoriales, c’est‑à‑dire la possibilité, pour les collectivités, d’appliquer de façon différente leurs compétences, en fonction par exemple de particularités géographiques, démographiques, économiques ou sociales

« Dans le respect du principe d’égalité, les règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte des différences objectives de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales relevant de la même catégorie, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit proportionnée et en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit. » ([6])

Les régions et les départements, peuvent à présent, formuler des propositions législatives pour adapter le droit à leurs particularismes locaux.

Cette « différenciation » n’était pas réellement une nouveauté, la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République du 7 août 2015 ([7]) ayant d’ores et déjà introduit la possibilité, notamment pour les régions et pour les départements d’outre‑mer, de formuler des propositions législatives pour adapter le droit aux particularismes locaux, la loi du 21 février 2022 venant ainsi étendre cette possibilité à tous les départements.

Quarante ans après l’adoption des premières lois de décentralisation, la demande locale reste forte et les attentes élevées, alimentées par l’insuffisante prise en considération de l’impact des normes sur les collectivités territoriales dans le cadre de leur processus d’élaboration.

En effet, le local n’est plus « un espace de mise en œuvre de mesures développées par des administrations étatiques aussi cloisonnées horizontalement (chacune étant en position de monopole dans son secteur d’activité) qu’intégrées verticalement » ([8]) mais un espace « de mise en œuvre de multiples politiques publiques et donc le lieu où se manifestent les interdépendances entre cellesci ([9]) », la gestion publique des territoires ne procédant plus « de la déclinaison verticale de mesures standardisées conçues et mises en œuvre par des administrations d’État puissantes, mais de la mobilisation d’une multiplicité d’institutions et d’acteurs publics et privés dans la définition et réalisation partenariale de solutions ad hoc pour traiter des problèmes dont l’énonciation même est territorialisée » ([10]).

Il est désormais indispensable que l’État déconcentré soit en mesure de s’adapter aux réalités du territoire, afin de donner davantage de corps au principe d’ « organisation décentralisée de la République » énoncé depuis 2003 à l’article 1er de la Constitution. En cela, la préservation du pouvoir d’agir des élus, tout autant que l’importance de ménager « des marges de manœuvres locales sur des champs d’action où seules l’hyperproximité et l’adaptation aux réalités territoriales sont garantes de l’efficacité des politiques publiques » ([11]) sont primordiales.

Alors que les injonctions paradoxales et les interprétations diverses selon les services déconcentrés et les échelons territoriaux tendent de plus à plus à instaurer des freins à contre‑courant des volontés locales, l’exemple emblématique de cette complexification de l’action locale s’illustre au travers des textes règlementaires relatifs au zéro artificialisation nette (ZAN), élaborés par l’administration centrale sans concertation avec les élus et donc difficilement applicables.

Tandis que la Cour des comptes a estimé dans son rapport annuel 2023 qu’ » une relance progressive et organisée de la décentralisation est souhaitable » ([12]) et que le président de la République a lancé en novembre 2023 une mission sur la décentralisation afin de « simplifier l’organisation territoriale et clarifier les compétences », il apparaît primordial que l’acte III de la décentralisation qui s’amorce s’accompagne d’une prise en considération des particularités des territoires et des besoins de leurs populations.

Cela implique que les normes produites soient plus intelligibles, plus utiles et plus efficaces.

Dans un contexte où la simplification des normes figure parmi les priorités des élus, qui dénoncent une fièvre normative, il est nécessaire que le législateur puisse désormais anticiper les conséquences directes et indirectes du poids des normes plutôt que d’agir a posteriori sur des normes déjà produites, lesquelles participent du grand découragement qui touche les élus locaux.

Une telle anticipation participerait d’une meilleure articulation des compétences, davantage adaptées à la diversité des territoires, aussi bien hexagonaux qu’ultramarins.

Car si, ainsi qu’indiqué précédemment, un pouvoir d’initiative en matière d’adaptation des textes est possible pour l’ensemble des départements et des régions de l’hexagone et d’outre‑mer, aux assemblées de Guyane et de Martinique, et à l’assemblée de Corse, l’adéquation des politiques publiques avec les spécificités de chaque territoire s’avère insuffisante.

En cela, l’exemple des territoires ultramarins est significatif, et s’illustre au travers d’un constat partagé de la faible efficacité des dispositifs en place supposés permettre une meilleure adaptation des normes, à l’image des habilitations de l’article 73 de la Constitution ([13]) ou des mécanismes de consultation préalable des collectivités sur les projets de loi ou de décret ([14]).

Les territoires ultramarins font ainsi la démonstration que le principe de l’appartenance à la République n’est viable que s’il s’accompagne d’un véritable pacte républicain valorisant les différences fécondes et les singularités irréfragables, et a fortiori d’un cadre adapté à la diversité de ses composantes.

À rebours du mouvement de recentralisation en cours, incarnée par les suppressions successives de recettes fiscales locales (taxe professionnelle, taxe d’habitation, CVAE) concourant à renationaliser la fiscalité locale et à affaiblir l’autonomie des collectivité, les doléances régionales pour plus d’autonomie, récemment illustrées par la reconnaissance d’un statut d’autonomie de la Corse « au sein de la République », sont la preuve, s’il en fallait, que la logique d’homogénéisation aux relents jacobinistes qui imprègne l’élaboration de la loi, mène à des impasses.

La proposition de l’ancien ministre de la justice Jean‑Jacques Urvoas visant à réécrire l’article 73 de la Constitution, qui permet l’adaptation des lois et des règlements aux départements et régions d’outre‑mer, afin d’élargir cette autonomie aux collectivités locales volontaires, révèle la proximité des attentes ultramarines comme hexagonales en matière de prise en compte des particularismes locaux.

Car, s’ils se distinguent du territoire hexagonal par leur éloignement géographique, les territoires ultramarins se différencient également les uns des autres par leurs particularismes, perceptibles tant du point de vue de l’anthropologie que de l’économie. Il est ainsi trop aisé, mais aussi trop fréquent, de les réduire à leurs principales caractéristiques communes, à savoir – outre leur éloignement géographique vis‑à‑vis de l’hexagone – des critères socio‑économiques similaires qui, s’ils sont convergents dans leur causalité intrinsèque, n’en sont pas moins dissemblables dans leur recherche de réponses adaptées aux réalités locales.

Les réalités démographiques, culturelles, sociales, ou encore environnementales sont propres à chaque territoire ultramarin, impliquant de ce fait une attention particulière et distincte pour chacun dès lors qu’il s’agit d’y décliner des dispositions législatives ou règlementaires adoptées sous un prisme bien souvent hexagonal.

Dans une circulaire du 21 avril 1988, Jacques Chirac, alors Premier ministre, appelait déjà les administrations centrales à la prise en compte de l’outre‑mer dans l’élaboration de leurs politiques et dans la rédaction des textes législatifs et réglementaires, soulignant qu’il était déjà « encore trop souvent constaté que cette préoccupation est tardive, voire absente, et conduit, uniquement pour des raisons de calendrier ou de procédure, à différer l’application de certains textes outremer et, par conséquent, à accentuer des différences non justifiées entre la métropole et les DOMTOM ».

Le 15 juin 1990, une seconde circulaire appelait à nouveau ces administrations à « associer suffisamment tôt le ministère des départements et territoires d’outremer aux travaux préparatoires des textes pour qu’il puisse apprécier, en droit et en opportunité, leur applicabilité aux territoires d’outremer ».

Nul ne pourra contester que nombre de parlementaires hexagonaux ne sont pas familiers de la summa divisio traditionnelle entre les territoires soumis à l’assimilation législative et statutaire de l’article 73 de la Constitution et ceux soumis à la différenciation législative et statutaire de l’article 74 ([15]).

La Guyane, Mayotte, la Guadeloupe, la Martinique, et la Réunion sont ainsi des départements et régions d’outre‑mer (DROM), placés sous le régime de l’identité législative prévu par l’article 73 de la Constitution, qui indique que les lois et règlements y sont applicables de plein droit mais peuvent faire l’objet d’adaptations compte tenu des « caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités », ce qui implique des dispositions dérogatoires ponctuelles.

Saint‑Barthélemy, Saint‑Martin, Wallis et Futuna, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et la Polynésie française sont des collectivités d’outre‑mer (COM), régies par l’article 74 de la Constitution qui met en place un principe de spécialité législative, les lois et règlements n’étant applicables que sur mention expresse, mises à part les lois dites de souveraineté.

Il faut ajouter à ces catégories juridiques celle de la Nouvelle‑Calédonie, qui est une collectivité sui generis, disposant en conséquence d’un statut particulier relevant du titre XIII de la Constitution.

Par ailleurs, au‑delà de ces catégories juridiques communes, chaque territoire bénéficie d’un statut qui lui est propre, car ni le principe d’identité législative ni celui de spécialité législative n’ont été conçus de façon absolue, entretenant un certain flou et une complexité certaine vis‑à‑vis de la notion d’outre‑mer en tant que catégorie sociale, administrative et politique.

Ainsi, si le législateur est en mesure d’adapter les lois, en définissant pour les départements et régions d’outre‑mer des règles qui se substituent ou qui s’ajoutent aux dispositions législatives de droit commun, il est pourtant fréquent, voire usuel, que les textes – qu’ils soient d’initiative parlementaire ou gouvernementale – omettent de prévoir les adaptations nécessaires à la spécificité des territoires ultramarins.

Les conséquences directes de cette omission ont été largement documentées, pointées et rappelées : non seulement elles privent la représentation nationale d’un véritable débat et d’une prise en compte à part entière des outre‑mer dans la réflexion nationale, mais elles contribuent également à différer dans le temps l’application des mesures ([16]).

À l’heure d’une progression des velléités autonomistes des territoires, notamment ultramarins, l’instauration d’une logique d’anticipation parlementaire semblerait une réponse adaptée aux revendications locales pour une maitrise accrue des politiques publiques déclinées localement.

Car l’effectivité du principe d’égalité devant la loi, et donc l’applicabilité de cette dernière, ne peut se mesurer qu’à l’aune de situations comparables :

À l’échelle ultramarine, citons les économies locales encore profondément déséquilibrées des territoires dits d’outre‑mer, les indicateurs socioéconomiques alarmants ainsi que les risques de déstabilisation sociale qui découlent d’un sentiment vivace de déclassement et d’injustice et qui nous invitent à reconnaître la persistance d’une société française à deux vitesses, l’une hexagonale, l’autre ultramarine.

À l’échelle nationale, reprenons l’exemple du dispositif ZAN, pour zéro artificialisation nette, qui a suscité de nombreuses inquiétudes chez les élus locaux, qui a engendré des tensions entre territoires, ceux ayant fait preuve de sobriété foncière pointant un déséquilibre territorial face à ceux ayant pu développer des projets d’aménagement, et qui a nécessité de nombreuses révisions et assouplissements législatifs faute de concertation préalable, laquelle aurait pu permettre l’élaboration d’une loi consensuelle car conforme aux attentes et réalités territoriales diverses.

Il nous incombe, en conséquence, de travailler à réduire les incompréhensions mutuelles et à remédier collectivement à l’inefficience de dispositifs juridiques et de politiques publiques inadaptées, et ce dès leur conception.

Érigeons ainsi un Parlement où les différences « se rencontrent, s’ajustent, s’opposent, s’accordent et produisent de l’imprévisible » ([17]).

Les outils qui permettraient de bâtir un nouveau discours autour de la revalorisation du local et de donner davantage de corps au principe d’ « organisation décentralisée de la République » sont d’ores‑et‑déjà à notre disposition, il ne tient qu’à nous de nous en saisir pleinement.

Car notre Parlement, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, dispose de commissions permanentes, ces « organes constitués dans chaque chambre, composés généralement d’un nombre restreint de ses membres, choisis à raison d’une compétence présumée, et chargés en principe de préparer son travail, normalement, en lui présentant un rapport » ([18]).

Véritable « pivot du travail parlementaire », à la fonction essentielle dans la préparation des lois, les travaux menés par les commissions permanentes constituent en effet un apport majeur à l’élaboration de la loi, et ce d’autant plus depuis que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a permis que les textes débattus en séance publique soient ceux issus des travaux des commissions.

Ainsi, la discussion d’un projet de loi en séance publique s’engage désormais, sauf exceptions, sur celui élaboré par la commission parlementaire saisie, et non comme auparavant sur le texte du Gouvernement.

Dans sa version actuelle, le premier alinéa de l’article 43 de la Constitution dispose que « les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à l’une des commissions permanentes dont le nombre est limité à huit dans chaque assemblée ». La réforme constitutionnelle de 2008 a également permis de faire passer le nombre de commissions autorisées, autrefois limité à six dans chaque assemblée, à huit.

Son deuxième alinéa dispose quant à lui qu’ « à la demande du Gouvernement ou de l’assemblée qui en est saisie, les projets ou propositions de loi sont envoyés pour examen à une commission spécialement désignée à cet effet ».

L’objet de cette proposition de loi constitutionnelle est donc de modifier la rédaction de l’article 43 de la Constitution afin de doter chaque assemblée d’une commission supplémentaire, sans porter préjudice à celles déjà existantes, tournée vers les dispositions affectant spécifiquement les collectivités territoriales et les outre‑mer au sein des projets et propositions de lois présentés devant chaque assemblée.

La modification constitutionnelle visant à limiter à neuf et non plus à huit le nombre de commissions permanentes pouvant être instituées au sein de chacune des chambres du Parlement concerne plus particulièrement l’Assemblée nationale, qui dispose de huit commissions permanentes en place, tandis que sept commissions permanentes le sont au Sénat.

Dans la mesure où l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires précise en son article 5 que « le règlement de chaque assemblée parlementaire fixe la composition et le mode de désignation des membres des commissions mentionnées à l’article 43 de la Constitution ainsi que les règles de leur fonctionnement », la présente proposition de loi constitutionnelle devra être suivie d’une proposition de résolution visant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale. Une modification similaire devra être portée au sein du Règlement du Sénat.

À l’heure actuelle, en vertu de l’article 38 du Règlement de l’Assemblée nationale et de l’article 7 du Règlement du Sénat, chaque député et chaque sénateur ne peut être membre que d’une seule commission permanente.

L’article 36 du Règlement de l’Assemblée nationale et le même article 7 du Règlement du Sénat fixent la dénomination et les compétences des commissions permanentes, et devront également être modifiés en conséquence : la répartition des députés et des sénateurs s’effectue actuellement entre les différentes commissions permanentes en place, qui s’établissent au nombre de huit à l’Assemblée nationale et sept au Sénat. La création d’une commission supplémentaire entraînera nécessairement un réajustement de la répartition des 577 députés au sein non plus de huit mais de neuf commissions, et des 347 sénateurs (l’article 7 du Règlement du Sénat précisant que le Président du Sénat n’est membre d’aucune commission permanente) au sein de huit commissions, et non plus sept.

Ainsi, en début de législature, puis chaque année au début de la session ordinaire à l’Assemblée nationale et après chaque renouvellement partiel au Sénat, la chambre haute et la chambre basse nommeraient, sur la base de la représentation proportionnelle des groupes politiques et sur proposition des présidents de ces groupes, les membres de cette commission. À l’instar des commissions permanentes en place, elles désigneraient, pour la diriger, un bureau composé d’un président, de vice‑présidents et de secrétaires.

Naturellement, cette commission pourrait se saisir pour avis, de manière à laisser à ses membres la liberté de se prononcer sur tout ou partie d’un texte renvoyé au fond à une autre commission permanente. Elle serait toutefois saisie au fond dès lors qu’un projet ou une proposition de loi relèvera de son champ de compétence, qui sera défini, pour la chambre basse, au sein de l’article 36 du Règlement de l’Assemblée nationale.

Ces dispositions lui permettront, qu’elle soit saisie au fond ou pour avis, de nommer un rapporteur parmi ses membres, permettant à ce dernier de mener non seulement une mission d’expertise et des auditions sur les implications concrètes pour les collectivités territoriales, hexagonales comme ultramarines, des modifications législatives envisagées, mais également de porter des amendements qui seront présentés devant la commission saisie au fond.

L’instauration d’une telle commission permettrait, dès lors, non seulement d’anticiper l’impact des normes sur les collectivités territoriales et de s’assurer du respect du principe de libre administration des collectivités, mais également d’enclencher une démarche vertueuse de sensibilisation, de vulgarisation et d’acculturation de l’ensemble de la représentation nationales aux enjeux ultramarins.

Il est donc proposé, par la présente proposition de loi constitutionnelle, d’instituer par le biais d’une révision constitutionnelle une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre‑mer, au sens de l’article 43 de la Constitution.

 


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PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

L’article 43 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « neuf » ;

2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Au sein de chaque assemblée parlementaire est instituée, parmi les commissions permanentes au sens du précédent alinéa, une commission permanente aux collectivités territoriales et aux outre‑mer. »

 

 


([1])  Conseil Constitutionnel, DC n° 2021‑816 DC du 15 avril 2021

([2]) Loi constitutionnelle n° 2003‑276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République

([3]) François Mitterrand, Conseil des ministres, 15 juillet 1981

([4])  Loi n° 201458 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles

([5])  Loi n° 2022217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale

([6])  Article L111131 du code général des collectivités territoriales

([7])  La loi n° 2015. 991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République

([8])  Epstein, Renaud. « La gouvernance territoriale : une affaire d’État La dimension verticale de la construction de l’action collective dans les territoires », L’Année sociologique, vol. 65, no. 2, 2015, pp. 457482.

([9])  Ibid

([10])  Ibid

([11])  Rapport du Groupe de travail du Sénat sur la décentralisation, Libre administration, simplification, libertés locales : 15 propositions pour rendre aux élus locaux leurs « pouvoir d’agir », 6 juillet 2023

([12])  Cour des comptes, La décentralisation 40 ans après : un élan à retrouver, mars 2023

([13]) Concernant les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution, il est ainsi prévu dès 1958 que les lois et règlements puissent faire l’objet d’adaptations tenant aux « caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités ». L’article 73 prévoit également depuis 2003, que « pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées, selon le cas, par la loi ou par le règlement, à fixer ellesmêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi ou du règlement ».

([14]) Sénat, rapport d’information, L’évolution institutionnelle des outremer, 16 février 2023

([15])  L’article 74 de la Constitution prévoit que les collectivités d’outre‑mer concernées sont dotées d’un statut, fixé par une loi organique, qui détermine les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables. Ainsi, tandis que l’article 7 de la loi organique du 27 février 2004 affirme que « sont applicables en Polynésie française les dispositions législatives et réglementaires qui comportent une mention expresse à cette fin », les dispositions relatives à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon, Saint‑Martin et Saint‑Barthélemy prévoient que les lois et règlements, à quelques exceptions près, y sont applicables de plein droit, introduisant ainsi une forme de retour à l’identité législative sur des territoires pourtant régis par l’article 74 de la Constitution consacrant le principe de spécialité législative.

([16])  Sénat, rapport d’information n° 713, Différenciation territoriale outremer : quel cadre pour le surmesure ? septembre 2020.

([17])  Édouard Glissant, Poétique de la Relation, Paris, Gallimard, 1990.

([18])  Joseph Barthélémy, Essai sur le travail parlementaire et le système des commissions, 1931.