– 1 –

N° 2494

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à exclure définitivement des établissements ordinaires les élèves convaincus de menées islamistes,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Roger CHUDEAU, M. Franck ALLISIO, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, M. Christophe BARTHÈS, M. José BEAURAIN, M. Pierrick BERTELOOT, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Sophie BLANC, Mme Pascale BORDES, M. Frédéric CABROLIER, M. Sébastien CHENU, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Annick COUSIN, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, Mme Edwige DIAZ, M. Nicolas DRAGON, Mme Christine ENGRAND, M. Frédéric FALCON, M. Thibaut FRANÇOIS, M. Thierry FRAPPÉ, Mme Stéphanie GALZY, M. Frank GILETTI, M. Yoann GILLET, Mme Florence GOULET, Mme Géraldine GRANGIER, M. Daniel GRENON, M. Michel GUINIOT, Mme Marine HAMELET, Mme Catherine JAOUEN, M. Alexis JOLLY, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Gisèle LELOUIS, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Philippe LOTTIAUX, M. Alexandre LOUBET, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, M. Bryan MASSON, M. Kévin MAUVIEUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Joëlle MÉLIN, Mme Yaël MENACHE, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Serge MULLER, M. Julien ODOUL, Mme Mathilde PARIS, Mme Caroline PARMENTIER, M. Kévin PFEFFER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Anaïs SABATINI, M. Emeric SALMON, M. Michaël TAVERNE, M. Antoine VILLEDIEU, M. Romain BAUBRY, M. Jorys BOVET, M. Victor CATTEAU, M. Pierre MEURIN,

députés.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’école de la République fait l’objet, depuis des décennies, d’attaques systématiques de la part de l’islamisme radical, frériste, wahhabite et salafiste.

Pour ces franges extrêmes – mais non marginales – de l’islam, le principe de laïcité, la vérité scientifique, les humanités occidentales enseignées dans nos écoles et établissement scolaires publics sont « haram », c’est‑à‑dire impurs et contraires aux préceptes de l’islam.

La loi n° 2004‑228 du 15 mars 2004 « encadrant en vertu du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics » n’a pas réussi à endiguer la pénétration de l’islamisme radical dans les établissements scolaires.

Ni la circulaire du 31 août 2023 sur l’interdiction des abayas, ni la mise en place dans les rectorats de « référents laïcité » et de structures d’aides aux personnels et aux établissements en cas d’atteinte à la laïcité n’ont produit quelque reflux de l’islamisme que ce soit.

Les notes du Service central du renseignement territorial (SCRT) du ministère de l’intérieur datant d’octobre 2022, et celles du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation datant d’août 2022, font état de campagnes orchestrées et systématiques de contestation des règles et des enseignements de l’école de la République. Ces campagnes relayées dans les réseaux sociaux par des influenceurs identifiés sont généralement d’origine frériste.

Ces contestations s’exercent dans tous les domaines : vestimentaire, alimentaire (imposition progressive de l’alimentation « hallal »), comportemental (Ramadan), politique (antisionisme et antisémitisme assumés et proclamés), en termes de refus de la mixité (en EPS notamment), refus de certains enseignements : musique, histoire, philosophie, science (montée du créationnisme), refus du principe même de laïcité considéré comme « islamophobe » etc.

Les assassinats de Samuel PATY et de Dominique BERNARD ont montré que l’islamisme radical entend terroriser la communauté éducative. Les ingérences islamistes dans la vie des établissements et dans les cours ont donc pu se développer en raison du climat de peur et de l’angoisse suscités par ces crimes.

Cette stratégie s’avère payante pour l’islamisme radical et le séparatisme.

Cela ressort de nombreux témoignages, études et ouvrages qui illustrent le phénomène de mise sous emprise de l’école de la République : Jean‑Pierre OBIN, Les profs ont peur ([1]), Bernard ROUGIER, Les territoires conquis de l’islamisme ([2]) et Bernard RAVET, Principal de collège ou Imam de la République ? ([3]).

Trois études de l’IFOP – « Les Enseignants du public et la laïcité » pour le CNAL du mai 2018 ([4]) ; « Les enseignants de France face aux contestations de la laïcité et au séparatisme », pour la Fondation Jean‑Jaurès en janvier 2021 ([5]) ; « Les enseignants face à l’expression du fait religieux à l’école et aux atteintes à la laïcité », pour Écran de veille de décembre 2022 ([6]) – décrivent avec précision la montée du phénomène, son caractère viral qui lui fait quitter les établissements situés dans des quartiers prioritaires de la ville (QPV) où s’exerce pesamment le séparatisme islamiste, pour toucher désormais pratiquement tous les établissements publics. Ces études insistent sur deux points très préoccupants pour la qualité et la crédibilité du service public d’éducation.

En premier lieu, les remontées de signalements ne sont pas sincères et ne reflètent pas la réalité. Selon l’inspecteur général de l’Éducation nationale honoraire Jean‑Pierre OBIN, il faut multiplier les chiffres officiels du ministère par un facteur 100 pour approcher la vérité : 250 000 professeurs sur 820 000 ont été l’objet de contestation de leur cours sur des bases religieuses islamistes.

En second lieu, il s’ensuit qu’une majorité de professeurs notamment en EPS, en histoire et en enseignement moral et civique préfère s’autocensurer, c’est‑à‑dire ne pas enseigner des parties entières des programmes plutôt que de s’exposer à des menaces, représailles ou agressions physiques.

Ces graves atteintes au bon déroulement des cours, à l’enseignement des programmes des disciplines académiques, à la sérénité de la vie scolaire sont le fait d’élèves parfaitement identifiés dans les collèges et les lycées publics.

Ces élèves, dans certains cas, font quasi profession de perturber voire d’empêcher le service public d’éducation : sanctionnés par application du règlement intérieur de l’établissement, traduits parfois en conseil de discipline, exclus temporairement ou définitivement de l’établissement, ils sont souvent multirécidivistes.

Les dispositions législatives actuelles contraignent les autorités académiques à réaffecter dans un établissement public les élèves de moins de 16 ans concernés par l’obligation d’instruction. Pour les élèves plus âgés (jusqu’à 18 ans), l’obligation de formation incite les autorités académiques à prononcer là encore une réaffectation. Ces élèves peuvent ainsi, au bénéfice de dispositions protectrices, perturber successivement plusieurs établissements publics.

L’objet de la présente proposition de loi est d’écarter définitivement ces élèves des établissements ordinaires du service public de l’enseignement.

Il s’agit ainsi à la fois de protéger celui‑ci, de garantir un retour à la sérénité indispensable à l’action éducative et de sanctionner par une mesure à la fois symbolique et administrative, l’élève qui refuse radicalement, malgré la patience et la bienveillance éducative de l’institution scolaire, de respecter celle‑ci et les principes qui la fondent.

Les élèves concernés par l’application de la présente loi seront affectés définitivement à l’issue d’une procédure académique assurée par le recteur d’académie dans un établissement spécialisé de statut départemental appelé Centre de réinsertion et d’orientation scolaires (CROS).

Ces établissements réuniront administrativement l’ensemble des classes, ateliers et dispositifs relais ainsi que les internats tremplin existant dans le département.

Destinés à accueillir des élèves âgés de 11 à 16 ans, ils offriront à ceux‑ci un enseignement fondamental renforcé et une formation préprofessionnelle débouchant sur des formations professionnelles en lien avec le tissu des organismes de formation professionnelle de leur académie.

L’objectif étant de permettre à ces élèves de trouver à s’insérer dans la société par le travail scolaire et par une orientation vers la formation professionnelle.

*

L’article 1er de la présente proposition de loi prévoit la création, dans chaque département, d’établissements publics locaux d’enseignement appelés « centres de réinsertion et d’orientation scolaires » (CROS) regroupant l’ensemble des dispositifs relais départementaux et destinés à scolariser les élèves radicalisés, perturbateurs récidivistes de l’action éducative. L’organisation, les enseignements, les cursus, le règlement intérieur de ces établissements sont définis par décret.

Il prévoit que les élèves âgés de 11 à 16 ans, ayant fait l’objet d’au moins deux exclusions à titre définitif de leur établissement en raison d’atteintes répétées à la laïcité, seront traduits en cas de récidive, devant un conseil de discipline académique présidé par le recteur. Le recteur peut, à l’issue de ce conseil de discipline prononcer l’affectation définitive de ces élèves dans un Centre de réinsertion et d’orientation scolaires, où ils achèveront leur scolarité obligatoire et pourront être orientés vers une formation professionnelle.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Le titre IV du livre Ier de la première partie du code de l’éducation est complété par un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Protection de l’enseignement public vis-à-vis des élèves radicalisés

« Art. L. 142-1. – Au moins un établissement public local d’enseignement dénommé « centre de réinsertion et d’orientation scolaires » est créé dans chaque département.

« Il regroupe l’ensemble des dispositifs relais départementaux destinés à scolariser les élèves radicalisés mentionnés à l’article L. 142-2. Il offre à ceux-ci un enseignement fondamental renforcé et une formation préprofessionnelle débouchant sur des formations professionnelles en lien avec le tissu des organismes de formation professionnelle de leur académie.

« Ses modalités de fonctionnement sont fixées par décret. 

« Art. L. 142-2. – Lorsqu’une sanction d’exclusion définitive est prononcée pour la troisième fois par un conseil de discipline en raison d’atteintes répétées à la laïcité à l’encontre d’un élève soumis à l’obligation scolaire, le recteur ou le directeur académique des services de l’éducation nationale agissant sur délégation du recteur d’académie, selon le cas, en est immédiatement informé et convoque un conseil de discipline académique dont la composition est définie par décret. Celui-ci peut, compte tenu des circonstances ayant conduit à l’exclusion définitive de l’élève et des besoins spécifiques de ce dernier, procéder à son inscription au sein d’un centre de réinsertion et d’orientation scolaires.

« L’élève y achève sa scolarité obligatoire. »

Article 2

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 

 


([1])  Jean‑Pierre OBIN, Les profs ont peur, Paris, Éditions de l’Observatoire, 2023.

([2])  Bernard ROUGIER, Les territoires conquis de l’islamisme, Paris, J’ai lu, 2022.

([3])  Bernard RAVET, Principal de collège ou imam de la république ?, Paris, Kero, 2017.

([4]) https ://www.ifop.com/wpcontent/uploads/2023/06/119627
Presentation.pdf

([5]) https ://www.jeanjaures.org/publication/lesenseignantsdefranceface
auxcontestationsdelalaiciteetauseparatisme/

([6]) https ://www.ifop.com/publication/lesenseignantsfacealexpression
dufaitreligieuxalecoleetauxatteintesalalaicite/