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N° 2501

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à mettre en adéquation l’article 55 de la loi2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains avec les enjeux actuels,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Franck ALLISIO, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, M. Christophe BARTHÈS, M. Romain BAUBRY, M. José BEAURAIN, M. Christophe BENTZ, M. Pierrick BERTELOOT, Mme Véronique BESSE, M. Bruno BILDE, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric BOCCALETTI, M. Jorys BOVET, M. Jérôme BUISSON, M. Frédéric CABROLIER, M. Victor CATTEAU, M. Sébastien CHENU, M. Roger CHUDEAU, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Annick COUSIN, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Edwige DIAZ, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Nicolas DRAGON, M. Nicolas DUPONT-AIGNAN, Mme Christine ENGRAND, M. Frédéric FALCON, M. Grégoire DE FOURNAS, M. Thierry FRAPPÉ, M. Frank GILETTI, M. Yoann GILLET, M. Christian GIRARD, M. José GONZALEZ, Mme Florence GOULET, Mme Géraldine GRANGIER, M. Daniel GRENON, Mme Marine HAMELET, M. Laurent JACOBELLI, Mme Catherine JAOUEN, M. Alexis JOLLY, Mme Laure LAVALETTE, Mme Julie LECHANTEUX, Mme Gisèle LELOUIS, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, Mme Christine LOIR, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, M. Philippe LOTTIAUX, M. Alexandre LOUBET, Mme Alexandra MASSON, M. Kévin MAUVIEUX, M. Nicolas MEIZONNET, Mme Joëlle MÉLIN, M. Thomas MÉNAGÉ, M. Serge MULLER, M. Julien ODOUL, Mme Mathilde PARIS, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Angélique RANC, M. Julien RANCOULE, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, Mme Béatrice ROULLAUD, Mme Anaïs SABATINI, M. Alexandre SABATOU, M. Emeric SALMON, M. Philippe SCHRECK, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Jean-Philippe TANGUY, M. Michaël TAVERNE, M. Lionel TIVOLI, M. Antoine VILLEDIEU,

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis la promulgation de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) en décembre 2000, près de la moitié des deux millions de logements sociaux construits en France l’ont été dans des communes dites déficitaires, au sens de cette même loi.

Ainsi, au cours des six premières périodes triennales (de 2002 à 2019), les objectifs nationaux de construction de logements sociaux ont systématiquement été plus que réalisés, avec des taux de réalisation atteignant par exemple jusqu’à 164 % entre 2008 et 2010. De fait, il est indéniable que durant ces vingt premières années, la loi SRU a rempli son objectif en matière de production de logements sociaux.

Or, au cours de la dernière période triennale, de 2020 à 2022, pour la première fois l’objectif national de 278 177 logements construits n’a non seulement pas été rempli, mais il ne l’a même été qu’aux deux tiers (avec 186 124 logements construits, soit 66,9 % de l’objectif). De fait, nous constatons un essoufflement très important puisqu’au cours de cette période, seulement 47 % des communes ont atteint leur objectif, contre par exemple 64 % lors de la période précédente. Dans certaines régions, ce taux de communes n’ayant pas atteint l’objectif est très important, avec par exemple 95 % en Provence‑Alpes‑Côte‑D’azur, mais aussi près de 80 % en Bourgogne‑Franche‑Comté, en Occitanie, dans les Pays de la Loire et en Nouvelle‑Aquitaine.

Aujourd’hui, le modèle la loi SRU semble atteindre ses limites, et ce pour plusieurs raisons principales.

– Premièrement, nombre de communes se trouvent en réalité dans l’impossibilité matérielle de construire de nouveaux logements sociaux du fait du manque de foncier disponible. C’est par exemple le cas de la commune de Mandelieu‑la‑Napoule dans les Alpes‑Maritimes, qui du fait des risques naturels ne dispose pas d’assez de foncier, et qui malgré cela a vu son amende doubler, passant de 800 000 euros à 1,6 million d’euros cette année. Pour ces communes, les amendes pèsent lourdement et injustement sur leurs budgets ;

– Deuxièmement, cette logique de stock contraint les communes à urbaniser sans cesse, et donc à rogner sur des espaces naturels ou sur des terres agricoles, ce qui est en contradiction flagrante avec l’objectif zéro artificialisation nette (ZAN) ;

– Troisièmement, le nombre de communes exemptées est conséquent (224 sur les 2 091 concernées par la loi SRU, soit 10,7 %) ;

– Enfin, parmi les 1 100 communes déficitaires à ce jour, 469 (42,6 %) ont été exemptées d’amende.

Se pose donc une question d’équilibre entre les besoins de production de logements sociaux, la prise en compte des réalités locales et la volonté légitime de ne pas dénaturer les communes par une urbanisation à grande vitesse et donc de préserver les espaces naturels et agricoles. Afin de réformer efficacement la loi SRU, des modifications symboliques consistant par exemple à abaisser le taux cible de 25 % (ou 20 % dans certaines communes) de logements sociaux, la multiplication des situations permettant d’obtenir des exemptions, la prise en compte de nouveaux types de logements au sein du taux cible ou encore la modification des montants des amendes infligées, n’apporteraient pas de réponse durable et significative aux problèmes inhérents du texte.

Aussi, la présente proposition de loi vise quant à elle à modifier la philosophie générale de la loi SRU. En ce sens, l’article 1er propose d’abandonner la logique de stock afin d’y préférer une logique de flux dans les petites communes et les communes de taille moyenne et intermédiaire. En reprenant le mécanisme qui existe déjà pour les communes exemptées de l’application de la loi SRU, il est proposé que dans les communes de moins de 75 000 habitants, le taux cible de 25 % de logements sociaux soit remplacé par un taux minimal obligatoire de 25 % de logements sociaux au sein des projets immobiliers neufs de plus de 12 logements ou de plus de 800 m2 de surface habitable. Pour les communes au‑delà de 75 000 habitants, les dispositions actuelles ne sont pas modifiées. Ce mécanisme permettrait tout à la fois de poursuivre la logique de production de logements sociaux, tout en permettant aux communes qui souhaiteraient limiter leur développement, ou qui se trouveraient contraintes par le manque de foncier disponible, de ne pas être pénalisées financièrement pour cela.

Enfin, la présente proposition de loi entend réinscrire le logement social dans un parcours résidentiel dont il serait une étape et dont l’aboutissement doit être l’accès à la propriété. Meilleur rempart contre la précarité, l’accès à la propriété doit être un objectif des politiques publiques. Pour y contribuer, l’article 2 entend introduire un dispositif s’adressant aux communes dont le taux de logements sociaux dépasse les 50 %. Dans ces communes, la construction de nouveaux logements sociaux ne sera désormais autorisée qu’à condition que ceux‑ci soient exclusivement destinés à faire l’objet d’un contrat de location‑accession à la propriété, défini par la loi n° 84‑595 du 12 juillet 1984. En outre, dans ces mêmes communes, le représentant de l’État fixera tous les trois ans un objectif de nombre de logements sociaux déjà existants devant faire l’objet d’un contrat de location‑accession à la propriété afin de ramener progressivement le taux de logements sociaux dans la commune à 50 %.

 

 


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proposition de loi

Article 1er

La section 2 du chapitre II du titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifiée :

1° L’article L. 302‑5 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du III ter, après le mot : « communes », sont insérés les mots : « dont la population est au moins égale à 75 000 habitants » et, après la référence : « 2° du III », sont insérés les mots : « ainsi que dans les communes mentionnées au I, dont la population est inférieure à 75 000 habitants et qui ne sont pas situées dans une agglomération ou un établissement public mentionnés au 2° du III, » ;

b) Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont assimilés aux logements sociaux mentionnés au présent article les établissements pénitentiaires, dans des conditions fixées par décret. » ;

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 302‑7, après la première occurrence de la référence : « L. 302‑5 », sont insérés les mots : « dont la population est au moins égale à 75 000 habitants » ;

3° L’article L. 302‑8 est complété par un XI ainsi rédigé :

« XI. – Le présent article ne s’applique qu’aux communes mentionnées à l’article L. 305‑2 et dont la population est au moins égale à 75 000 habitants » ;

4° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 302‑9‑1, après la référence : « L. 302‑5 », sont insérés les mots : « et dont la population est au moins égale à 75 000 habitants ».

Article 2

Après l’article L. 302‑5 du code de la construction et de l’habitation, il est inséré un article L. 302‑5‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 30251. – I. – Dans les communes où le nombre total de logements locatifs sociaux, tels que définis au IV de l’article L. 302‑5, représente plus de 50 % des résidences principales, la construction de nouveaux logements sociaux mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 6° du IV du même article L. 302‑5 n’est autorisée qu’à condition que ceux‑ci soient exclusivement destinés à faire l’objet d’un contrat de location‑accession conclu dans les conditions prévues par la loi n° 84‑595 du 12 juillet 1984 définissant la location‑accession à la propriété immobilière.

« II. – Dans les communes mentionnées au I, afin d’atteindre le taux mentionné au même I, le représentant de l’État dans le département notifie à la commune et aux personnes physiques et morales propriétaires de logements sociaux mentionnés aux 1°, 2°, 3° et 6° du IV de l’article L. 302‑5 un objectif de signature de contrats de location‑accession conclus dans les conditions prévues par la loi n° 84‑595 du 12 juillet 1984 définissant la location‑accession à la propriété immobilière et portant sur des logements existants. »