N° 2502

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à désengorger les services d’urgence hospitaliers par la création d’un statut d’urgences de proximité,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Philippe JUVIN, M. Thibault BAZIN, M. Yannick NEUDER, M. Stéphane VIRY, M. Éric CIOTTI, Mme Sylvie BONNET, Mme Justine GRUET, M. Patrick HETZEL, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, Mme Émilie BONNIVARD, M. Ian BOUCARD, M. Hubert BRIGAND, M. Pierre CORDIER, Mme Christelle D’INTORNI, M. Julien DIVE, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Nicolas FORISSIER, Mme Annie GENEVARD, M. Meyer HABIB, M. Michel HERBILLON, M. Mansour KAMARDINE, Mme Véronique LOUWAGIE, M. Maxime MINOT, M. Éric PAUGET, Mme Isabelle PÉRIGAULT, Mme Christelle PETEX, M. Nicolas RAY, Mme Nathalie SERRE, M. Jean-Pierre VIGIER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Alors que le nombre de passages aux urgences avoisine les 22 millions chaque année (on en comptait 10,1 millions en 1996), l’engorgement de certains services d’urgence augmente les risques de mortalité pour les patients. Les conséquences sont dramatiques : nuits passées sur des brancards, retards de prise en charge, décès aux urgences…

Les causes de cet engorgement sont multiples (besoin en personnel, sous‑investissement, collaboration avec la médecine de ville, etc…), les réponses doivent donc également être diversifiées.

Les centres de soins non programmés (CSNP) qui se développent rapidement sur le territoire français peuvent être des réponses à cet engorgement des services d’urgence hospitaliers. Il s’agit de structures intermédiaires, entre le médecin traitant et les urgences hospitalières, qui permettent « la prise en charge de pathologies nécessitant un plateau technique (matériel de suture et d’immobilisation, biologie, imagerie médicale, médecine de spécialité) ».

Une Fédération française des centres de soins non programmés (FFCSNP) s’est créée en 2022 pour rassembler ces « nouvelles » structures de santé. Elle rassemble 43 centres, plus de 190 soignants, pour 820 000 patients pris en charge chaque année.

Ces centres, aux résultats positifs sur la fréquentation des services d’urgence hospitaliers dans les communes qui en possèdent, sont gérés par des professionnels de santé libéraux. Il existe plusieurs freins au développement des centres de soins non programmés, comme nous les connaissons actuellement.

La présente proposition de loi propose de donner un statut à ces centres, en leur donnant l’appellation plus explicite de « centres d’urgences de proximité », et en les libérant de contraintes administratives qui pèsent aujourd’hui sur eux.

L’article 1 prévoit d’introduire dans la loi la définition des soins non programmés pour préciser qu’elle relève de la médecine générale lorsque le pronostic vital du patient n’est pas engagé.

L’article 2 crée le statut de « centre d’urgences de proximité », pour encadrer les centres de soins non programmés qui se multiplient dans le pays. Pour leur permettre de se développer pleinement, cet article inclut que :

– les centres d’urgences de proximité viennent en complément de l’action des établissements publics hospitaliers, car ils contribuent au désengorgement des services d’urgence ;

– la notion de compérage ne peut s’appliquer aux centres d’urgences de proximité, car la coexistence d’un médecin libéral et d’une infirmière libérale travaillant côte à côte peut répondre à cette définition ;

– les médecins libéraux opérant au sein de ces centres peuvent, par dérogation, prescrire certains médicaments à usage hospitalier ;

– ces centres font l’objet d’une signalétique spécifique, destinée à les distinguer clairement des services d’urgence dans les hôpitaux dont les caractéristiques sont déterminées par voie réglementaire.

L’article 3 permet d’inscrire dans la loi que les centres d’urgences de proximité peuvent être des lieux de stage pour les étudiants du deuxième et troisième cycle des études de médecine. C’est un moyen de faire venir les jeunes médecins sur les territoires et d’améliorer l’accès aux soins.

L’article 4 propose d’exclure des mesures de limitation de l’accès au conventionnement les infirmiers diplômés d’État exerçant exclusivement dans un centre d’urgences de proximité. Cet article s’inspire de la proposition de loi de M. le Député Thibault Bazin n° 1430 visant à faciliter le développement des centres de soins non programmés.

L’article 5 donne la possibilité aux centres d’urgences de proximité d’avoir recours à la biologie délocalisée.

L’article 6 vise à assurer la recevabilité financière de la présente proposition de loi.

 


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proposition de loi

Article 1er

Après l’article L. 6311‑1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6311‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 631111. – L’accueil pour soins non programmés a pour objet :

« 1° De faire assurer les soins non programmés relevant de la médecine générale lorsque le pronostic vital du patient n’est pas engagé ;

« 2° Éventuellement, de caractériser l’état du patient par un avis obtenu auprès d’un médecin spécialiste, le cas échéant en recourant à la pratique de la télémédecine mentionnée à l’article L. 6316‑1 ;

« 3° Si nécessaire, d’orienter le patient vers un service d’urgence ou un service spécialisé pouvant délivrer les soins appropriés à son état.

« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

Article 2

Après l’article L. 6323‑1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 6323‑1‑1 A ainsi rédigé :

« Art. 632311 A. – Les centres d’urgences de proximité sont des structures sanitaires de proximité, dédiés à l’accueil pour les soins non programmés tels que définis à l’article L. 6311‑1 du code de la santé publique et pratiquant à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins. Ils assurent, le cas échéant, une prise en charge pluriprofessionnelle, associant des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux.

« Les centres d’urgences de proximité doivent être dotés des moyens de diagnostics radiologiques et biologiques.

« Par dérogation, la notion de compérage ne peut être retenue contre des professionnels de santé exerçant exclusivement dans des centres d’urgences de proximité.

« Par dérogation, les médecins sont autorisés à prescrire des médicaments réservés à l’usage hospitalier.

« Les centres d’urgences de proximité font l’objet d’une signalétique spécifique dont les caractéristiques sont déterminées par voie réglementaire.

« Les modalités d’application du présent article, ainsi que les moyens minimums qui doivent être mis en œuvre dans ces centres sont déterminées par décret en Conseil d’État. »

Article 3

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Après l’avant‑dernier alinéa de l’article L. 632‑1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les centres de santé de proximité tels que définis aux articles L. 6323‑1 et L. 6323‑2 du code de la santé publique doivent pouvoir accueillir en stage les étudiants du deuxième et du troisième cycle des études de médecine. ».

2° Au premier alinéa du II de l’article L. 632‑2, après le mot : « ambulatoire », sont insérés les mots : « , pouvant être des centres de santé de proximité tels que définis aux articles L. 6323‑1 et L. 6323‑1‑1 A du code de la santé publique, ».

Article 4

La sous‑section 3 de la section 3.1 du chapitre 2 du titre VI du livre Ier du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 162‑15‑6 ainsi rédigé :

« Art. L. 162156. – Sont exclus des mesures de limitation de l’accès au conventionnement dans les zones définies au 2° de l’article L. 1434‑4 du code de la santé publique, les infirmiers diplômés d’État exerçant exclusivement dans les centres d’urgences de proximité définies à l’article L. 6112‑3. Les agences régionales de santé sont chargées de contrôler que les infirmiers diplômés d’État bénéficiant des présentes dispositions exercent effectivement de manière exclusive dans un centre d’urgences de proximité. Elles sanctionnent, selon des modalités définies par décret en Conseil d’État, tout manquement à cette obligation. ».

Article 5

Au premier alinéa du II de l’article L. 6211‑18 du code de la santé publique, après le mot : « santé, », sont insérés les mots : « un centre d’urgences de proximité au sens de l’article L. 6323‑1‑1 A et ».

Article 6

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.