– 1 –

N° 2508

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer la proportionnelle intégrale au scrutin législatif,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Bastien LACHAUD, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, Mme Clémentine AUTAIN, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, M. Florian CHAUCHE, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Alexis CORBIÈRE, M. Jean-François COULOMME, Mme Catherine COUTURIER, M. Hendrik DAVI, M. Sébastien DELOGU, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Martine ETIENNE, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, Mme Caroline FIAT, M. Perceval GAILLARD, Mme Raquel GARRIDO, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Mathilde HIGNET, Mme Rachel KEKE, M. Andy KERBRAT, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, Mme Charlotte LEDUC, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, Mme Pascale MARTIN, M. William MARTINET, M. Frédéric MATHIEU, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, Mme Mathilde PANOT, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Adrien QUATENNENS, M. Jean-Hugues RATENON, M. Sébastien ROME, M. François RUFFIN, M. Aurélien SAINTOUL, M. Michel SALA, Mme Danielle SIMONNET, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, M. Léo WALTER,

députés et députées.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi a pour objectif de rétablir le scrutin de liste proportionnel pour les prochaines élections législatives. Le candidat Emmanuel Macron promettait dès 2017 une « dose » de proportionnelle pour ces élections, en 2022 il se disait même ouvert à la proportionnelle intégrale. Cependant, jusqu’à présent le mode d’élection des députés est resté inchangé et ces engagements non tenus ont rejoint les oubliettes du renouveau démocratique tant attendu. 

La crise démocratique s’inscrit aujourd’hui dans le temps, par le fossé qui se creuse entre le peuple et ses représentants. Les citoyens sollicitent pourtant une modification du mode d’élection des députés : dès 2017, plus de sept français sur dix étaient favorables au scrutin proportionnel (enquête BVA/L’Obs), l’année suivante 60 % des Français estimaient que l’introduction de seulement une dose de proportionnelle ne changerait pas grand‑chose sans que davantage de députés ne soient élus selon ce mode (sondage 2018 Opinion Way/Public Sénat), récemment quasiment la majorité des Français interrogés (46 %) estimait que « la représentation proportionnelle permet la plus juste représentation au Parlement des différents courants d’opinion qui existent dans le pays » contre seulement 31 % préférant le mode de scrutin majoritaire et 21 % ne se prononçant pas (sondage septembre 2023 CSA/JDD).

Des voix s’élèvent de nouveau parmi la minorité présidentielle afin de revoir le mode d’élection aux législatives, timidement, seulement pour certains députés des départements les plus peuplés et en continuant d’appliquer le scrutin majoritaire pour la grande majorité. Les résultats en seraient très faibles et on se retrouverait alors dans une situation absurde où il y aurait deux catégories de députés dont l’élection proviendrait de légitimités différentes.

Les députés de La France insoumise ont déposé dès 2021 une proposition de loi plus ambitieuse visant à instaurer la proportionnelle intégrale au scrutin législatif, et ils le reproposent aujourd’hui. L’heure n’est plus à l’hésitation et aux petits pas, il est temps d’avoir le courage politique de proposer une réforme instaurant la proportionnelle intégrale. Les prochaines élections législatives sont dans 3 ans, ce qui laisse le temps pour mettre en œuvre pleinement cette réforme essentielle.

La présente proposition de loi le fait en rétablissant des règles qui ont déjà été appliquées pendant la Ve République. La proportionnelle figurait en effet parmi les engagements de François Mitterrand. La loi du 10 juillet 1985 avait ainsi changé dans ce sens le mode de scrutin. Elle instaurait un scrutin à la proportionnelle sur la base de listes départementales. Ce mode de scrutin a fait ses preuves lors des élections législatives de 1986. Une Assemblée nationale avec une majorité stable était sortie de ces élections. Nous reprenons donc les dispositions de la loi de 1985. 

Le rétablissement dès 1988 du scrutin uninominal à deux tours a depuis privé les Français d’une représentation parlementaire conforme à la diversité de leurs opinions politiques. En 2017, l’alliance entre la République en marche et le Mouvement démocrate avait rassemblé 30 % des voix au premier tour. Ils occupaient pourtant plus de 60 % des sièges de l’Assemblée nationale à l’issue du second. A contrario, la France insoumise avait rassemblé 11 % de voix mais disposait dans cette législature de moins de 3 % des sièges. En 2022, les députés de la coalition Ensemble! ont décroché 42,5 % des sièges alors qu’ils n’ont obtenu que 25,75 % des voix au premier tour, tandis que la Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES) qui devançait les autres forces politiques en regroupant 25,78 % des suffrages n’a obtenu que 23 % des sièges ! Or, si les dernières élections avaient été réalisées au scrutin à la proportionnelle intégrale (à la plus forte moyenne et avec un seuil de 5 % des suffrages exprimés) la NUPES aurait recueilli 183 sièges de députés, devant Ensemble! à 182.

Le Président de la République a toujours fait de la proportionnelle une promesse électorale. Aujourd’hui, de nouveau, il se défile. Au Parlement de se saisir du sujet et de rétablir la proportionnelle, mode de scrutin le plus habituel dans le reste des pays de l’Union européenne, dans les plus brefs délais.

Le mode de scrutin de l’élection législative renforce les traits monarchiques de la cinquième République en empêchant l’existence d’un réel contre‑pouvoir pluraliste. Il participe de la séparation progressive entre le peuple français et ses institutions. Le scrutin majoritaire affaiblit la légitimité des représentants du peuple et contribue à la crise démocratique du fait de citoyens qui se sentent peu ou mal représentés. Ce mode d’élection « réduit et déforme la représentation politique » pour reprendre les mots du constitutionnaliste Dominique Rousseau. L’abstention électorale est au plus haut et pourtant en maintenant le scrutin majoritaire on entretient l’idée d’un vote d’opposition et non d’un vote d’adhésion.

L’élection à la proportionnelle permet au contraire à toutes les expressions politiques de s’exprimer et à toutes les classes sociales d’être représentées. Les employés et ouvriers représentent quasiment la moitié de la population active mais comptent pour 8 fois moins parmi les députés : il n’y a que 8 ouvriers et 26 employés sur les 577 députés soit 6 % du total. Comprendre l’abstentionnisme c’est prendre conscience que ce manque de représentativité des députés alimente la défiance de la population envers les institutions. 

La prochaine échéance électorale en 2027 peut être l’occasion de quelques réformes simples pour rétablir des garanties démocratiques. Le mode de scrutin proportionnel en fait partie. Cela demande de sortir de la stratégie d’évitement permanent du Parlement à laquelle se prêtent les derniers gouvernements, matraquant à coups de 49 alinéa 3 et piétinant la souveraineté populaire. La démocratie n’est pas un concept artificiel, mais bien un système politique qui ne peut s’enraciner que par l’intermédiaire de dispositifs comme le mode de scrutin et le développement d’une culture du consensus. 

Cette proposition de loi est composée d’un article unique :

Celui‑ci modifie dans son 1° l’article L. 123 du code électoral pour le rétablir dans sa version issue de la loi du 10 juillet 1985. Il prévoit que les députés sont élus, dans les départements, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Le département forme une circonscription. À cette version de 1985 est ajoutée une précision pour les députés élus par les Français établis hors de France. Pour ces derniers, le vote a lieu dans une circonscription unique. 

Puis, il réécrit l’article L. 124 du code électoral (2°). Ce dernier est également rétabli dans la version issue de la loi du 10 juillet 1985. Seules sont admises à la répartition des sièges les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Cet article précise également les modalités d’attribution des sièges. À la différence du texte de 1985, en cas d’égalité des suffrages, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d’être proclamés élus, à la place du plus âgé.

L’article L. 125 du code électoral est également modifié (3°) pour prévoir les modalités de répartition des sièges des députés élus dans les départements, dans les collectivités d’outre‑mer régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle‑Calédonie, ainsi que par les Français établis hors de France. 

Enfin, l’article L. 126 du code électoral est abrogé (4°), et sont prévues les modalités de dépôt des candidatures (5°) ainsi que l’interdiction d’être candidat dans plus d’une circonscription électorale ni sur plus d’une liste (6°).

 

 


– 1 –

proposition de loi

Article unique

Le titre II du livre Ier du code électoral est ainsi modifié :

1° L’article L. 123 est ainsi rédigé :

« Art. L. 123. – Les députés sont élus, dans les départements, au scrutin de liste à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel. Le département forme une circonscription.

« Pour les députés élus par les Français établis hors de France, le vote a lieu dans une circonscription unique. »

2° L’article L. 124 est ainsi rédigé :

« Art. L. 124.  Seules sont admises à la répartition des sièges les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. Les sièges sont attribués aux candidats d’après l’ordre de présentation sur chaque liste. Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l’attribution du dernier siège, celui‑ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d’égalité des suffrages, le siège est attribué au plus jeune des candidats susceptibles d’être proclamés élus. »

3° L’article L. 125 est ainsi rédigé :

« Art. L. 125.  Les sièges des députés élus dans les départements sont répartis conformément au tableau n° 1 annexé au présent code.

« Pour la Nouvelle Calédonie et les collectivités d’outre‑mer régies par l’article 74 de la Constitution, les sièges des députés élus sont répartis conformément au tableau n° 1 bis annexé au présent code.

« Les sièges des députés élus par les Français établis hors de France sont répartis conformément au tableau n° 1 ter annexé au présent code.

« La révision de la répartition des sièges a lieu au cours de la première session ordinaire du Parlement qui suit la publication des résultats du recensement général de la population. »

4° L’article L. 126 est abrogé ;

5° Après l’article L. 154, il est inséré un article L. 154‑1 ainsi rédigé :              

« Art. L. 1541.  La déclaration de candidature résulte du dépôt à la préfecture d’une liste comprenant un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir augmenté de deux.

« Elle est faite collectivement pour chaque liste par le candidat tête de liste ou par un mandataire porteur d’un mandat écrit établi par ce candidat.

« La liste déposée comporte la signature de chacun des candidats. Elle indique expressément :

« 1° Le titre de la liste ;

« 2° Les nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession de chacun des candidats. »

6° L’article L. 156 est ainsi rédigé :

« Art. L. 156.  Nul ne peut être candidat dans plus d’une circonscription électorale ni sur plus d’une liste.

« Est nul et non avenu l’enregistrement de listes portant le nom d’une ou plusieurs personnes ayant fait acte de candidature dans une autre circonscription ou figurant sur une autre liste de candidats. »