N° 2541

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 30 avril 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à réduire le déficit de l’État et à améliorer l’équité du système fiscal français,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Benjamin SAINT-HUILE, M. Guy BRICOUT, M. Jean-Louis BRICOUT, Mme Béatrice DESCAMPS, Mme Martine FROGER, M. Stéphane LENORMAND, M. Christophe NAEGELEN, M. Laurent PANIFOUS, M. David TAUPIAC, M. Jean-Luc WARSMANN, M. Max MATHIASIN, M. Bertrand PANCHER, Mme Nathalie BASSIRE,

députés et députées.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La situation des finances publiques est très inquiétante. En 2024, le déficit public devrait descendre à ‑5,5 % du produit intérieur brut et la dette atteindrait 3 200 milliards d’euros. La structure de ce déficit et de cette dette révèle que cette dégradation des comptes est principalement due au budget de l’État.

Dans ce contexte, il convient de réduire les dépenses et d’augmenter les recettes de l’État. Cet impératif doit se faire sans dogmatisme et sans rompre avec notre modèle social. C’est pourquoi il est ici uniquement proposé d’améliorer l’équité de notre système fiscal.

Depuis l’arrivée à la Présidence de la République de M. Emmanuel Macron, les réformes ont principalement bénéficié aux ménages les plus aisés et aux plus grandes entreprises. Depuis 2017, la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière, la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (flat tax) ont par exemple permis aux foyers les plus riches d’augmenter leur patrimoine. De même, les profits des grandes entreprises ont augmenté d’une manière plus importante que leur activité. En 2023, 100 milliards d’euros ont été redistribués aux actionnaires par les entreprises du CAC 40, sous la forme de dividendes ou de rachats d’actions.

D’autre part, la réforme de la fiscalité locale a obligé l’État à compenser les pertes de recettes subies par les collectivités territoriales relatives à la taxe d’habitation ou à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cela s’est fait en transférant une partie des recettes de TVA vers l’échelon local. Il en va de même pour la contribution pour l’audiovisuel public (dite « redevance télé »).

Parallèlement, le taux de prélèvements obligatoires oscille entre 44 et 45 % entre 2017 et aujourd’hui. Les pertes de recettes n’ont donc ni réduit le déficit de l’État, ni améliorer l’équité fiscale, ni atténué la pression fiscale.

La présente proposition de loi entend donc augmenter les recettes de l’État sans nuire au pouvoir d’achat des ménages modestes et de la classe moyenne. Les TPE‑PME ne doivent pas non plus être défavorisées par rapport aux grands groupes internationaux. Enfin, il est nécessaire de réduire les dépenses fiscales coûteuses.

Dans ce contexte, l’article premier relève de 2 points l’impôt sur le revenu des plus‑values mobilières. Les recettes d’impôt sur le revenu au titre du prélèvement forfaitaire unique (PFU) sont évaluées à 5,8 milliards d’euros en 2022, 6,4 milliards d’euros en 2023 et 6,8 milliards d’euros en 2024. On peut estimer que la présente disposition, qui rehausse le taux de 12,8 % à 14,8 %, augmenterait les recettes de l’État de près d’un milliard d’euros supplémentaires.

L’article 2 instaure une taxe de 1 % sur les rachats d’actions opérées par les entreprises dont le siège social est situé en France et qui réalisent un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros. En 2023, ces rachats représentent 30 milliards d’euros, ce qui permet d’estimer les recettes supplémentaires à près de 300 millions d’euros. Cette rédaction s’inspire de l’amendement présenté par les Démocrates lors de la première lecture du projet de loi de finances 2024, et adopté par la commission des finances.

L’article 3 relève le taux de la taxe sur les services numériques, dite taxe GAFAM, de 3 à 5 %. Étant donné que le rendement prévisionnel de la taxe pour 2024 est de 800 millions d’euros, on peut estimer que la proposition de loi créerait près de 530 millions d’euros de recettes nouvelles pour le budget de l’État.

L’article 4 instaure une taxe de 25 % sur les superprofits réalisés par les grandes entreprises des secteurs de l’énergie, du transport maritime, de l’industrie pharmaceutique et des établissements des secteurs bancaire et assurantiel. Le présent article définit les superprofits en fonction d’une période de référence allant de 2018 à 2022.

L’article 5 modifie le crédit d’impôt recherche (CIR) en créant une tranche intermédiaire de 15 %. Actuellement le taux du crédit d’impôt recherche est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d’euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. Dans le but de réduire le coût de la dépense fiscale ainsi que l’effet de seuil du dispositif, le présent amendement propose de créer une troisième tranche entre 50 et 100 millions d’euros de dépenses, au taux de 15 %.

L’article 6 exclu du bénéficie du crédit d’impôt particulier employeur les dépenses au titre du gardiennage des résidences secondaires. L’article D 7231‑1 du code du travail permet aujourd’hui de bénéficier d’une niche fiscale pour la « maintenance, l’entretien et la vigilance temporaires, à domicile, de la résidence principale et secondaire ». Il apparaît en effet nécessaire de réduire la dépense fiscale de ce crédit d’impôt, estimée à 5,7 milliards d’euros en 2022 et à 7,9 milliards d’euros en 2023.

L’article 7 demande un rapport sur les aides budgétaires et fiscales fournies aux entreprises par l’État.

 


– 1 –

proposition de loi

Titre Ier 

Augmenter les recettes du budget général de l’État

Article 1er

À la fin du 1° du B de l’article L. 200 A du code général des impôts, le taux : « 12,8 % » est remplacé par le taux : « 14,8 % ».

Article 2

Le chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section XXIV ainsi rédigée :

« Section XXIV

Taxe sur les rachats d’action

« Art. 235 ter ZH. – I. – Il est institué une taxe sur les rachats d’actions opérés par les sociétés anonymes dont le siège social est situé en France et qui réalisent un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros.

« II. – Le taux de la taxe est fixé à 1 %.

« III. – La taxe est assise sur la valeur d’acquisition des actions. Elle est due par la société émettrice procédant au rachat de ses propres titres.

« IV. – La taxe est exigible le premier jour du mois suivant celui au cours duquel s’est produite l’opération d’achat de ses propres actions par la société émettrice.

« V. – La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes. »

Article 3

À la fin du 2° de l’article L. 453‑70 du code des impositions sur les biens et services, tel qu’issu de l’ordonnance n° 2023‑1210 du 20 décembre 2023 portant création du titre V du livre IV du même code, le taux : « 3 % » est remplacé par le taux : « 5 % ».

Article 4

Après le chapitre II bis du titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts, il est inséré un chapitre II ter ainsi rédigé :

« Chapitre II ter

« Contribution exceptionnelle sur les résultats des entreprises des secteurs de l’énergie, du transport maritime, de l’industrie pharmaceutique et des établissements des secteurs bancaire et assurantiel

« Art. 300 septies. – I. – Est instituée une contribution due par les entreprises des secteurs de l’énergie, du transport maritime, de l’industrie pharmaceutique et des établissements des secteurs bancaire et assurantiel réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros sur le bénéfice exceptionnel défini au II perçu au titre des exercices 2024, 2025 et 2026.

« Cette contribution est égale à 25 % du bénéfice exceptionnel réalisé.

« Un décret en Conseil d’État précise les critères de détermination d’une part, des catégories d’entreprises du secteur de l’énergie redevables, il retient notamment les entreprises participant à l’exploration, à la production, au stockage, au transport, à la fourniture et à la commercialisation de pétrole, de gaz et de tout autre type de carburant ainsi que les entreprises de production, de transport, de fourniture et de distribution d’électricité ; d’autre part, des catégories d’entreprises des secteurs du transport maritime et de l’industrie pharmaceutique redevables ainsi que les établissements du secteur bancaire et du secteur des assurances redevables.

« II. – Pour l’application du présent article, le bénéfice exceptionnel correspond au bénéfice net réalisé pour chaque exercice, au sens de l’article 39, supérieur ou égal à 1,2 fois le bénéfice moyen net réalisé au titre des exercices 2018 à 2022.

« III. – Les sociétés membres d’un groupe fiscal au sens de l’article 223 A ou de l’article 223 A bis sont soumises à cette contribution exceptionnelle dans les conditions prévues aux I et II. La société mère est redevable de la contribution due par les sociétés filiales du groupe. Chaque société filiale du groupe est tenue solidairement au paiement de cette contribution et, le cas échéant, des intérêts de retard, majorations et amendes fiscales correspondantes, dont la société mère est redevable, à hauteur de la contribution et des pénalités qui seraient dues par la société si celle‑ci n’était pas membre du groupe.

« IV. – La contribution est acquittée dans les conditions prévues à l’article 1692. Sans préjudice des dispositions prévues aux articles L. 16 C et L. 70 A du livre des procédures fiscales, elle est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que les taxes sur le chiffre d’affaires définies à la section II du chapitre premier du livre II du présent code. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ces mêmes taxes.

« V. – Les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.

Titre II 

Réaliser des économies sur les niches fiscales

Article 5

Le premier alinéa du I de l’article 244 quater B est ainsi rédigé :

« Le taux du crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure à 50 millions d’euros, de 15 % pour la fraction des dépenses de recherche compris entre 50 millions d’euros et 100 millions d’euros et de 5 % pour la fraction des dépenses de recherche supérieure à ce montant. »

Article 6

L’article L. 7232‑1‑1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce décret ne peut pas inclure les dépenses de gardiennage des résidences secondaires dans le champ des activités qui ouvrent droit au crédit d’impôt. »

Article 7

Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les aides aux entreprises. Ce rapport liste de manière exhaustive toutes les aides budgétaires et fiscales de l’État pour les entreprises, leur coût et le nombre de bénéficiaires. Le rapport propose des pistes afin de simplifier l’accès à ces aides et de réduire leur nombre. Le rapport propose également la suppression ou la modification des aides dont la pertinence n’a pas été prouvée ou dont le coût dépasse 3 milliards d’euros.