N° 2556

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mai 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à rendre de droit le classement en France ruralités revitalisation, les communes labellisées « Petites villes de demain » et à installer un dispositif de transition pour les communes ne répondant plus aux critères après un moratoire national de trois ans,

(Renvoyée à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jérôme NURY,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La vitalité de l’ensemble de nos territoires et tout particulièrement de nos territoires ruraux est un sujet de préoccupation majeur des politiques publiques depuis de nombreuses années, devant les mutations sociologique, géographique et économique de notre pays.

L’État comme les collectivités locales ont un devoir de vigilance à l’égard de ces zones fragilisées qui n’ont pas toujours été la priorité d’interventions nationales fortes.

Si des dispositifs ont été mis en place au cours des dernières décennies, souvent plus cosmétiques qu’efficaces pour soutenir ces territoires peu denses ; il convient de saluer celui des Zones de revitalisation rurale (ZRR) créées par l’adoption de la loi n° 95‑115 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire (LOADT) du 4 février 1995.

Ces ZRR, véritables zones franches des campagnes, ont atténué la perte d’attractivité des territoires ruraux et ont permis le maintien d’activités économiques, de services à la population et de services de santé, via des mesures fiscales et sociales ciblées.

Ces zones regroupant ainsi des communes très peu denses, considérées comme fragiles sur le plan économique et social ont évolué au cours du temps. L’évolution la plus notable date de 2017 avec la prise en compte de critères de fragilité à l’échelle intercommunale et non plus communale. 

Tout dernièrement, l’article 7 de la loi n° 2023‑1322 du 29 décembre 2023 portant sur les finances pour 2024 a affiché comme objectif de rationaliser et harmoniser les différents dispositifs et outils à destination des territoires ruraux en fusionnant les bassins d’emploi à redynamiser (BER), les zones de revitalisation des commerces en milieu rural (ZORCOMIR) et les zones de revitalisation rurale (ZRR), en un seul zonage appelé France ruralité revitalisation (FRR) suivant un maillage intercommunal au 1er juillet 2024.

Adopté après que le Gouvernement a engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, ce texte n’aura jamais été discuté à l’Assemblée nationale. Bien que cet article 7 ait été entériné par l’ensemble des groupes du Sénat, un débat à l’Assemblée nationale aurait pu permettre de mettre la lumière sur les conséquences concrètes pour les territoires écartés.

L’Association des maires de France est d’ailleurs montée au créneau pour regretter la sortie de plus de 2000 communes du dispositif. Parmi celles‑ci, un certain nombre sont dites « rattrapables » car faisant partie d’un bassin de vie dont la densité de population est inférieure ou égale à la densité médiane nationale des bassins de vie de France métropolitaine, et d’autre part, dont le revenu disponible médian par unité de consommation est inférieur ou égal à la médiane des revenus des bassins de vie de France métropolitaine.

Le Gouvernement a d’ailleurs déjà communiqué pour annoncer un rattrapage global de l’ensemble de ces territoires concernés par ces critères.

Il reste toutefois quelques exceptions que le Gouvernement a commencé à prendre en compte en accordant un moratoire à l’échelle de tout un département à l’image de la Saône‑et‑Loire particulièrement impactée par un grand nombre de communes exclues du zonage FRR. 

A la marge dans d’autres départements ruraux, des territoires se trouvent exclus pour des questions de « bordure ». À l’image de la commune de Briouze dans l’Orne (61) qui depuis son intégration dans la Communauté d’Agglomération de Flers dont la densité est supérieure à la densité médiane nationale, a été maintenue en ZRR depuis 2017 mais qui ne peut être rattrapée en 2023 car faisant partie du bassin de vie de la ville de Flers (14 852 habitants) d’après l’Institut national de la statistique et des études économiques(INSEE). 

Cette exclusion est vécue comme une injustice par les élus communaux et les habitants car ce territoire très rural et agricole, chef‑lieu de canton jusqu’en 2015, éloigné de 15 km de la ville de Flers est à lui seul un bassin de vie pour les dizaines de petites communes très peu denses alentours.

La non intégration dans le zonage AFR porte un véritable préjudice au territoire dans la mesure où d’autres communes de la Communauté d’Agglomération de Flers très proches de Briouze et avec des populations bien supérieures, ont été réintégrées car faisant partie d’après l’INSEE d’un bassin de vie différent.

Cette distorsion de concurrence au sein d’une même intercommunalité, alors que la lutte contre la désertification médicale atteint des paroxysmes devant la détresse des populations, crée des tensions et des incompréhensions.

C’est pourquoi, il parait essentiel de réintégrer dans le dispositif FRR les communes les moins denses déjà inclues en ZRR et pour lesquelles le zonage est un atout stratégique majeur pour l’implantation de professionnels de santé, d’activités économiques et commerciales.

Ces communes, véritables pôles de centralité en milieu rural, ont été souvent reconnues par l’État au travers du label « Petite Ville de Demain ». 

L’article 1er de cette proposition de loi entend ainsi étendre le dispositif « France Ruralité Revitalisation » à l’ensemble des communes labellisées « Petites Villes de Demain » au 1er juillet 2024.

L’article 2 vise quant à lui à répondre aux inquiétudes des communes ne répondant plus aux nouveaux critères, en instaurant un moratoire national d’une durée de 3 ans en ce qui les concerne. Les communes exclues par ces nouveaux critères ne peuvent quitter ce dispositif sans un accompagnement. Un décret doit pour cela prévoir un dispositif de transition afin que leur équilibre économique ne soit pas bouleversé.

Tel est l’objet de cette proposition de loi.

 

 

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Après le D du II de l’article 44 quindecies A du code général des impôts dans sa rédaction résultant de l’article 73 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, il est inséré un D bis ainsi rédigé :

« D bis – Sont également classées en zone France ruralités revitalisation les communes labellisées « Petites villes de demain ». »

Article 2

Il est instauré un moratoire d’une durée de trois ans suspendant l’exclusion des communes ne répondant plus aux nouveaux critères prévus à l’article 7 de loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

Un décret précise les modalités d’un dispositif de transition pour les communes ne répondant plus aux critères afin de garantir l’équilibre économique des projets engagés par les exécutifs locaux.

Article 3

L’article 1er s’applique pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

Article 4

I. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.