N° 2560

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mai 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à imposer une préférence communautaire et française dans l’achat d’uniformes,

(Renvoyée à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Antoine VERMOREL-MARQUES,

député.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

En France, près de huit millions de nos concitoyens portent un uniforme dans le cadre de leur activité professionnelle ou bénévole. Qu’il s’agisse des polos de nos gendarmes, des blouses blanches de nos soignants ou des treillis de nos militaires, l’État commande des centaines de millions de pièces de textile chaque année. De plus, l’expérimentation du port de l’uniforme à l’école pourrait conduire à la commande publique de millions de pièces supplémentaires.

En parallèle de cela, la filière textile française connaît depuis une dizaine d’années un regain de dynamisme, alors même qu’elle rencontre une période difficile, due aux délocalisations. Des chefs d’entreprises audacieux s’attachent à créer des emplois tout en relocalisant une production qui a connu une forte tendance à l’expatriation.

Or, pour toutes ces entreprises‑là, la commande publique est plus que nécessaire : tant pour le déploiement de ce renouveau que pour la survie de ceux qui s’engagent dans cette aventure.

Des entités publiques font d’ailleurs régulièrement le choix de se tourner vers le fabriqué en France. Dans la région Auvergne‑Rhône‑Alpes, par exemple, 100 % des uniformes commandés pour l’expérimentation de celui‑ci dans les lycées sont fabriqués en France. De même, les uniformes des bénévoles de Jeux Olympiques de Paris 2024 seront à 53 % fabriqués en France.

Il est important de noter qu’en plus de la dynamique économique vertueuse qu’engendre ce renouveau, il participe à la transition de notre économie vers des modes de consommation plus respectueux de l’homme et de son environnement. Produits localement, avec souvent de forts engagements de durabilité, l’industrie textile française se démarque depuis plusieurs années par ses efforts en faveur de la décarbonation. Commander du textile français, c’est aussi éviter que les habits de nos fonctionnaires soient transportés depuis l’autre bout du monde par bateau ou, pire encore, par avion.

Des pulls, treillis et autres vêtements techniques de nos armées sont produits au Maghreb et une grande partie des polos de nos forces de sécurité intérieure le sont en Afrique de l’Est. Récemment encore, des uniformes scolaires étaient étiquetés Made in Bangladesh. Souvenons‑nous de la surprise générale en 2020, lorsque la France avait découvert son incapacité à fournir les masques nécessaires à lutter contre la pandémie de Covid‑19. Nous nous étions promis de regagner notre souveraineté textile, notamment en matière de commande publique. Cette souveraineté est possible, à condition que chacun prenne ses responsabilités.

Il est ainsi de la responsabilité de la représentation nationale de s’assurer que les achats financés par le contribuable s’inscrivent dans cette démarche bénéfique pour notre pays. Les impôts de nos concitoyens ne sauraient financer les revenus d’importateurs extra‑européens de produits irrespectueux de notre environnement. Malheureusement, il apparaît aujourd’hui que la très grande majorité des uniformes de nos fonctionnaires sont produits à l’étranger, principalement en Asie et au Maghreb. Pire encore, de nombreuses entreprises sélectionnées sont détenues par des capitaux extra‑européens, quand elles ne créent parfois même aucun emploi sur le territoire national.

Cela a déjà été fait pour le secteur de l’alimentation : la loi EGAlim a consacré l’objectif de 50 % de produits durables et de qualité dans la restauration collective. Une même ambition pour la commande publique textile serait plus que louable. Ainsi, dans la même veine que le Buy American Act, cette proposition de loi se veut la première étape vers un Buy European Act.

L’industrie textile française est reconnue pour son excellence, son innovation et la qualité de ses produits. Elle voit par ailleurs fleurir depuis plusieurs années de nombreuses initiatives éco‑responsables. En visant à favoriser l’achat de textiles produits localement pour les commandes publiques, cette proposition de loi vise à soutenir directement les fabricants français, à préserver et à valoriser le patrimoine industriel et les savoir‑faire uniques de notre pays.

Enfin, à l’heure où les rivalités internationales se font de plus en plus compétitives, il est important de rappeler que nous ne pouvons plus nous permettre de dépendre de puissances extra‑européennes souvent rivales pour fournir des équipements indispensables à nos forces de sécurité, nos personnels de santé et qui demain habilleront peut‑être nos enfants dans les cours d’école.

 


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proposition de loi

Article unique

Après le troisième alinéa de l’article L. 228‑4 du code de l’environnement, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Au plus tard le 1er janvier 2030, l’achat de vêtements dont les personnes morales de droit public ont la charge comprennent une part au moins égale, en valeur, à 50 % de produits répondant à l’une des conditions suivantes :

« 1° Produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie ;

« 2° Produits acquis en fonction des résultats obtenus en application de la méthodologie de l’affichage environnemental déterminée conformément à l’article L. 541‑9‑12. »