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N° 2570

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mai 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à optimiser la protection et l’accompagnement des parents d’enfants atteints de cancers, de maladies graves et de handicaps,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Vincent THIÉBAUT, M. Laurent MARCANGELI, Mme Cyrielle CHATELAIN, M. Paul CHRISTOPHE, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, Mme Anne LE HÉNANFF, M. Thierry BENOIT, M. Philippe PRADAL, Mme Isabelle RAUCH, M. Luc LAMIRAULT, M. Christophe PLASSARD, Mme Lise MAGNIER, M. Xavier ALBERTINI, M. François GERNIGON, Mme Félicie GÉRARD, M. Alexandre VINCENDET, M. François JOLIVET, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, Mme Virginie LANLO, M. Damien ABAD, M. Joël GIRAUD, M. Jean-Marc ZULESI, M. Michel LAUZZANA, Mme Brigitte KLINKERT, Mme Véronique RIOTTON, Mme Julie DELPECH, Mme Delphine LINGEMANN, M. Stéphane VOJETTA, M. Nicolas PACQUOT, Mme Louise MOREL, M. Philippe FREI, M. Jean-François ROUSSET, M. Philippe FAIT, Mme Jacqueline MAQUET, M. Lionel VUIBERT, M. Yannick HAURY, M. Robin REDA, Mme Graziella MELCHIOR, Mme Perrine GOULET, M. Jean-Carles GRELIER, M. Charles SITZENSTUHL, M. Hubert OTT, Mme Sophie PANONACLE, M. Alexis IZARD, M. Ludovic MENDES, Mme Caroline ABADIE, M. Karl OLIVE, M. Didier PARAKIAN, Mme Liliana TANGUY, Mme Pascale BOYER, Mme Anne BRUGNERA, Mme Christine DECODTS, M. Jean-Marie FIÉVET, Mme Fanta BERETE, M. Philippe EMMANUEL, M. Mickaël COSSON, M. Quentin BATAILLON, M. Éric WOERTH, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Lysiane MÉTAYER, M. Éric ALAUZET, Mme Françoise BUFFET, Mme Sandrine JOSSO, Mme Maud PETIT, M. Stéphane VIRY, M. Yannick FAVENNEC-BÉCOT, Mme Christine PIRES BEAUNE, M. Max MATHIASIN, M. Pierre MOREL-À-L’HUISSIER, Mme Isabelle VALENTIN, M. Benoît BORDAT, Mme Béatrice DESCAMPS, Mme Claudia ROUAUX, M. Yannick NEUDER, Mme Annie GENEVARD, M. Vincent LEDOUX, M. Julien BAYOU, M. Michel HERBILLON, M. Didier LE GAC, Mme Michèle PEYRON, M. Édouard BÉNARD, Mme Anne-Laure BABAULT, Mme Sophie METTE, M. Bruno STUDER, M. Paul MOLAC, M. Jean-Pierre PONT, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Patrice PERROT, M. Nicolas FORISSIER, Mme Cécile RILHAC, M. Olivier BECHT, M. Bruno FUCHS, M. Gérard LESEUL, M. Guy BRICOUT, M. Jean-Philippe ARDOUIN, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Philippe BRUN, M. Ian BOUCARD, M. David VALENCE, Mme Alexandra MARTIN (GIRONDE), M. Benjamin SAINT-HUILE, Mme Marie-Christine DALLOZ, Mme Naïma MOUTCHOU, M. Hubert JULIEN-LAFERRIÈRE, Mme Alexandra MARTIN (ALPES-MARITIMES), M. Christophe NAEGELEN, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, M. Antoine ARMAND, M. Philippe SOREZ, M. Jean-Luc WARSMANN, M. Arthur DELAPORTE, M. Bertrand BOUYX, Mme Béatrice BELLAMY, M. Loïc KERVRAN, Mme Béatrice PIRON, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Mickaël BOULOUX, M. Stéphane DELAUTRETTE, M. Hervé SAULIGNAC, Mme Fatiha KELOUA HACHI, Mme Ingrid DORDAIN, M. Jérôme GUEDJ, M. Roger VICOT, Mme Chantal JOURDAN, M. Alain DAVID, M. Inaki ECHANIZ, Mme Cécile UNTERMAIER, M. Christian BAPTISTE, M. Johnny HAJJAR, M. Philippe NAILLET, M. Jean-Charles LARSONNEUR, M. Stéphane BUCHOU, M. François CORMIER-BOULIGEON, M. Rémy REBEYROTTE, Mme Karine LEBON, M. Paul-André COLOMBANI, Mme Stéphanie KOCHERT,

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année en France, plusieurs milliers d’enfants et d’adolescents sont touchés par une maladie grave, telle qu’un cancer ou par un accident de la vie entrainant un handicap majeur. Cette réalité́‑là peut durer des mois, voire des années avec une issue parfois tragique.

Derrière cette situation douloureuse, impactante pour ces familles mais aussi, pour la fratrie, il y a trop souvent une double peine : à la maladie ou au handicap de leur enfant s’ajoutent des lourdeurs administratives et des baisses de ressources substantielles liées à une réduction voire un arrêt de leur activité́ professionnelle, incontournable au vu de la gravité de la situation.

Pendant ce temps, les charges ne baissent pas. Pire, elles peuvent augmenter. De nombreuses familles se retrouvent dans l’incapacité d’honorer leur loyer ou leur crédit immobilier, avec des menaces d’expulsion ou de saisie. Elles peuvent aussi engager des frais importants pour se loger temporairement près des centres de soins lorsqu’elles en sont éloignées, ou pour acquérir l’appareillage coûteux dont leur enfant a besoin. Les familles modestes, monoparentales sont particulièrement exposées à ces difficultés, conduisant certaines d’entre elles à renoncer à certains soins ou à un accompagnement pourtant indispensable.

Face à cette situation, l’État apporte un certain nombre d’aides mais elles sont souvent inadaptées à l’urgence de la situation. Les familles doivent multiplier les démarches auprès de l’administration, faire face à des délais d’attente de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois – comme cela a pu être démontré par des enquêtes menées par la fédération Grandir Sans Cancer auprès de plusieurs centaines de familles – pour bénéficier de leurs droits en termes d’accompagnement financier, scolaire ou même afin d’obtenir une carte d’invalidité́ pour leur enfant. Elles subissent aussi parfois le manque de compréhension de leurs débiteurs.

Les associations de parents interviennent ponctuellement, mais elles n’ont pas la puissance et les moyens de se substituer à l’État.

C’est pourquoi cette proposition de loi vise à renforcer la protection et l’accompagnement des parents dont l’enfant à charge est victime d’une maladie grave, reconnue en tant que telle à l’article D322‑1 du code de la sécurité sociale.

Cette proposition de loi a été rédigée en étroite collaboration avec l’association Eva pour la vie et la fédération Grandir Sans Cancer, qui rassemble près d’une centaine d’associations de parents, ainsi que des chercheurs, des médecins, des assistantes sociales et des professionnels.

L’article 1er vise à étendre l’aide apportée par la collectivité́ pour accéder à un logement décent et indépendant ou s’y maintenir et pour y disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques.

L’article 2 concerne les parents ayant souscrit un crédit. Il prévoit la possibilité́ de suspendre le paiement de la part de capital dans les mensualités en cas d’obtention de droit à l’allocation journalière de présence parentale prévue à l’article L544‑2 du code de la sécurité́ sociale. Elle s’applique alors aux autres co-emprunteurs pour éviter le transfert de la charge sur le deuxième parent. Cette suspension de remboursement a pour but de réduire les charges financières des parents. Elle permet également d’éviter un risque financier futur au terme du versement de l’allocation en maintenant le dispositif de crédit et le paiement de ses intérêts tout en allongeant sa durée.

L’article 3 vise à permettre à l’établissement de santé de pouvoir proposer une solution d’hébergement aux parents ou représentants légaux, à proximité́ de l’établissement de soins de l’enfant lorsque l’éloignement important et la durée de l’hospitalisation le justifient, tout en étant exonéré́ du délai de demande auprès de l’agence régionale de santé territorialement compétente, au profit d’un accord tacite. En effet, le délai fixé à trente jours pour cette prestation prévue au sein de l’article R6111‑50 du code de la santé publique est inadapté́ aux situations nécessitant des soins urgents.

L’article 4 vise à mener une expérimentation sur le dispositif mentionné à l’article R541‑6 du code de la sécurité sociale pour les familles d’enfants à charge concernés par un handicap. Cette expérimentation porte d’une part le délai de réponse à deux mois, délai adapté au temps de traitement du dossier médical et aux besoins des familles. Par ailleurs, elle sera également assortie d’un « silence vaut accord » et non plus d’une décision de rejet.

L’article 5 vient corriger l’adéquation entre la durée prévisible maximale d’un an et l’indemnisation maximale de 310 jours ouvrés soit 14 mois, afin de ne pas contraindre les familles en allocation journalière de présence parentale (AJPP) à temps complet à faire une nouvelle demande pour seulement 2 mois.

L’article 6 adapte le versement de l’allocation journalière de présence parentale aux cas des enfants en résidences alternées. En effet, avec l’augmentation des divorces, les deux parents sont parfois amenés à s’occuper de manière continue d’un enfant handicapé ou gravement malade et les modalités de versement de l’allocation journalière de présence parentale actuelle oblige les parents séparés à prendre des jours de congés payés voire sans solde.

L’article 7 vise à exonérer de taxe foncière les parents d’enfants malades se situant en dessous du plafond de ressources déjà̀ prévu pour les personnes âgées.

L’article 8 vise à assurer la gratuité des parcs de stationnement des établissements de santé pour les familles s’occupant d’enfants atteints d’une maladie grave.

L’article 9 permet d’appliquer un reste à charge zéro pour les enfants atteints de maladies graves, dès lors qu’il s’agit d’une prescription établie par un médecin dans le cadre du parcours de soin de l’enfant.

L’article 10 constitue le gage financier assurant la recevabilité́ de la présente proposition de loi.

 


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proposition de loi

Article 1er

À l’avant‑dernier alinéa de l’article 1 de la loi n° 90‑449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, après le mot : « existence », sont insérés les mots : « , de l’état de santé d’un enfant à charge atteint d’une affection grave mentionnée à l’article D. 322‑1 du code de la sécurité sociale ».

Article 2

L’article L. 314‑20 du code de la consommation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « licenciement » sont insérés les mots : « ou d’obtention du droit à l’allocation journalière de présence parentale prévue à l’article L. 544‑1 du code de la sécurité sociale. » ;

2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette suspension prend effet au plus tard un mois après réception de la demande. Elle prévoit le paiement des intérêts et de l’assurance du crédit durant la période de droit à l’allocation journalière de présence parentale. Un nouveau tableau d’amortissement est adressé par le créancier au débiteur pour matérialiser ces modifications. Ce délai de grâce s’applique également aux autres débiteurs du crédit. »

Article 3

Après le premier alinéa de l’article L. 6111‑1‑6 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’établissement de santé prévoyant de proposer la prestation d’hébergement temporaire non médicalisée aux parents d’enfants atteints d’une affection grave mentionnée à l’article D. 322‑1 du code de la sécurité sociale bénéficie d’un accord tacite de l’agence régionale de santé territorialement compétente et la durée de cette prestation ne peut faire l’objet d’aucun seuil. »

Article 4

I. – Pour une durée de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, une expérimentation est mise en place dans vingt départements dont au moins un en outre‑mer, permettant que le silence gardé par la commission mentionnée à l’article R. 541‑6 du code de la sécurité sociale pendant plus de deux mois à compter du dépôt de la demande d’allocation d’éducation de l’enfant handicapé vaille décision d’acceptation de celle‑ci.

II. – Au plus tard six mois après la fin de l’expérimentation de ce dispositif, le Gouvernement remet un rapport sur l’opportunité et la possibilité de prolonger ce dispositif sur l’ensemble du territoire.

III. – Un décret précise les modalités de mise en place de cette expérimentation. La liste des territoires participant à l’expérimentation est fixée par un arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé des collectivités territoriales.

Article 5

Le second alinéa de l’article L. 544‑2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase, les mots : « inférieure à six mois ni supérieure à un an » sont remplacés par les mots : « supérieure à quatorze mois » ;

2° À la dernière phrase, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « quatorze mois ».

Article 6

I. – Après l’article L. 544‑1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 544‑1‑1 ainsi rédigé :

« Art. L. 54411.  Par dérogation à l’article L. 544‑1, sous réserve des cas prévus à l’article L. 373‑2‑9 du code civil, le bénéficiaire de l’allocation journalière est celui des deux parents qu’ils désignent d’un commun accord. À défaut d’accord sur la désignation d’un allocataire unique, chacun des deux parents peut se voir reconnaître la qualité d’allocataire au prorata du temps de garde :

« 1° Lorsque les deux parents en ont fait la demande conjointe ;

« 2° Lorsque les deux parents n’ont ni désigné un allocataire unique, ni fait une demande conjointe de partage. »

II. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article.

Article 7

Au I de l’article 1391 du code général des impôts, après le mot : « ans » sont insérés les mots : « ou ayant à charge un enfant atteint d’une affection grave telle que mentionnée à l’article D. 322‑1 du code de la sécurité sociale ».

Article 8

Les gestionnaires de parcs de stationnement d’établissements de santé disposant d’une délégation de service public garantissent la gratuité du stationnement, et ce pour la durée de l’hospitalisation, aux personnes ayant à charge un enfant atteint d’une affection grave telle que mentionnée à l’article D. 322‑1 du code de la sécurité sociale ».

Article 9

I. – Le reste à charge zéro s’applique systématiquement aux prescriptions établies par un professionnel de santé dans le cadre du parcours de soin pour les enfants atteints d’une affection grave telle que mentionnée à l’article D. 322‑1 du code de la sécurité sociale, dès lors qu’il s’agit d’une prescription établie par un médecin dans le cadre du parcours de soin de l’enfant.

II. – Un décret précise les modalités d’application du reste à charge zéro concernant les enfants atteints de maladies graves.

Article 10

I. – La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

IV. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

V. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

VI. – La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.