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N° 2595

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 mai 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter plus efficacement contre les maladies affectant les cultures végétales,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Pascal LAVERGNE, M. Jean-Luc FUGIT, M. Sylvain MAILLARD, M. Damien ABAD, Mme Caroline ABADIE, M. Damien ADAM, M. Éric ALAUZET, M. David AMIEL, M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, M. Jean-Philippe ARDOUIN, M. Antoine ARMAND, M. Quentin BATAILLON, M. Clément BEAUNE, M. Olivier BECHT, M. Belkhir BELHADDAD, M. Mounir BELHAMITI, Mme Fanta BERETE, M. Denis BERNAERT, M. Benoît BORDAT, Mme Élisabeth BORNE, M. Éric BOTHOREL, M. Florent BOUDIÉ, Mme Chantal BOULOUX, Mme Pascale BOYER, Mme Yaël BRAUN-PIVET, Mme Maud BREGEON, M. Anthony BROSSE, Mme Anne BRUGNERA, Mme Danielle BRULEBOIS, M. Stéphane BUCHOU, Mme Françoise BUFFET, Mme Céline CALVEZ, Mme Eléonore CAROIT, M. Lionel CAUSSE, M. Pierre CAZENEUVE, M. Jean-René CAZENEUVE, Mme Émilie CHANDLER, M. Yannick CHENEVARD, Mme Mireille CLAPOT, Mme Fabienne COLBOC, Mme Claire COLOMB-PITOLLAT, M. François CORMIER-BOULIGEON, Mme Bérangère COUILLARD, Mme Laurence CRISTOL, M. Dominique DA SILVA, Mme Christine DECODTS, Mme Julie DELPECH, M. Frédéric DESCROZAILLE, M. Benjamin DIRX, Mme Ingrid DORDAIN, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, M. Philippe DUNOYER, Mme Stella DUPONT, M. Olivier DUSSOPT, M. Philippe EMMANUEL, Mme Sophie ERRANTE, M. Philippe FAIT, M. Marc FERRACCI, M. Jean-Marie FIÉVET, M. Philippe FREI, M. Thomas GASSILLOUD, Mme Anne GENETET, M. Raphaël GÉRARD, M. Hadrien GHOMI, M. Éric GIRARDIN, M. Joël GIRAUD, Mme Olga GIVERNET, M. Guillaume GOUFFIER VALENTE, M. Jean-Carles GRELIER, Mme Claire GUICHARD, M. Benjamin HADDAD, Mme Nadia HAI, M. Yannick HAURY, M. Alexandre HOLROYD, M. Sacha HOULIÉ, M. Éric HUSSON, Mme Monique IBORRA, M. Alexis IZARD, M. Jean-Michel JACQUES, Mme Caroline JANVIER, Mme Brigitte KLINKERT, M. Daniel LABARONNE, M. Emmanuel LACRESSE, Mme Amélia LAKRAFI, Mme Virginie LANLO, M. Michel LAUZZANA, Mme Sandrine LE FEUR, M. Didier LE GAC, M. Gilles LE GENDRE, Mme Constance LE GRIP, Mme Annaïg LE MEUR, Mme Christine LE NABOUR, Mme Nicole LE PEIH, M. Fabrice LE VIGOUREUX, M. Vincent LEDOUX, M. Mathieu LEFÈVRE, Mme Patricia LEMOINE, Mme Brigitte LISO, M. Jean-François LOVISOLO, Mme Laurence MAILLART-MÉHAIGNERIE, Mme Jacqueline MAQUET, M. Bastien MARCHIVE, M. Louis MARGUERITTE, M. Christophe MARION, Mme Sandra MARSAUD, Mme Alexandra MARTIN (GIRONDE), M. Didier MARTIN, M. Denis MASSÉGLIA, M. Stéphane MAZARS, Mme Graziella MELCHIOR, M. Ludovic MENDES, Mme Lysiane MÉTAYER, M. Nicolas METZDORF, Mme Marjolaine MEYNIER-MILLEFERT, M. Paul MIDY, Mme Laure MILLER, Mme Véronique DE MONTCHALIN, M. Benoit MOURNET, M. Karl OLIVE, M. Nicolas PACQUOT, Mme Sophie PANONACLE, Mme Astrid PANOSYAN-BOUVET, M. Didier PARAKIAN, M. Didier PARIS, Mme Charlotte PARMENTIER-LECOCQ, M. Emmanuel PELLERIN, M. Patrice PERROT, Mme Anne-Laurence PETEL, Mme Michèle PEYRON, Mme Béatrice PIRON, M. Jean-Pierre PONT, M. Éric POULLIAT, Mme Natalia POUZYREFF, M. Rémy REBEYROTTE, M. Robin REDA, Mme Cécile RILHAC, Mme Véronique RIOTTON, Mme Stéphanie RIST, Mme Marie-Pierre RIXAIN, M. Charles RODWELL, M. Xavier ROSEREN, M. Jean-François ROUSSET, M. Lionel ROYER-PERREAUT, M. Thomas RUDIGOZ, Mme Laetitia SAINT-PAUL, M. Mikaele SEO, M. Charles SITZENSTUHL, M. Philippe SOREZ, M. Bertrand SORRE, Mme Violette SPILLEBOUT, M. Bruno STUDER, Mme Liliana TANGUY, Mme Sarah TANZILLI, M. Jean TERLIER, Mme Huguette TIEGNA, M. Stéphane TRAVERT, M. David VALENCE, M. Olivier VÉRAN, Mme Annie VIDAL, M. Patrick VIGNAL, Mme Corinne VIGNON, M. Stéphane VOJETTA, M. Lionel VUIBERT, M. Guillaume VUILLETET, M. Christopher WEISSBERG, M. Éric WOERTH, Mme Caroline YADAN, M. Jean-Marc ZULESI,

députés et députées.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’article 82 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi dite « Egalim » 1) a introduit, en son article 82, la possibilité de déroger au premier alinéa du I de l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime afin d’expérimenter, pour une durée de trois ans, la pulvérisation aérienne de produits autorisés en agriculture biologique ou dans le cadre d’une exploitation faisant l’objet d’une certification du plus haut niveau d’exigence environnementale mentionnée à l’article L. 611-6 du même code par le biais d’aéronefs télépilotés (en d’autres termes des drones).

Il était prévu que cette expérimentation puisse se faire uniquement sur des surfaces agricoles présentant une pente supérieure ou égale à 30 %, ce qui concerne essentiellement certains vignobles d’Alsace ou de la vallée du Rhône, des bananeraies et certains vergers (accueillant principalement des pommiers), cette expérimentation ayant vocation à faire l’objet d’une évaluation par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Mise en œuvre par un arrêté du 26 août 2019 ([1]), cette expérimentation a fait l’objet d’un rapport favorable de la part de l’ANSES du 1er juillet 2022 ([2]), l’agence ayant conclu au fait que le recours à des drones de pulvérisation s’avérait être une alternative susceptible de présenter de multiples avantages par rapport à la pulvérisation terrestre sur des parcelles à forte déclivité (lesquelles présentent de multiples risques tenant aux contraintes techniques, au tassement du sol, à l’exposition des opérateurs…). Un autre rapport portant sur le traitement par drones de bananeraies en Martinique, rendu à la même époque cette fois-ci par l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE), a également conclu au fait que la pulvérisation par drone était plus efficace pour atteindre les feuilles des bananiers les plus proches du sol et que l’efficacité du traitement ainsi dispensé était meilleure que celle par atomiseur à dos d’homme ([3]).

Dans ces différents rapports, il est prouvé que, autant sur culture de vignes que sur celles des bananeraies, la pulvérisation par drone apportait une performance non négligeable quant à la diminution et la maîtrise des quantités utilisées de produits. Ces études prouvent aussi que la précision de pulvérisation par drone permet de diminuer significativement la quantité de produits rejetés dans l’environnement, ce qui démontre que la pulvérisation par drone est un outil en mesure de participer à la préservation du climat car elle est plus respectueuse de l’environnement.

Outre la préservation de l’environnement, la pulvérisation par drone a l’avantage de soulager de manière importante le travail des employés agricoles, lesquels devant travailler sur des pentes parfois dangereuses lorsque l’épandage s’effectue manuellement. Au-delà des questions de praticité liées au travail agricole, cette technique permet de limiter grandement les risques d’exposition des employés au produit. Ainsi, selon le rapport de l’Anses ([4]) les résultats montrent que l’exposition des employés utilisant un drone est environ 200 fois plus faible qu’un opérateur avec un matériel manuel.

Ainsi, puisque les multiples avantages de la pulvérisation par drone sont aujourd’hui avérés, une extension de ce procédé semble faire désormais l’objet d’un accueil des plus favorables.

Dans sa communication sur sa « Stratégie Drone 2.0 » ([5]) du 29 novembre 2022, la Commission européenne a elle-même souligné que l’utilisation de drones en agriculture était de plus en plus fréquente et source d’opportunités. Par ailleurs, plusieurs pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen ont d’ores et déjà recours à des drones pour l’épandage de produits phytosanitaires. Ainsi, l’Office fédéral allemand de la protection des consommateurs et de la sécurité alimentaire (BVL) a autorisé, au mois de juillet 2021, l’utilisation de drones pour l’épandage effectué sur les vignes cultivées sur des terrains en forte pente[6]. La Suisse, par la voie de son Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC), a elle aussi récemment mis en exergue tous les avantages, y compris environnementaux, de cet « épandage aérien intelligent » ([7]). De leur côté, et pour ne prendre qu’un dernier exemple, la Belgique et le Luxembourg ont également adopté des réglementations spécifiques relatives à l’épandage de produits phytopharmaceutiques par drone, l’usage de drones permettant par ailleurs de mieux surveiller les cultures, de mesurer plus précisément le degré d’hygrométrie des terres…

À l’heure où son potentiel agricole ne cesse de décliner (bien que toujours première puissance agricole européenne, la France est passée du deuxième au cinquième rang des exportateurs mondiaux en vingt ans)[8], notre pays ne peut ignorer plus longtemps cette technologie et doit donc s’engager résolument dans cette voie dont les aspects positifs sont aujourd’hui reconnus par tous les acteurs. Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

Ainsi, l’article 1er adapte le régime applicable à la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques par aéronefs sans pilotes à bord (drones). A cet effet, il permet, dans le cadre déterminé par la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009, d’autoriser le recours à des drones en vue du traitement des vignes en pente, des bananeraies et des vignes-mères de porte-greffes conduites au sol, pour certains produits à faible risque ou autorisés en agriculture biologique, lorsque celui-ci présente des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications terrestres.

Cet article permet également la mise en œuvre de programmes de pulvérisation par drones des mêmes produits sur d’autres types de parcelles et de cultures, dans le cadre d’essais dont les conditions de réalisation garantissent l’absence de risque inacceptable pour la santé et l’environnement, et les conditions dans lesquelles de tels programmes, après évaluation des résultats de ces essais par l’ANSES, seront susceptibles d’être autorisés en dehors de ce cadre pour certains types de parcelles ou de cultures lorsqu’ils présentent des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications terrestres.

 


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proposition de loi

Article 1er

L’article L. 253‑8 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa du I, sont insérés les mots : « Sous réserve du I bis, » ;

2° Au début du second alinéa du même I, sont insérées les mentions : « I bis  » ;

3° Après le second alinéa dudit I, sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :

«  Les programmes d’application par aéronef circulant sans personne à bord de produits phytopharmaceutiques de biocontrôle mentionnés à l’article L. 253‑6, de produits autorisés en agriculture biologique et de produits à faible risque au sens de l’article 47 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil peuvent être autorisés, lorsqu’ils présentent des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre, sur les parcelles agricoles en pente, les bananeraies et les vignes mères de porte‑greffes conduites au sol.

« Un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé définit les conditions d’approbation de ces programmes conformément à l’article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

« I ter. – 1° Par dérogation au I, sans préjudice du I bis et dans les conditions fixées aux 2° et 3°, des programmes d’application par aéronef circulant sans personne à bord de produits phytopharmaceutiques de biocontrôle mentionnés à l’article L. 253‑6, de produits autorisés en agriculture biologique et de produits à faible risque au sens de l’article 47 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil peuvent être autorisés, sur des types de parcelles et de cultures autres que ceux mentionnés au 2° du I bis, lorsqu’ils présentent des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre.

« 2° Les programmes mentionnés au 1° peuvent être autorisés à titre d’essai.

« Ces essais visent à identifier, pour un type déterminé de parcelles ou de cultures, les bénéfices liés à l’utilisation d’aéronefs circulant sans personne à bord pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre.

« Leurs résultats sont consolidés et font l’objet d’une évaluation par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

« Les conditions et modalités de ces essais, définies par décret, garantissent l’absence de risque inacceptable pour la santé et l’environnement.

« 3° Les types de parcelles ou de cultures pour lesquels les programmes mentionnés au 1° peuvent être autorisés autrement qu’au titre des essais mentionnés au 2° sont ceux pour lesquels il apparaît que, à l’issue de ces essais et au vu de leurs résultats, ces programmes sont susceptibles de présenter des avantages manifestes pour la santé humaine et l’environnement par rapport aux applications par voie terrestre.

« Un décret fixe les conditions dans lesquelles ces types de parcelles ou de cultures sont déterminés.

« Un arrêté des ministres chargés de l’environnement, de l’agriculture et de la santé définit les conditions d’approbation des programmes concernant ces parcelles ou cultures conformément à l’article 9 de la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. »

Article 2

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

 


([1])  Arrêté du 26 août 2019 relatif à la mise en œuvre d'une expérimentation de l'utilisation d'aéronefs télépilotés pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques

([2])  Note d’appui scientifique et technique du 1er juillet 2022 de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail relative à « l'expérimentation de l'utilisation de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques» (publiée le 14 octobre 2022)

([3])  INRAE : « Rapport sur les performances du traitement en bananeraie de forte pente – Octobre 2020, Martinique », not. Pp. 26 s.

([4])  Note d’appui scientifique et technique du 1er juillet 2022, Op. Cit

([5])  Communication from the Commission to the european Parliament, the Council, the european economic and social Committe and the Committe of the regions : ‘A Drone Strategy 2.0 for a Smart and Sustainable Unmanned Aircraft Eco-System in Europe’ (not. Points 12 s.)

([6])  https://magazine-fr.wein.plus/news/la-protection-des-plantes-par-drone-autorisee-pour-la-premiere-fois-en-allemagne-les-vehicules-aeriens-sans-pilote-peuvent-pulveriser-des-produits-sur-les-terrains-en-forte-pente

([7])  « Épandage aérien intelligent », note du 24 mars 2022

([8])  Laurent DUPLOMB, Pierre LOUAULT, Serge MÉRILLOU : Rapport d’information n° 905 du 28 septembre 2022 fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat sur la compétitivité de la Ferme France, p. 15