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N° 2669
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 mai 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à améliorer la protection et la conservation des biens historiques,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Kévin MAUVIEUX, M. Franck ALLISIO, Mme Bénédicte AUZANOT, M. Philippe BALLARD, M. Christophe BARTHÈS, M. Romain BAUBRY, M. José BEAURAIN, M. Pierrick BERTELOOT, M. Bruno BILDE, M. Emmanuel BLAIRY, Mme Sophie BLANC, M. Frédéric BOCCALETTI, Mme Pascale BORDES, M. Jorys BOVET, M. Jérôme BUISSON, M. Frédéric CABROLIER, M. Victor CATTEAU, M. Sébastien CHENU, Mme Caroline COLOMBIER, Mme Annick COUSIN, Mme Nathalie DA CONCEICAO CARVALHO, M. Jocelyn DESSIGNY, Mme Edwige DIAZ, Mme Sandrine DOGOR-SUCH, M. Frédéric FALCON, M. Thibaut FRANÇOIS, Mme Stéphanie GALZY, M. Christian GIRARD, M. José GONZALEZ, Mme Florence GOULET, Mme Géraldine GRANGIER, M. Daniel GRENON, M. Michel GUINIOT, Mme Marine HAMELET, M. Timothée HOUSSIN, M. Laurent JACOBELLI, Mme Catherine JAOUEN, M. Alexis JOLLY, Mme Laure LAVALETTE, Mme Julie LECHANTEUX, M. Hervé DE LÉPINAU, Mme Katiana LEVAVASSEUR, M. Aurélien LOPEZ-LIGUORI, M. Philippe LOTTIAUX, M. Matthieu MARCHIO, Mme Michèle MARTINEZ, Mme Alexandra MASSON, Mme Joëlle MÉLIN, M. Pierre MEURIN, M. Serge MULLER, Mme Mathilde PARIS, M. Kévin PFEFFER, Mme Lisette POLLET, M. Stéphane RAMBAUD, Mme Angélique RANC, Mme Laurence ROBERT-DEHAULT, M. Alexandre SABATOU, M. Emeric SALMON, M. Philippe SCHRECK, M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE, M. Michaël TAVERNE, M. Lionel TIVOLI,
députés et députées.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En France, le patrimoine culturel est l’un des piliers de notre identité nationale, avec environ 45 000 monuments historiques, dont les deux tiers sont inscrits au titre de cette distinction. Le patrimoine est un sujet qui rassemble puisque selon une étude récente de l’Ifop, pour 72 % des Français, l’histoire et la culture représentent la première richesse du pays, soulignant ainsi l’importance accordée à la préservation de notre patrimoine.
Cependant, malgré cette reconnaissance collective, une réalité préoccupante se dessine. La Cour des comptes alerte sur le fait que 23.3 % de ces monuments sont en mauvais état ou même en péril. La réforme de 2009, qui a transféré la responsabilité de la conservation aux propriétaires, n’a pas produit les résultats escomptés.
Un accident récent, provoqué probablement par le squat temporaire mais lourd de conséquences dans le château de Serquigny, a entraîné un incendie et des dégâts colossaux sur ce monument historique partiellement inscrit, mettant alors en lumière l’urgence d’une action plus efficace de la part de l’État.
Ainsi, la présente proposition de loi vise à remédier à cette situation en proposant des mesures concrètes pour la protection et la préservation de notre patrimoine historique.
Tout d’abord, elle se réfère à l’incident survenu au château de Serquigny en vue de renforcer l’arsenal législatif dédié à la protection des biens historiques contre toute intrusion illicite perpétrée par des individus non habilités. En effet, la vocation première de cette proposition est de qualifier l’occupation illicite d’un bien historique comme un délit majeur, amenant ainsi la reconnaissance explicite de cette infraction comme une transgression contre l’histoire. Au‑delà même de la sanction, il faut s’employer à des mécanismes de dissuasion pour prévenir ces infractions afin qu’elles ne deviennent pas courantes.
Dans un second temps, la proposition préconise d’élargir le périmètre pris en compte par le code du patrimoine, particulièrement en ce qui concerne les biens inscrits partiellement en tant que monuments historiques. Actuellement, l’entretien, la rénovation et autres travaux de préservation ne prennent pas suffisamment en compte ces cas spécifiques. De plus, les contrôles effectués par l’État se concentrent principalement sur les biens classés, négligeant ainsi une partie du patrimoine en danger.
Cette proposition de loi s’inscrit dans une vision politique cohérente, rejoignant des propositions antérieures du groupe du Rassemblement National sur la sécurité des logements et des biens immobiliers. Elle répond directement à l’actualité récente observée au sein du département de l’Eure en tirant les leçons du drame du château de Serquigny. Ce qui arrive à l’échelle locale doit servir d’inspiration à l’appareil législatif du parlement.
Enfin, cette initiative s’aligne sur le bilan sanitaire des monuments historiques proposé par Mme Marine Le Pen dans son programme de 2022, considérant chaque bien historique comme une richesse à protéger, qu’il soit classé ou inscrit, le patrimoine est le même, le symbolisme historique les unit.
Il est donc impératif d’ériger en loi une mesure de bon sens, inscrite dans une démarche globale de préservation de notre patrimoine national. Cette proposition de loi se veut le rempart protecteur de deux piliers fondamentaux, à savoir le pilier culturel et le pilier économique. Comme énoncé précédemment, la mise en péril d’un patrimoine équivaut à perdre le symbole des expériences et des enseignements tirés de l’histoire passée d’un pays. C’est également la diminution progressive des visites aux monuments historiques, éloignant ainsi écoles et familles des lieux qui façonnent l’exception culturelle française.
Cependant, au‑delà de ces considérations nationales, cette proposition de loi prend une dimension internationale cruciale. Chaque année, des milliers de touristes issus des quatre coins du globe affluent pour contempler les vestiges qui témoignent de l’histoire de notre pays. Ainsi, c’est le foyer d’un rayonnement international qu’on laisse sombrer. En cette période propice à la reprise du tourisme en France, débarrassé des entraves de la crise sanitaire, il devient essentiel de valoriser le patrimoine français. Cette proposition de lois ambitieuse s’inscrit donc comme une nécessité pour maintenir la vitalité et l’attractivité du secteur touristique en France.
Vous l’aurez compris, il est de notre devoir de protéger nos monuments, de préserver nos trésors et d’en assurer la transmission aux générations futures. En adoptant cette proposition de loi, nous affirmons notre engagement envers l’héritage qui nous a été légué, et nous contribuons à l’épanouissement d’une France rayonnante et fière de son passé.
Notre pays, nous n’en avons qu’un, alors protégeons‑le.
L’article 1er proposé enrichit le chapitre V du code pénal par l’ajout de l’article 315‑3, visant à réprimer l’occupation frauduleuse d’un logement ou d’un immeuble, notamment classé ou inscrit partiellement en tant que monument historique. Cette infraction est passible de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros. Cette disposition vise à renforcer la protection des monuments historiques en décourageant toute occupation illégale ou frauduleuse qui pourrait porter atteinte à leur intégrité.
L’article 2 complète l’article L.411‑1 du code des procédures civiles d’exécution par un nouvel alinéa, précisant que dans le cas où l’occupation illégale d’un logement ou d’un immeuble, notamment classé ou inscrit partiellement en tant que monument historique, constitue une menace à l’ordre public, l’expulsion d’urgence peut être engagée par l’autorité administrative, sans condition de durée de l’occupation illégale. Cette mesure vise à permettre une intervention rapide pour protéger les monuments historiques en cas d’occupation illicite mettant en danger leur préservation.
L’article 3 complète l’article L621‑29‑2 du code du patrimoine, permettant d’assurer la protection et la préservation des biens historiques en instaurant une obligation pour les propriétaires de ces biens de souscrire une assurance habitation spécifique. Elle s’applique à tous les biens immobiliers officiellement reconnus comme ayant une valeur historique, culturelle, architecturale ou patrimoniale classés et inscrits.
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proposition de loi
Article 1er
Le chapitre V du titre Ier du livre III du code pénal est complété par un article 315-3 ainsi rédigé :
« Art. 315-3. – L’occupation frauduleuse d’un logement, d’un immeuble ayant notamment un classement ou une inscription, totale ou partielle, en tant que monument historique, est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. »
Article 2
L’article L.411-1 du code des procédures civiles d’exécution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où l’occupation illégale ou sans droit ni titre d’un logement, d’un immeuble ayant notamment un classement ou une inscription, totale ou partielle, au titre de monument historique, constitue une atteinte à l’ordre public, l’expulsion d’urgence peut être diligentée, sans aucune condition de durée de l’occupation illégale, par l’autorité administrative »
Article 3
L’article L. 621-29-2 du code du patrimoine est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout propriétaire responsable d’un bien historique tel que défini au présent article est tenu de contracter une assurance habitation spécifique couvrant les risques liés à la détérioration, à la destruction, au vol, ainsi qu'à tout autre dommage pouvant affecter l'intégrité du bien historique en question. »