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N° 2469

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIziÈme LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril 2024.

 

TEXTE DE LA COMMISSION
des lois constitutionnelles, de la lÉgislation et de l’administration gÉnÉrale de la RÉpublique

ANNEXE AU RAPPORT

PROPOSITION  DE  LOI

 

relative à la confidentialité des consultations des juristes d’entreprise

(Première lecture)

Voir le numéro : 2033.


1

Article 1er

I. – Après l’article 58 de la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, il est inséré un article 58‑1 ainsi rédigé :

« Art. 581. – I. – Les consultations juridiques rédigées par un juriste d’entreprise ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité, au profit de son employeur, sont confidentielles.

« II. – Pour être couvertes par la confidentialité prévue au I, les consultations juridiques doivent satisfaire les conditions suivantes :

« 1° Le juriste d’entreprise ou le membre de son équipe placé sous son autorité est titulaire d’un master en droit ou d’un diplôme équivalent français ou étranger ;             

« 2° Le juriste d’entreprise justifie avoir suivi une formation aux règles éthiques.

« Ces formations sont conformes à un référentiel défini par un arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé de l’économie, pris sur proposition d’une commission dont la composition et les modalités de fonctionnement sont fixées par décret ;

« 3° Ces consultations sont destinées exclusivement :

« a) Au représentant légal, à son délégataire ou à tout autre organe de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ;

« b) À toute entité rendant des avis aux organes de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ;

« c) Aux organes de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui, le cas échéant, contrôle, au sens de l’article L. 233‑3 du code de commerce, l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ;

« d) Aux organes de direction, d’administration ou de surveillance des filiales contrôlées, au sens du même article L. 233‑3, par l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ;

« 4° Ces consultations portent la mention “confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise” et font l’objet, à ce titre, d’une identification et d’une traçabilité particulières dans les dossiers de l’entreprise et, le cas échéant, dans les dossiers de l’entreprise membre du groupe qui est destinataire desdites consultations.

« III. – Sous réserve du pouvoir de contrôle des autorités de l’Union européenne et du IV du présent article, les consultations couvertes par la confidentialité en application du présent article ne peuvent, dans le cadre d’une procédure ou d’un litige en matière civile, commerciale ou administrative, faire l’objet d’une saisie ou d’une obligation de remise à un tiers, y compris à une autorité administrative française ou étrangère. Dans ce même cadre, elles ne peuvent davantage être opposées à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou aux entreprises du groupe auquel elle appartient.

« La confidentialité n’est pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale.

« L’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise peut lever la confidentialité des documents.

«  IV. – Lorsqu’à l’occasion de l’exécution d’une mesure d’instruction ordonnée dans le cadre d’un litige civil ou commercial ou d’une opération de visite conduite dans le cadre d’une procédure administrative, la confidentialité d’une consultation est alléguée, cette dernière ne peut être appréhendée que par un commissaire de justice désigné à cette fin par décision judiciaire ou mandaté par l’autorité administrative.

« L’appréhension de la consultation a lieu en présence d’un représentant de l’entreprise et du demandeur à la mesure ou de l’autorité administrative. La consultation appréhendée est immédiatement placée sous scellé fermé par le commissaire de justice, qui dresse procès-verbal de ces opérations.

« Dans le cas d’un litige civil ou commercial, le président de la juridiction qui a ordonné la mesure d’instruction peut être saisi en référé par assignation, dans un délai de quinze jours à compter de la mise en œuvre de ladite mesure, aux fins de contestation de la confidentialité alléguée de certaines consultations.

« Dans le cas d’une opération de visite conduite dans le cadre d’une procédure administrative, le juge des libertés et de la détention peut être saisi par assignation, dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, par l’autorité administrative ayant conduit cette opération aux fins :

« 1° De contester la confidentialité alléguée de certaines consultations ;

« 2° D’ordonner la levée de la confidentialité de certaines consultations qui ont eu pour finalité de faciliter ou d’inciter à la commission de manquements passibles d’une sanction au titre de la procédure administrative concernée.

« À réception de la dénonciation qui lui est faite de l’assignation, le commissaire de justice transmet sans délai au greffe du juge saisi l’ensemble des consultations placées sous scellé ainsi qu’une copie du procès-verbal de ses opérations.

« Le juge procède à l’ouverture du scellé en présence du demandeur ou de l’autorité administrative et d’un représentant de l’entreprise.

« Après avoir entendu le demandeur ou l’autorité administrative et le représentant de l’entreprise, le juge statue sur la contestation et, le cas échéant, sur la demande de levée de la confidentialité de ces consultations.

« Le juge peut adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection de la confidentialité.

« S’il est fait droit aux demandes, les consultations sont produits à la procédure en cours. À défaut, ils sont restitués sans délai à l’entreprise.

« En l’absence de contestation ou de demande de levée de la confidentialité alléguée des consultations dans le délai de quinze jours prévu aux troisième et quatrième alinéas du présent IV, l’entreprise sollicite la restitution du scellé auprès du commissaire de justice. À l’expiration de ce délai de quinze jours, le commissaire de justice procède à la destruction du scellé si l’entreprise n’a pas sollicité sa restitution. Le commissaire de justice dresse, selon les cas, un procès-verbal de restitution ou de destruction. 

« V. – L’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou, le cas échéant, l’entreprise membre du groupe destinataire de la consultation juridique est tenue d’être assistée ou représentée par un avocat dans les procédures mentionnées au IV.

« VI. – L’ordonnance du juge des libertés et de la détention peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué. L’appel peut être formé par l’autorité administrative, par l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou, le cas échéant, par l’entreprise membre du groupe destinataire de la consultation juridique.

« Le premier président de la cour d’appel ou son délégué statue dans un délai qui ne peut être supérieur à trois mois.             

« VII. – (Supprimé)

« VIII. – Les modalités d’application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles l’entreprise assure l’intégrité des documents jusqu’à la décision de l’autorité judiciaire, sont définies par décret en Conseil d’État. »

II (nouveau). – L’article 66‑2 de la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 précitée est ainsi modifié :

 Le mot : « ou » est remplacé par le signe : « , » ;

2° Sont ajoutés les mots : « ou apposé sur tout document la mention “confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise” ».

Article 2 (nouveau)

Les titulaires d’une maîtrise en droit, des soixante premiers crédits d’un master en droit ou de l’un des titres ou diplômes reconnus comme équivalents par arrêté conjoint du ministre de la justice et du ministre chargé des universités qui justifient, à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, d’au moins huit ans de pratique professionnelle au sein du service juridique d’une ou de plusieurs entreprises ou administrations publiques sont considérés, pour l’application de l’article 58‑1 de la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, comme titulaires d’un master en droit.

Article 3 (nouveau)

Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les évolutions du métier de juriste d’entreprise et les conséquences de la confidentialité́ des avis juridiques.