N° 226

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 septembre 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à rétablir le régime de déclaration de l’instruction en famille,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Annie GENEVARD, M. Thibault BAZIN, Mme Anne-Laure BLIN, Mme Émilie BONNIVARD, M. Hubert BRIGAND, M. François-Xavier CECCOLI, Mme Josiane CORNELOUP, M. Vincent DESCOEUR, M. Fabien DI FILIPPO, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Nicolas FORISSIER, M. Philippe GOSSELIN, Mme Justine GRUET, M. Patrick HETZEL, M. Philippe JUVIN, Mme Alexandra MARTIN, Mme Frédérique MEUNIER, M. Nicolas RAY, M. Antoine VERMOREL-MARQUES, M. Jean-Pierre VIGIER,

députés.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le 6 avril 2021, M. Jean‑Michel BLANQUER, alors ministre de l’Education nationale, assurait au Sénat son attachement au principe de liberté en affirmant que « L’instruction en famille est l’une des quatre façons d’instruire les enfants en France. (…) [Elle] n’est nullement mise en cause. Le régime d’autorisation protège les libertés des familles et les droits des enfants ». Or, force est de constater, deux ans après l’entrée en vigueur de la loi n° 2021‑1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, dite loi « CRPR », que de nombreuses familles se heurtent à l’arbitraire des services académiques dans l’octroi d’autorisations, malgré l’intention du législateur, les réserves exprimées par le Conseil constitutionnel et les précisions apportées par le Conseil d’État.

La cause de ces évolutions réside dans les dispositions de la loi « CRPR », qui ont substitué au régime de déclaration de l’IEF un régime d’autorisation préalable assortie de critères restrictifs. Son article 49 modifie le régime de l’IEF en imposant une autorisation préalable des services académiques pour des motifs tirés de la situation de l’enfant et limitativement définis par la loi :

– les enfants ayant des problèmes de santé ou un handicap ;

– les enfants qui ont une activité sportive ou artistique intensive ;

– du fait de l’itinérance de la famille ou de l’éloignement géographique d’un établissement scolaire ;

– en cas de situation propre à l’enfant motivant le projet éducatif.

Comme le souligne le rapport 2023 de la médiatrice de l’Éducation nationale précité, « (…) les contours du dernier motif sont plus flous, susceptibles d’interprétations diverses, et à l’origine d’une réelle incompréhension, voire d’une défiance de la part d’un grand nombre de familles ».

En vue de la prochaine rentrée scolaire, des centaines de familles ont été confrontées à de grandes difficultés au moment de demander une autorisation de pratiquer l’instruction en famille (IEF) : le nombre d’enfants suivant l’IEF a ainsi diminué de 27 % depuis l’adoption de la loi « CRPR ». Le nombre de réclamations auprès des médiateurs de l’Education nationale témoigne de cette baisse : elles ont été multipliées par dix par rapport à l’année dernière, passant de 30 à 302, dont 54 % liées à des refus de l’IEF par l’administration. Les conséquences de ces refus sont désastreuses : fratries séparées, enfants en difficulté scolaire,…

Cette hausse drastique des refus opposés aux familles est liée à la suppression, à partir de septembre prochain, des dérogations accordées par l’administration aux familles ayant déjà recours à l’IEF avant l’entrée en vigueur de la loi et pour lesquelles les contrôles étaient positifs, permettant de la poursuivre de plein‑droit sans avoir à demander d’autorisation annuelle. Il convient en particulier de souligner que 40 % des demandes faites en vertu du quatrième motif ont été refusées sur l’ensemble du territoire depuis la rentrée scolaire 2022.

Cette situation entraîne un désarroi des familles d’autant plus important que les Directions des services départementaux de l’Education nationale (DSDEN) chargées d’instruire les dossiers sont plus ou moins souples d’un département à l’autre.

Ce nouveau cadre législatif a ainsi fait croître la défiance des familles depuis l’entrée en vigueur de la loi en septembre 2022, notamment du fait du risque d’être condamné à six mois d’emprisonnement et à 7 500 euros d’amende pour les parents pratiquant l’IEF sans en avoir demandé l’autorisation et refusant de scolariser leur enfant après avoir été mis en demeure de le faire.

En outre, les saisines de la médiation, à l’instar des recours auprès des tribunaux administratifs, ont essentiellement porté sur le quatrième motif et n’ont pas permis de clarifier la portée des nouvelles dispositions, notamment la question de savoir si la présentation d’un projet pédagogique suffisait ou s’il fallait que l’enfant soit dans une situation particulière justifiant l’instruction en famille.

Le Conseil constitutionnel a néanmoins considéré par une réserve d’interprétation dans sa décision n° 2021‑823 DC du 13 août 2021 que la situation propre de l’enfant n’a pas à être précisée par les parents, pourvu que le projet pédagogique soit détaillé.

Enfin le changement de paradigme entre le projet de vie de la famille et le projet éducatif propre à l’enfant, doublé de la durée d’autorisation accordée pour une seule année alimentent un fort sentiment d’insécurité pour grand nombre de familles, sans compter la charge administrative liée à la répétition des procédures annuelles.

Cette situation fait l’objet d’une incompréhension d’autant plus grande que cette mesure radicale apparaît dérisoire face à la finalité recherchée de lutte contre l’endoctrinement et le séparatisme, alors que 92,8 % des contrôles IEF ont été positifs en 2020. En vue de rétablir durablement la confiance entre l’État et les parents, premiers éducateurs des enfants, et de mettre fin à l’insécurité juridique et aux ruptures d’égalité engendrées par l’application de la loi « CRPR », cette proposition de loi vise à rétablir le régime déclaratif de l’IEF en revenant sur le régime dérogatoire mis en place depuis la rentrée 2022. L’instruction en famille resterait encadrée, comme précédemment, par un contrôle de la mairie et un contrôle pédagogique.

L’article 1er supprime le régime dérogatoire mis en place par la loi « CRPR ».

L’article 2 réintroduit la déclaration annuelle ouvrant la possibilité d’instruire l’enfant en famille.

L’article 3 abroge les articles L. 131‑5‑1 et L. 131‑5‑2 du code de l’éducation relatifs à la mise en demeure et aux sanctions prévues en cas de pratique de l’IEF sans autorisation.

L’article 4 réécrit l’article L. 131‑10 du code de l’éducation relatif au contrôle de l’IEF.

L’article 5 abroge l’article L. 131‑10‑1 du code de l’éducation relatif à la valorisation des acquis des personnes autorisées à donner l’IEF.

L’article 6 procède à des mises en cohérence au sein du code de l’éducation.

L’article 7 modifie le code de la sécurité sociale relatif au versement des prestations familiales afférentes à un enfant soumis à l’obligation scolaire.

L’article 8 régit l’entrée en vigueur de la présente proposition de loi

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

Le premier alinéa de l’article L. 131‑2 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« L’instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux. »

Article 2

L’article L. 131‑5 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Après le mot : « bien », la fin du premier alinéa est ainsi rédigée : « déclarer au maire et à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, qu’elles lui feront donner l’instruction dans la famille. Dans ce cas, il est exigé une déclaration annuelle. »

2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « ou de choix d’instruction » ;

3° Les quatrième à seizième alinéas sont supprimés ;

4° Au dix‑huitième alinéa, les mots : « du présent code » sont supprimés ;

Article 3

Les articles L.131‑5‑1 et L.131‑5‑2 du code de l’éducation sont abrogés.

Article 4

L’article L. 131‑10 du code de l’éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 13110. - Les enfants soumis à l’obligation scolaire qui reçoivent l’instruction dans leur famille, y compris dans le cadre d’une inscription dans un établissement d’enseignement à distance, sont dès la première année, et tous les deux ans, l’objet d’une enquête de la mairie compétente, uniquement aux fins d’établir quelles sont les raisons alléguées par les personnes responsables, et s’il leur est donné une instruction dans la mesure compatible avec leur état de santé et les conditions de vie de la famille. Le résultat de cette enquête est communiqué à l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation.

« Lorsque l’enquête n’a pas été effectuée, elle est diligentée par le représentant de l’État dans le département.

« L’autorité de l’État compétente en matière d’éducation doit au moins une fois par an, à partir du troisième mois suivant la déclaration d’instruction par la famille, faire vérifier que l’enseignement assuré est conforme au droit de l’enfant à l’instruction tel que défini à l’article L. 131‑1‑1.

« Ce contrôle prescrit par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation a lieu notamment au domicile des parents de l’enfant. Il vérifie notamment que l’instruction dispensée au même domicile l’est pour les enfants d’une seule famille.

« Ce contrôle est effectué sans délai en cas de défaut de déclaration d’instruction par la famille, sans préjudice de l’application des sanctions pénales.

« Le contenu des connaissances requis des élèves est fixé par décret.

« Les résultats de ce contrôle sont notifiés aux personnes responsables avec l’indication du délai dans lequel elles devront fournir leurs explications ou améliorer la situation et des sanctions dont elles seraient l’objet dans le cas contraire.

« Si, au terme d’un nouveau délai fixé par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, les résultats du contrôle sont jugés insuffisants, les parents sont mis en demeure, dans les quinze jours suivant la notification, d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement public ou privé et de faire connaître au maire, qui en informe l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’ils auront choisi ».

Article 5

L’article L.131‑10‑1 du code de l’éducation est abrogé.

Article 6

Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 131‑11, la référence : « L. 131‑5‑1, » est supprimée ;

2° À la première phrase de l’avant‑dernier alinéa de l’article L. 311‑1, les mots : « l’autorisation » sont remplacés par les mots : « la déclaration annuelle ».

Article 7

L’article L. 552‑4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa, les mots : « de l’autorisation délivrée par l’autorité compétente de l’État en application de l’article L. 131‑5 du code de l’éducation » sont remplacés par les mots : « d’un certificat de l’autorité compétente de l’État attestant que l’enfant est instruit dans sa famille, soit d’un certificat médical attestant qu’il ne peut fréquenter régulièrement aucun établissement d’enseignement en raison de son état de santé » ;

2° L’avant‑dernière phrase du deuxième alinéa est supprimée.

Article 8

La présente loi entre en vigueur lors de la rentrée scolaire suivant sa promulgation.

Article 9

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.