N° 237
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 septembre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à rendre inéligibles les personnes inscrites à la catégorie « atteinte à la sûreté de l’État » du fichier des personnes recherchées,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Virginie DUBY-MULLER, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, Mme Anne-Laure BLIN, Mme Émilie BONNIVARD, M. Fabrice BRUN, Mme Annie GENEVARD, M. Philippe GOSSELIN, Mme Justine GRUET, M. Guillaume LEPERS, Mme Alexandra MARTIN, M. Yannick NEUDER, Mme Frédérique MEUNIER, M. Jérôme NURY, Mme Christelle PETEX, M. Éric PAUGET, M. Alexandre PORTIER, M. Nicolas RAY, M. Vincent ROLLAND, M. Jean-Pierre TAITE, M. Jean-Pierre VIGIER, M. Jean-Pierre BATAILLE, M. Joël BRUNEAU, M. Romain DAUBIÉ, Mme Constance LE GRIP, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Lise MAGNIER, Mme Maud PETIT, Mme Violette SPILLEBOUT, M. Stéphane TRAVERT, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Stéphane VIRY,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Dans un monde toujours plus violent et instable, il est de la responsabilité du législateur de protéger les institutions de la République afin d’empêcher d’accéder à certaines fonctions politiques des personnes dangereuses et dont les intentions violentes visent à créer les conditions du chaos dans notre pays. Il en va du maintien de l’ordre public et de la protection de la sûreté de l’État.
Au sein du fichier des personnes recherchées, les fiches S désignent les dossiers relatifs à la « sûreté de l’État ». Il désigne les individus qui par leurs actions individuelles ou collectives, directement ou indirectement, sont susceptible de porter atteinte à la sûreté de l’État ou à la sécurité publique par le recours ou le soutien actif apporté à la violence, ainsi que toute personne entretenant ou ayant des relations directes et non fortuites avec ces personnes. Les fiches sont inscrites par quatre services : la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le service central du renseignement territorial (SCRT), la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) et la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN).
Les parlementaires en tant qu’élus de la Nation sont amenés à occuper des fonctions spécifiques dans nos institutions politiques et à disposer de pouvoirs qui imposent une grande responsabilité. À titre d’exemple, des parlementaires siègent à la Délégation parlementaire au renseignement et peuvent donc avoir accès à des documents secrets et particulièrement sensibles. Autre exemple, l’article 719 du code de procédure pénale autorise les parlementaires « à visiter à tout moment les locaux de garde à vue, les locaux des retenues douanières définies à l’article 323‑1 du code des douanes, les lieux de rétention administrative, les zones d’attente, les établissements pénitentiaires et les centres éducatifs fermés mentionnés à l’article L. 113‑7 du code de la justice pénale des mineurs. ». Par conséquent, un individu jugé dangereux par des services de police ou de renseignement est autorisé à accéder à tout moment aux établissements sécurisés.
On ne peut que s’interroger sur la pertinence d’autoriser un individu fiché pouvant mettre en péril la sûreté de l’État de pouvoir accéder à des informations ou à des lieux sensibles sans préavis et sans limitations de sécurité. Cela pose la question de la sécurité et de la sûreté nationale.
Dans le reste de la société, un agent de sécurité perdra son emploi immédiatement pour des raisons de sûreté à partir du moment où il se retrouve fiché S. Depuis plusieurs années, notamment dans le cadre d’une menace terroriste accrue, le législateur a renforcé les enquêtes administratives dans plusieurs secteurs stratégiques concernant la sûreté de l’État : emplois publics participant à l’exercice des missions de souveraineté de l’État ; emplois publics ou privés relevant du domaine de la sécurité ou de la défense ; emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses ; accès à des zones protégées en raison de l’activité qui s’y exerce ; utilisations de matériels ou produits présentant un caractère dangereux. Cela est normal et sain, pourtant à un poste de responsabilité, tel qu’élu de la Nation, aucun contrôle a priori n’est effectué. Et cette situation n’empêche pas un individu de se présenter aux élections.
Les élections législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet 2024 ont démontré qu’il est possible pour un individu fiché S de se faire élire à la fonction de député.
Afin de sensibiliser à cette situation qui pourrait se reproduire à l’avenir, avec une volonté grandissante de l’extrême‑gauche de pratiquer l’entrisme dans nos institutions et avec une volonté assumée d’entrainer le pays vers le chaos, il convient de protéger nos institutions en empêchant la possibilité de ces situations.
C’est pourquoi cette proposition de loi vise à instaurer un « criblage » des candidatures aux élections, quel que soit le type de scrutin : scrutin de liste, scrutin binominal ou scrutin uninominal. La proposition qui est faite tend donc, lors des déclarations de candidature en préfecture, à permettre au préfet ou au représentant de l’État dans le département de vérifier si le candidat est fiché S au fichier des personnes recherchées.
S’il est avéré que le candidat est fiché S au fichier des personnes recherchées, le préfet en tire les conséquences suivantes :
en cas de scrutin de liste, informer la tête de liste afin qu’elle remplace sous 24 heures le candidat fiché ou refuser de délivrer le récépissé de dépôt lorsque la tête de liste est elle‑même fichée ou refuse de remplacer un membre de sa liste fiché ;
en cas de scrutin binominal ou uninominal, refuser de délivrer le récépissé de dépôt lorsqu’un candidat ou un remplaçant est fiché.
À cette fin, la catégorie « sûreté de l’État » du fichier des personnes recherchées est consultable par le préfet ou une personne dûment habilitée par lui au moment du dépôt des candidatures.
Comme toute décision en matière de dépôt des candidatures, cette décision administrative de refus pourra être contestée dans les conditions déjà prévues par le code électoral par une saisine du tribunal administratif dans les 24 heures, suivie d’un jugement rendu sous trois jours ; en cas de contestation, si le tribunal administratif ne se prononce pas dans les 72 heures, le droit électoral s’appliquerait et la candidature serait validée.
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proposition de loi
Article unique
I. — Le code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 156 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être candidat s’il est inscrit à la catégorie « atteinte à la sûreté de l’État » du fichier des personnes recherchées. La responsabilité incombe au préfet de vérifier la situation des candidats. » ;
2° L’article L. 210‑1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être candidat s’il est inscrit à la catégorie « atteinte à la sûreté de l’État » du fichier des personnes recherchées. La responsabilité incombe au préfet de vérifier la situation des candidats. » ;
3° L’article L. 255‑2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être candidat s’il est inscrit à la catégorie « atteinte à la sûreté de l’État » du fichier des personnes recherchées. La responsabilité incombe au préfet de vérifier la situation des candidats. » ;
4° L’article L. 263 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être candidat s’il est inscrit à la catégorie « atteinte à la sûreté de l’État » du fichier des personnes recherchées. La responsabilité incombe au préfet de vérifier la situation des candidats. » ;
5° L’article L. 272‑2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être candidat s’il est inscrit à la catégorie « atteinte à la sûreté de l’État » du fichier des personnes recherchées. La responsabilité incombe au préfet de vérifier la situation des candidats. » ;
6° L’article L. 302 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être candidat s’il est inscrit à la catégorie « atteinte à la sûreté de l’État » du fichier des personnes recherchées. La responsabilité incombe au préfet de vérifier la situation des candidats. » ;
7° L’article L. 348 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être candidat s’il est inscrit à la catégorie « atteinte à la sûreté de l’État » du fichier des personnes recherchées. La responsabilité incombe au préfet de vérifier la situation des candidats. » ;
II. — L’article 5‑1 de la loi n° 77‑729 du 7 juillet 1977 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être candidat s’il est inscrit à la catégorie « atteinte à la sûreté de l’État » du fichier des personnes recherchées. La responsabilité incombe au préfet de vérifier la situation des candidats. »