N° 297

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2024.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à abroger le droit du sol et le double droit du sol à Mayotte,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Estelle YOUSSOUFFA,

députée.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Mayotte est française depuis 1841 et sa population a réaffirmé par les urnes son appartenance à la République : en 2011, après des décennies de lutte politique et un vote massif par référendum, l’archipel devient le 101e département français. Mayotte continue ainsi son parcours historiquement singulier d’un attachement irréductible à la France, d’un lien unique avec la mère patrie alors que les Comores voisines contestent et revendiquent depuis leur indépendance cet archipel de 374 km² niché dans le Canal du Mozambique.

La départementalisation offre à Mayotte une sécurité statutaire mais aussi un ancrage dans la France : en réaction, on observe à partir de cette période, une augmentation drastique de l’immigration comorienne à Mayotte et un durcissement du discours de revendication avec un encouragement officiel à l’émigration estimant que les « Comoriens sont chez eux à Mayotte ». Les Comores entrent indiscutablement dans une logique d’instrumentalisation des flux migratoires pour déstabiliser Mayotte et prendre possession de ce département français par la démographie.

D’après les données fournies par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), en 2015, plus d’un adulte sur deux vivant à Mayotte n’y est pas né. Les natifs des Comores constituent une part importante de cette population, représentant à eux seuls au minimum 42 % (puisque les données ne prennent pas en compte la population étrangère en situation irrégulière qui, par définition, vit dans la clandestinité).

Depuis plusieurs années, l’immigration massive engendre une saturation des services publics, qui peinent à faire face à une population en constante augmentation. En outre, on observe une dislocation de l’équilibre social et politique, entraînant un affaiblissement notable de l’autorité publique.

Les tensions qui en résultent remettent en cause la stabilité et la sécurité de l’île, créant un climat d’insécurité pour les Mahorais.

Ce phénomène est d’autant plus préoccupant qu’il s’inscrit dans le cadre plus large des menaces hybrides identifiées par l’Union européenne et l’OTAN, qui soulignent l’instrumentalisation des flux migratoires comme un moyen de déstabilisation via l’asphyxie des infrastructures publiques et l’abus des règles et lois du pays d’accueil.

Le Conseil d’État dans son avis n° 394925 rendu le 5 juin 2018 relatif à la proposition de loi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d’acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers, enregistré à la Présidence du Sénat le 25 avril 2018, résume la situation à Mayotte en ces termes : « il résulte de la situation géographique et historique de Mayotte que les ressortissants d’une seule nationalité, les Comoriens, représentent 94 % des étrangers vivant à Mayotte alors que l’Union des Comores ne reconnaît pas l’appartenance de Mayotte à la République française […] la venue de ces personnes […] conduit à ce que des enfants soient laissés sans prise en charge sur le territoire mahorais alors que leurs parents sont éloignés du territoire. Cette situation emporte également des conséquences en termes d’ordre public. ».

En adaptant le droit du sol à Mayotte, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie avait pour objectif de réduire l’immigration illégale. Depuis cette date, pour qu’un enfant étranger né à Mayotte puisse acquérir la nationalité par le droit du sol, il est exigé que l’un de ses parents ait résidé de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois à sa naissance. Or, depuis sa mise en place, on observe que l’objectif de la loi n’a pas été atteint. Il a même accéléré le phénomène de reconnaissance frauduleuse de paternité. En l’espèce, on observe qu’un étranger en situation régulière depuis au moins trois mois peut reconnaitre un nouveau‑né pour que ce dernier puisse bénéficier à terme du droit du sol et pour que, conséquemment, sa famille bénéficie du droit au séjour qui en découle. Il est impossible à l’administration de dénoncer les conséquences des fraudes massives à la reconnaissance de paternité.

Aujourd’hui, Mamoudzou reste la première maternité de France, avec un chiffre de plus de 10 000 naissances par an. Selon l’enquête nationale prénatale dans les départements et régions d'outre-mer (DROM), menée en 2021 par l’Agence régionale de santé et Santé publique France et publiée en septembre 2023 : 74 % des femmes qui accouchent à Mayotte sont étrangères. Ces mères étrangères sont majoritairement (à 67,6 %) originaires des Comores.

Aussi, 85 % des titres délivrés et renouvelés à Mayotte relèvent de l’immigration familiale, contrastant fortement avec le taux de 38 % observé dans le reste de la France. Ces chiffres soulignent la spécificité de la situation mahoraise, où 46 % des titres de séjour délivrés ou renouvelés concernent des parents d’enfants français, totalisant 7 289 cas, tandis que 37 % sont liés à des liens privés et familiaux, représentant 5 905 cas. En comparaison, ces mêmes catégories ne représentent que 5 % et 14 % des titres délivrés et renouvelés sur l’ensemble du territoire français.

Par un détournement du droit du sol explicité par les statistiques démographiques et du ministère de l’intérieur, on constate que les enfants étrangers nés à Mayotte sont utilisés par leurs parents pour obtenir des titres de séjour puis la nationalité française. Protégés de toute expulsion jusqu’à l’examen de leur demande de nationalité française à leur majorité, ces mineurs étrangers créent par le lien familial une protection pour leurs proches : par distorsion, le droit du sol agit à Mayotte comme un encouragement à l’explosion démographique étrangère et un outil au service du projet comorien de déstabilisation.

Certains observateurs craignent que, derrière cette situation alarmante, l’espoir secret de certains ne soit qu’avec la mise en minorité et l’effacement progressifs de la population mahoraise, les Comores réalisent leur projet de renversement démographique et l’arrachement de Mayotte à la France.

Plus encore, le contexte régional et géographique de Mayotte a servi d’argumentaire pour prévenir tout développement et investissement dans le département au motif que cela augmenterait son attractivité et le péril migratoire : la fin du droit du sol serait à cet égard indispensable pour enfin permettre à Mayotte d’accéder à l’alignement des droits sociaux, des infrastructures et services publics de département français.

Dans ce contexte, il apparaît clairement qu’il est urgent de prendre des mesures efficaces pour enrayer l’explosion des naissances d’enfants étrangers à Mayotte. Les gouvernements successifs ont reconnu le caractère exceptionnel de la crise migratoire qui frappe Mayotte et le risque de la voir s’aggraver si des mesures significatives ne sont pas mises en place rapidement.

Ce phénomène constitue un abus manifeste du droit du sol et nécessite une action rapide de la République française pour garantir sa souveraineté, protéger Mayotte de la prédation étrangère et permettre aux Français de Mayotte d’accéder à tous leurs droits.

La présente proposition de loi constitutionnelle à l’article unique vise à abroger l’application du droit du sol et du double droit du sol à Mayotte.

 


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PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Après l’article 73 de la Constitution, il est inséré un article 73‑1 ainsi rédigé :

« Art. 731. – Les personnes nées à Mayotte de parents étrangers ne peuvent se voir attribuer la nationalité française du seul fait de la naissance d’un de leurs parents sur ce territoire ou l’acquérir du fait de leur naissance et résidence sur ce territoire.

« La nationalité française ne peut leur être conférée que par décision de l’autorité publique dans des conditions déterminées par la loi.

« Les dispositions du présent article sont applicables aux personnes encore mineures à la date de son entrée en vigueur. »