N° 342
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à créer un véritable statut de repenti,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Sacha HOULIÉ,
député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
« Les témoins, soit ils ne viennent pas vers la justice parce qu’ils sont complices, soit ils ont la trouille chevillée au corps ». Ainsi parlait en avril 2024, le Garde des Sceaux, Éric Dupond‑Moretti, faisant part de sa légitime volonté de refonder le statut français des repentis.
S’inspirant de ce qui fonctionne de l’autre côté des Alpes pour lutter contre la mafia et de l’existence en Italie d’un véritable statut du repenti, il était alors proposé de tirer les conséquences du caractère trop restrictif et donc trop peu efficace de l’actuel dispositif.
Les dispositions relatives aux repentis ont été étendues et complétées par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité afin de lutter plus efficacement contre la criminalité organisée.
Cependant, ce dispositif n’a été pleinement mis en œuvre pratique qu’à compter de 2014 ([1]). Il permet aux auteurs d’infractions qui ont contribué à éviter la réalisation d’infractions, à faire cesser ou à atténuer le dommage causé par une infraction ou encore à identifier les auteurs ou complices d’infractions, de bénéficier à la fois d’exemptions ou de réductions de peine et d’un programme de protection et de réinsertion mis en œuvre par la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR) ([2]).
Ce dispositif, prévu à l’article 132‑78 du code pénal, permet ainsi, pour certains crimes ou délits, lorsque la loi le prévoit :
– À une personne qui a tenté de commettre un crime ou un délit d’être exempte de peine lorsqu’ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter la réalisation de l’infraction et, le cas échéant, d’identifier les autres auteurs ou complices ;
– A une personne qui a commis un crime ou un délit, de réduire la durée de la peine privative de liberté qu’elle encourt, lorsque, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, elle a permis d’éviter de faire cesser l’infraction d’éviter que ces infractions ne produisent un dommage ou d’en identifier les autres auteurs ou complices.
Ce dispositif demeure très peu utilisé par les juridictions françaises, ce qui est particulièrement regrettable à l’heure où prospère la criminalité organisée et particulièrement le trafic de stupéfiants. D’après les chiffres dont disposent les auteurs de la proposition de loi, malgré l’élucidation de certaines grandes affaires dont la fameuse bande ajaccienne du « Petit‑Bar », seuls 60 repentis ([3]) ont été pris en charge, le plus souvent des « petites mains ».
L’article unique de la présente proposition de loi vise donc à apporter des améliorations à ce dispositif afin d’en faire un outil pleinement opérant. En effet, la résolution des affaires, particulièrement celles liées aux assassinats et aux meurtres se heurte souvent à l’impossibilité de recueillir des témoignages dans un milieu particulièrement taiseux.
Or, les déclarations des personnes ayant participé à des organisations criminelles sont déterminantes pour élucider ces affaires.
Par conséquent, les conditions d’octroi de la réduction de peine doivent être élargies afin d’encourager les personnes qui ont participé à la commission des infractions à collaborer avec l’autorité administrative ou judiciaire.
En premier lieu, le dispositif de réduction de peine ne doit plus être réservé uniquement à ceux qui, ayant participé à la commission d’une infraction, ont averti les autorités de son existence, mais également étendu aux mis en cause qui font des déclarations au cours de l’enquête ou de l’instruction permettant d’identifier les auteurs et complices.
En deuxième lieu, il convient d’introduire un dispositif de réduction de peine pour les repentis des crimes de meurtre et d’assassinat, lorsque leur collaboration avec la justice a permis d’identifier leurs coauteurs ou complices. Ce même dispositif est également introduit pour les repentis ayant participé à une association de malfaiteurs, lorsque leur collaboration avec la justice a permis d’éviter la commission d’une infraction préparée par l’organisation criminelle ou d’identifier les auteurs ou complices de l’infraction préparée.
Bien évidemment, le statut de repenti pourra être révoqué à tout moment si les déclarations se révèlent inexactes ou incomplètes ou encore si le repenti concerné commet de nouvelles infractions.
Enfin, le travail préalable au dépôt du présent texte a permis de s’assurer que le nouveau statut de repenti n’aurait aucune incidence financière pour le contribuable. Il est prévu que ce dispositif soit intégralement financé par la saisie et la confiscation des avoirs criminels qui vient d’être plus largement admis par la loi n° 2024‑582 du 24 juin 2024 améliorant l’efficacité des dispositifs de saisies et de confiscations des avoirs criminels. En 2023, le montant total de ses saisies s’est élevé, selon les déclarations du Ministère de la Justice, à près de 1,4 milliard d’euros.
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proposition de loi
Article unique
Le code pénal est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l’article 132‑78, après le mot : « judiciaire, », sont insérés les mots : « ou ayant fait des déclarations au cours de l’enquête ou de l’information judiciaire, ».
2° Après le premier alinéa de l’article 221‑5‑3, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« La peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice d’un assassinat est ramenée à trente ans de réclusion criminelle si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, ou ayant fait des déclarations au cours de l’enquête ou de l’information judiciaire, il a permis d’identifier les autres auteurs ou complices.
« La peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice du crime de meurtre est réduite de moitié si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, ou ayant fait des déclarations au cours de l’enquête ou de l’information judiciaire, il a permis d’identifier les autres auteurs ou complices. Lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité, celle‑ci est ramenée à trente ans de réclusion criminelle. »
3° L’article 450‑2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice du délit prévu par l’article 450‑1 est réduite de moitié si, ayant averti les autorités administratives ou judiciaires, ou ayant fait des déclarations au cours de l’enquête ou de l’information judiciaire, elle a permis d’éviter la commission d’une infraction préparée par le groupement ou l’entente ou d’identifier les auteurs ou complices de l’infraction préparée. »
([1]) La mise en œuvre pratique de ce dispositif n’a pu être pleinement effective qu’à compter du décret du 17 mars 2014 et de la convention du 24 mars 2015.
([2]) La CNPR est une commission administrative placée auprès du ministre de l’Intérieur. Sa composition, sa saisine et son fonctionnement sont précisés par les décrets du 17 mars 2014 et du 5 décembre 2016. Présidée par un magistrat hors hiérarchie de l’ordre judiciaire, la CNPR est composée de 8 membres qui sont à parité des magistrats de l’ordre judiciaire (outre le président, deux magistrats exerçants ou ayant exercé au sein d’une Juridiction Interrégionale Spécialisée dans la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance économique et financière, et un magistrat représentant le ministère de la Justice), ainsi que des représentants de la police, la DGSI, la gendarmerie et les douanes. Elle comprend en outre un représentant du service interministériel d’assistance technique au ministère de l’Intérieur ayant voix consultative.
([3]) Ce chiffre est à mettre en rapport avec les 2000 à 3000 collaborateurs de justice protégés par ce statut par la loi italienne.