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N° 352
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à reconnaître et réglementer la profession de graphothérapeute,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Alexandra MARTIN, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Mickaël COSSON, M. Richard RAMOS, M. Nicolas RAY, Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, M. Hubert BRIGAND, Mme Josiane CORNELOUP, M. Éric PAUGET, M. Jean-Pierre TAITE, M. Henri ALFANDARI, M. Hubert OTT, M. François GERNIGON, M. Michel HERBILLON, Mme Félicie GÉRARD, M. Thierry BENOIT, Mme Stella DUPONT, M. Paul-André COLOMBANI, M. Yannick MONNET, M. Stéphane VIRY, Mme Béatrice PIRON, M. Christophe PLASSARD, Mme Laetitia SAINT-PAUL, M. Xavier ROSEREN, Mme Béatrice BELLAMY, Mme Lise MAGNIER, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Christophe NAEGELEN, M. Vincent THIÉBAUT, Mme Prisca THEVENOT, Mme Louise MOREL, M. Karim BENBRAHIM, Mme Véronique RIOTTON, Mme Justine GRUET, M. Antoine VERMOREL-MARQUES, Mme Sandrine JOSSO, M. François-Xavier CECCOLI, Mme Joséphine MISSOFFE, M. Jean MOULLIERE, Mme Sylvie BONNET, M. Charles SITZENSTUHL, M. Erwan BALANANT, M. David GUERIN, Mme Aurore BERGÉ, Mme Danielle BRULEBOIS, M. Charles DE COURSON, M. Corentin LE FUR, Mme Anne BERGANTZ, Mme Annie VIDAL, Mme Laure MILLER, M. Bertrand SORRE, M. Éric MARTINEAU, Mme Julie DELPECH, Mme Maud PETIT, M. Jérémie IORDANOFF, Mme Christelle PETEX, M. Laurent CROIZIER, Mme Valérie ROSSI, Mme Danièle CARTERON, Mme Virginie DUBY-MULLER, Mme Marie-José ALLEMAND, M. Paul MIDY, M. Jean LAUSSUCQ, Mme Violette SPILLEBOUT, M. Xavier ALBERTINI, Mme Delphine LINGEMANN, M. Jean-Michel JACQUES, M. Didier LE GAC, Mme Géraldine BANNIER, M. Nicolas BONNET, Mme Naïma MOUTCHOU, M. Arthur DELAPORTE, Mme Élisabeth DE MAISTRE, M. Joël BRUNEAU, Mme Sandra MARSAUD, Mme Marie-Agnès POUSSIER-WINSBACK, Mme Sabine THILLAYE, Mme Catherine HERVIEU, M. Daniel LABARONNE, Mme Léa BALAGE EL MARIKY,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Cette proposition de loi entend réglementer la profession de graphothérapeute, une discipline essentielle pour l’accompagnement des enfants et adolescents en difficulté avec l’écriture manuscrite. Face à l’importance croissante de cette pratique dans les parcours d’apprentissage et de soins, il est devenu indispensable d’établir un cadre légal clair pour garantir la qualité des interventions et protéger les enfants et les adolescents qui consultent.
L’écriture manuscrite occupe une place centrale dans les apprentissages scolaires dès les premières années de l’éducation. De nombreuses études soulignent son importance dans le développement cognitif et les processus d’apprentissage. En particulier, les travaux de Bonneton‑Botté, Guilbert et Bara (2019) ont montré que l’écriture manuscrite est une activité motrice complexe, nécessitant un apprentissage structuré et progressif. Morin, Bara et Alamargot (2017) ont également démontré l’importance d’un apprentissage précis de l’écriture manuscrite à l’école. Ils soulignent aussi la nécessité d’interventions spécifiques pour les enfants présentant des difficultés.
Ces recherches mettent en lumière que l’écriture manuscrite ne se limite pas à la transcription des idées, mais est un processus cognitif complexe, influençant la mémoire, la concentration et même la créativité. Elles soulignent que l’apprentissage des compétences d’écriture est un levier fondamental pour le développement global des élèves, nécessitant des interventions précoces et adaptées pour ceux en difficulté.
De nombreux enfants et adolescents rencontrent en effet des difficultés significatives avec l’écriture manuscrite, ce qui peut avoir des répercussions sur leurs performances académiques, leur estime de soi et, à terme, sur leur parcours de vie. Actuellement, environ 800 graphothérapeutes exercent en France, y compris dans les territoires d’Outre‑Mer. Formés par des organismes privés, ils prennent en charge chaque année plusieurs dizaines de milliers d’enfants en difficulté avec leur écriture manuscrite (problème de lisibilité ou/et de vitesse, de posture, d’apprentissage inadapté, problème consécutif à un handicap souvent neurodéveloppemental, ayant été ou non diagnostiqué - dysphasie, dyslexie, dyspraxie, TDA‑H, TSA…).
Le graphothérapeute s’inscrit, de facto, dans le parcours d’accompagnement des troubles neurodéveloppementaux en tant qu’acteur du repérage et réfère près de 55 % des enfants et adolescents suivis auprès de spécialistes des secteurs médicaux, paramédicaux ou médico‑sociaux.
En effet, le graphothérapeute doit procéder en première intention à un bilan initial de l’écriture manuscrite. Les épreuves, issues de tests normés, et observations effectuées au cours de ce rendez‑vous, ainsi que lors des séances de remédiation, permettent de repérer d’éventuelles difficultés ne concernant pas le suivi en graphothérapie et d’orienter vers un professionnel agréé.
Bien que la profession de graphothérapeute joue un rôle crucial dans la rééducation des difficultés de l’écriture manuscrite, elle n’est toujours pas encadrée par une réglementation claire. Cette situation a conduit à la prolifération de formations de courte durée, fournissant des bases souvent insuffisantes pour répondre aux exigences de ce métier spécialisé. De plus, en l’absence d’un cadre normatif, des titres flous tels que « orthographothérapeute » ou « psychographothérapeute » se multiplient, semant la confusion chez les familles et au sein du milieu professionnel.
L’absence de réglementation a également conduit à des dérives dans les pratiques professionnelles. Par exemple, certaines interventions inefficaces, souvent proposées par des praticiens non qualifiés, retardent la progression des enfants en difficulté. Il arrive également que des enfants se voient proposer des remédiations sans évaluation préalable de leurs difficultés spécifiques. Ces situations nuisent à la qualité des soins prodigués et compromettent le bien‑être des enfants.
Il est donc urgent de réglementer cette profession pour garantir un niveau de qualification uniforme et d’adapter la formation des praticiens aux exigences réelles de leur métier, à l’image d’autres professions paramédicales.
Cette proposition de loi a pour objectif de :
– Reconnaître la profession de graphothérapeute, en l’intégrant dans le code de la santé publique comme une profession auxiliaire de santé ;
– Favoriser une collaboration pluridisciplinaire en instaurant un cadre de coopération avec d’autres professionnels de santé (orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes, orthoptistes) pour une prise en charge optimale des troubles neurodéveloppementaux.
La reconnaissance officielle de la profession de graphothérapeute permettra d’assurer des soins de qualité aux enfants et adolescents en difficulté. En clarifiant les conditions d’exercice, cette loi renforcera la confiance des familles et des professionnels de santé. Elle répond à une attente forte des enseignants (premiers prescripteurs), des parents et des praticiens, conscients de l’importance de l’écriture manuscrite dans le parcours scolaire et le développement des enfants.
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Proposition de loi
Article 1er
Le livre III de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un titre X ainsi rédigé :
« Titre X
« Profession de graphothérapeute
« Chapitre Ier
« Règles liées à l’exercice de la profession
« Art. L. 4395‑1. – Est considérée comme exerçant la profession de graphothérapeute toute personne qui, non médecin, prend en charge les troubles de l’écriture manuscrite et, sur prescription médicale, accompagne l’apprentissage et l’automatisation de l’écriture, procède à une remédiation du geste de l’écriture et à la rédaction d’un bilan de graphothérapie.
« Le graphothérapeute peut, sauf indication contraire, compléter le renouvellement des prescriptions médicales, d’actes de graphothérapie.
« Le graphothérapeute exerce en toute indépendance et en pleine responsabilité, conformément aux règles professionnelles prévues à l’article L. 4395‑10.
« Art. L. 4395‑2. – Seuls peuvent exercer la profession de graphothérapeute les personnes titulaires des diplômes, des certificats ou des titres mentionnés à l’article L. 4395‑3, ou titulaires de l’autorisation prévue à l’article L. 4395‑7 ou celles qui disposent d’une expérience professionnelle au sens de l’article L. 4395‑5.
« L’intéressé porte le titre professionnel de graphothérapeute, accompagné ou non d’un qualificatif.
« Art. L. 4395‑3. – Les diplômes, les certificats ou les titres mentionnés à l’article L. 4395‑2 sont ceux qui figurent sur une liste arrêtée par le ministre chargé de la santé.
« Les modalités de la formation, les conditions d’accès, les modalités d’évaluation ainsi que les conditions de délivrance de ces diplômes, de ces certificats ou de ces titres sont fixées par voie règlementaire.
« Art. L. 4395‑4. – Les personnes ayant obtenu un titre de formation ou une autorisation requise pour l’exercice de la profession de graphothérapeute sont tenues de se faire enregistrer auprès du service ou de l’organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé, avant leur entrée dans la profession.
« L’enregistrement de ces personnes est réalisé après vérification des pièces justificatives attestant de leur identité et de leur titre de formation ou de leur autorisation. Elles informent le même service ou organisme de tout changement de situation professionnelle.
« La procédure d’enregistrement est sans frais.
« Il est établi, pour chaque département, par le service ou l’organisme désigné à cette fin, une liste de cette profession, portée à la connaissance du public.
« Sous réserve des dispositions de l’article L. 4061‑1 du présent code, un graphothérapeute ne peut exercer sa profession que si ses diplômes, certificats ou autorisation ont été enregistrés conformément au premier alinéa du présent article.
« Art. L. 4395‑5. – Par dérogation à l’article L. 4395‑3, peuvent exercer la profession de graphothérapeute et porter le titre de graphothérapeute, accompagné ou non d’un qualificatif, les personnes ayant exercé, à titre principal, l’activité de graphothérapeute pendant une durée au moins égale à trois ans au cours des cinq dernières années précédant la date de promulgation de la présente loi.
« Les personnes remplissant ces conditions doivent se faire enregistrer auprès du service ou de l’organisme désigné à cette fin par le ministre chargé de la santé, conformément aux dispositions de l’article L. 4395‑4.
« Art. L. 4395‑6. – Le graphothérapeute peut faire usage de son titre de formation dans la langue de l’État qui le lui a délivré. Il est tenu de faire figurer le lieu et l’établissement où il a été obtenu.
« Dans le cas où le titre de formation de l’État d’origine, membre ou partie, est susceptible d’être confondu avec un titre exigeant en France une formation complémentaire, l’autorité compétente peut décider que le graphothérapeute fera état du titre de formation de l’État d’origine, membre ou partie, dans une forme appropriée qu’elle lui indique.
« Art. L. 4395‑7. – L’autorité compétente mentionnée à l’article L. 4395‑4 peut, après avis d’une commission composée notamment de professionnels, autoriser individuellement à exercer la profession de graphothérapeute, les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen qui, sans posséder le diplôme prévu à l’article L. 4395‑3, sont titulaires :
« 1° De titres de formation délivrés par un ou plusieurs États, membres ou parties, et requis par l’autorité compétente de ces États, membres ou partie, qui réglementent l’accès à cette profession ou son exercice, et permettant d’exercer légalement ces fonctions dans ces États ;
« 2° Ou, lorsque les intéressés ont exercé dans un ou plusieurs États, membres ou parties, qui ne réglementent ni la formation, ni l’accès à cette profession ou son exercice, de titres de formation délivrés par un ou plusieurs États, membres ou parties, attestant de la préparation à l’exercice de la profession, accompagnés d’une attestation justifiant, dans ces États, de son exercice à temps plein pendant un an ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente au cours des dix dernières années ;
« 3° Ou d’un titre de formation délivré par un État tiers et reconnu dans un État, membre ou partie, autre que la France, permettant d’y exercer légalement la profession. L’intéressé justifie avoir exercé la profession pendant trois ans à temps plein ou à temps partiel pendant une durée totale équivalente dans cet État, membre ou partie.
« Dans ces cas, lorsque l’examen des qualifications professionnelles attestées par l’ensemble des titres de formation initiale, de l’expérience professionnelle pertinente et de la formation tout au long de la vie ayant fait l’objet d’une validation par un organisme compétent fait apparaitre des différences substantielles au regard des qualifications requises pour l’accès et l’exercice de la profession en France, l’autorité compétente exige que l’intéressé se soumette à une mesure de compensation.
« Selon le niveau de qualification exigé en France et celui détenu par l’intéressé, l’autorité compétente peut soit proposer au demandeur de choisir entre un stage d’adaptation ou une épreuve d’aptitude, soit imposer un stage d’adaptation ou une épreuve d’aptitude, soit imposer un stage d’adaptation et une épreuve d’aptitude.
« La nature des mesures de compensation selon les niveaux de qualification en France et dans les autres États, membres ou parties, est fixée par arrêté du ministre chargé de la santé.
« La délivrance de l’autorisation d’exercice permet au bénéficiaire d’exercer la profession dans les mêmes conditions que les personnes titulaires des diplômes, certificats ou titres mentionnés à l’article L. 4395‑3.
« Art. L. 4395‑8. – Le graphothérapeute, ressortissant d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, qui est établi et exerce légalement l’activité de graphothérapie dans un État, membre ou partie, peut exécuter en France des actes professionnels, de manière temporaire et occasionnelle, sans avoir à procéder à l’enregistrement mentionné à l’article L. 4395‑4.
« Art. L. 4395‑9. – Le graphothérapeute, lors de la délivrance de l’autorisation d’exercice ou de la déclaration de prestation de services, doit posséder les connaissances linguistiques nécessaires à l’exercice de la profession.
« Le contrôle de la maîtrise de la langue doit être proportionné à l’activité à exercer et réalisé une fois la qualification professionnelle reconnue.
« Art. L. 4395‑10. – Sont déterminés par décret en Conseil d’État :
« 1° En tant que besoin, les règles professionnelles ;
« 2° La composition et le fonctionnement de la commission mentionnée à l’article L. 4395‑7 et les conditions dans lesquelles l’intéressé est soumis à une mesure de compensation ;
« 3° Les modalités de vérification des qualifications professionnelles mentionnées à l’article L. 4395‑8.
« Chapitre II
« Dispositions pénales
« Art. L. 4396‑1. – L’exercice illégal de la profession de graphothérapeute est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
« Les personnes physiques encourent également les peines complémentaires suivantes :
1° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131‑35 du code pénal ;
2° La confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit, conformément à l’article 131‑21 du même code ;
3° L’interdiction définitive ou pour une durée de cinq ans au plus d’exercer une ou plusieurs professions régies par le présent code ou toute autre activité professionnelle ou sociale à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise, suivant les modalités prévues à l’article 131‑27 du code pénal.
« Le fait d’exercer l’une de ces professions ou activités professionnelles malgré une décision judiciaire d’interdiction définitive ou temporaire est puni des mêmes peines que celles prévues au premier alinéa du présent article.
« Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121‑2 du code pénal, de l’infraction définie au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131‑38 du code pénal, les peines prévues aux 2° à 9° de l’article 131‑39 du même code. L’interdiction mentionnée au 2° de l’article 131‑39 dudit code porte sur une ou plusieurs professions régies par le présent code ou sur toute autre activité professionnelle ou sociale à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise.
« Art. L. 4396‑2. – L’usage sans droit de la qualité de graphothérapeute ou d’un diplôme, certificat ou autre titre légalement requis pour l’exercice de cette profession est puni comme le délit d’usurpation de titre prévu à l’article 433‑17 du code pénal.
« Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121‑2 du même code, de l’infraction définie au présent article encourent l’amende prévue à l’article 433‑17 du code pénal suivant les modalités prévues à l’article 131‑38 du même code, ainsi que les peines prévues aux 2° à 4° de l’article 433‑25 dudit code. »
Article 2
La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.