N° 385

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à permettre une gestion différenciée des compétences « eau » et « assainissement »,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Fabrice BRUN, M. Thibault BAZIN, Mme Émilie BONNIVARD, M. Jean-Yves BONY, M. Ian BOUCARD, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Pierre CORDIER, M. Vincent DESCOEUR, M. Fabien DI FILIPPO, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Nicolas FORISSIER, Mme Véronique LOUWAGIE, M. Alexandre PORTIER, M. Jean-Pierre VIGIER,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La préservation de la ressource en eau et la lutte contre son gaspillage constituent des enjeux majeurs pour lesquels une connaissance fine des écosystèmes, une capacité à intervenir rapidement ainsi qu’une gouvernance souple et adaptée s’avèrent indispensables.

Jusqu’en 2015, les compétences eau et assainissement ne figuraient pas parmi les compétences obligatoires des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Certes, ces compétences figuraient parmi celles obligatoires des communautés urbaines et des métropoles, mais elles demeuraient optionnelles pour les communautés de communes et d’agglomération. La loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) est venue bouleverser cette organisation en prévoyant une unification progressive du régime au profit d’une compétence obligatoire pour tous les EPCI.

La mise en place de cette « communautarisation » généralisée a été voulue pour éviter une trop forte dispersion des modalités d’exercice de ces compétences, celle‑ci étant supposée engendrer un manque de rationalisation des services selon le législateur de l’époque. La loi du 7 août 2015 se donnait ainsi pour objectif une mutualisation efficace des moyens techniques et financiers nécessaires à une meilleure maîtrise des réseaux de distribution d’eau potable et d’assainissement, notamment dans les zones rurales.

Certes, on ne peut écarter d’emblée l’idée selon laquelle dans certains cas l’échelon intercommunal soit le plus adapté à l’exercice de ces compétences. Mais il n’est pas possible d’en tirer un principe général au vu de la très grande hétérogénéité des situations locales. À cette aune, la fixation du niveau d’exercice de ces compétences ne peut être uniforme et déconnectée du terrain mais doit au contraire relever de considérations matérielles et techniques propres à chaque territoire. Cela vaut encore davantage pour les territoires ruraux où les modalités de gestion d’un service public peuvent varier d’une commune à l’autre et nécessiter de maintenir une gestion directe par la commune ou les syndicats en place afin de permettre une capacité d’intervention plus souple et plus efficace.

Or les conditions du transfert de ces compétences optionnelles au sein des communautés de communes ont suscité de nombreuses réticences parmi les communes rurales ou encore les communes de montagne. Celles‑ci ont en effet fait valoir, à juste titre, les investissements coûteux et les recrutements qui seraient nécessaires à la seule mise en œuvre de ces transferts, sans réel bénéfice en termes d’efficacité pour les territoires concernés. Elles soulignent également que ces transferts s’accompagneraient dans certains cas d’une hausse importante du prix de l’eau, ce qui serait déjà très difficilement acceptable pour nos concitoyens en temps normal s’agissant de l’accès à des services publics essentiels, mais qui l’est encore davantage dans un contexte inflationniste.

Les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent encore rappeler que le transfert de la compétence « eau et assainissement dans les communautés de communes » a fait l’objet de récentes mesures d’adaptation législatives qui ne paraissent pas avoir répondu aux inquiétudes des élus de la ruralité et de la montagne.

L’auteur regrette à cet égard le rejet par la majorité de l’époque à l’Assemblée nationale de la proposition de loi « pour le maintien des compétences « eau » et « assainissement » dans les compétences optionnelles des communautés de communes et des communautés d’agglomération », dont il était rapporteur en octobre 2017.

La loi du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes prévoyait tout d’abord un report possible de l’échéance de transfert au 1 er janvier 2026. Elle proposait par ailleurs la possibilité d’une minorité de blocage de communes souhaitant s’opposer au transfert de compétences eau et assainissement dans le cas de communautés de communes.

Pourtant, l’Assemblée des communautés de France a constaté que, fin 2021, seules 33 % des communes ont effectivement transféré aux communautés de communes les compétences en question. Cette situation atteste encore une fois des difficultés rencontrées par de très nombreuses communes rurales ou de montagne dans la mise en œuvre d’un transfert complexe et aux effets pas toujours convenablement mesurés.

Aussi, s’agissant des communautés de communes, les auteurs de la présente proposition de loi entendent privilégier une approche pragmatique, moins coûteuse et technocratique, adaptée aux réalités géographiques et hydrologiques des territoires.

La présente proposition de loi qui consiste en un article unique a donc pour objet de maintenir les compétences eau et assainissement parmi les compétences optionnelles des communautés de communes. Suivant l’essence même du principe de subsidiarité, il reviendrait aux communes de décider du niveau d’exercice desdites compétences en matière. Il ne s’agit pas en effet de revenir sur le choix et engagements déjà pris par les exécutifs communaux en termes de transfert aux communautés de communes dont ils sont membres.

À ce titre, la présente proposition de loi s’inscrit dans le droit fil de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, et en particulier de l’article L. 1111‑3‑1. du code général des collectivités territoriales selon lequel « Dans le respect du principe d’égalité, les règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales peuvent être différenciées pour tenir compte des différences objectives de situations dans lesquelles se trouvent les collectivités territoriales relevant de la même catégorie, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit proportionnée et en rapport avec l’objet de la loi qui l’établit ».

Les cosignataires sollicitent de la présente proposition de loi sollicitent l’adoption de l’article unique qui suit, conforme au vote du Sénat le 16 mars 2023.

 


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proposition de loi

Article unique

I. – L’article L. 5214‑16 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Les 6° et 7° sont abrogés ;

b) Les treizième à dernier alinéas sont supprimés ;

2° Le II est ainsi modifié :

a) Les 6° et 7° sont ainsi rétablis :

« 6° Assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l’article L. 2224‑8 du présent code ;

« 7° Eau. » ;

b) Avant le 8°, sont insérés dix alinéas ainsi rédigés :

« La communauté de communes peut, avec l’accord du conseil municipal des communes concernées, déléguer, par convention, tout ou partie des compétences mentionnées au 6° et au présent 7° ainsi que la compétence relative à la gestion des eaux pluviales urbaines définie à l’article L. 2226‑1 à l’une de ses communes membres. Lorsqu’une commune demande à bénéficier d’une délégation, l’organe délibérant de la communauté de communes statue sur cette demande dans un délai de deux mois.

« La délégation prévue au deuxième alinéa du présent 7° peut également être faite au profit d’un syndicat mentionné à l’article L. 5212‑1 et inclus en totalité dans le périmètre de la communauté de communes.

« Les compétences déléguées en application du 6° et du présent 7° sont exercées au nom et pour le compte de la communauté de communes délégante.

« La convention, conclue entre les parties et approuvée par leurs assemblées délibérantes, précise la durée de la délégation et ses modalités d’exécution. Elle précise notamment les conditions tarifaires des services d’eau et d’assainissement des eaux usées sur le territoire de la communauté de communes. Les autres modalités de cette convention sont définies par un décret en Conseil d’État.

« Les compétences mentionnées au 6° et au présent 7° exercées par une communauté de communes peuvent, à tout moment et en tout ou partie, être restituées à chacune de ses communes membres après accord de la moitié au moins des conseils municipaux des communes membres, ou à une ou plusieurs de ses communes membres après délibérations concordantes de l’organe délibérant de la communauté de communes et des conseils municipaux des communes membres concernées. Sont applicables à ces restitutions de compétences les articles L. 1321‑1 à L. 1321‑6.

« Les délibérations mentionnées au sixième alinéa du présent 7° définissent le coût des dépenses liées aux compétences restituées ainsi que les taux représentatifs de ce coût pour l’établissement public de coopération intercommunale et chacune de ses communes membres ou à une ou plusieurs communes membres dans les conditions prévues au 4 du 3° du B du III de l’article 85 de la loi n° 2005‑1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

« La restitution de compétences est prononcée par arrêté du ou des représentants de l’État dans le ou les départements intéressés.

« Une ou plusieurs communes membres d’une communauté de communes peuvent transférer à cette dernière, en tout ou partie, les compétences mentionnées au 6° et au présent 7° ainsi que les biens, équipements ou services publics nécessaires à leur exercice. Le transfert intervient après délibérations concordantes de l’organe délibérant de la communauté de communes et des conseils municipaux des communes membres concernées. Sont applicables à ces transferts de compétences les articles L. 1321‑1 à L. 1321‑6.

« Les conventions de délégation conclues en application des treizième à dernier alinéas du I du présent article, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n°     du      visant à permettre une gestion différenciée des compétences “eau” et “assainissement”, ou du IV de l’article 14 de la loi n° 2019‑1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique demeurent valables en l’absence de modification du titulaire de l’exercice des compétences “eau” et “assainissement des eaux usées” postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n°     du      précitée.

« Lorsque les compétences “eau” et “assainissement des eaux usées” sont restituées, en tout ou partie, aux communes, les conventions de délégation, conclues en application des treizième à dernier alinéas du I du présent article, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi n°     du      précitée, ou du IV de l’article 14 de la loi n° 2019‑1461 du 27 décembre 2019 précitée, sont maintenues pendant une durée d’un an à compter de la délibération des conseils municipaux se prononçant sur la restitution des compétences précitées. La communauté de communes et les communes concernées délibèrent, au cours de cette année, sur le principe d’une délégation de tout ou partie des compétences “eau” et “assainissement des eaux usées” ou de l’une d’entre elles, aux communes ou aux syndicats délégataires à la date de la restitution de compétences ; ».

II. – L’article 1er de la loi n° 2018‑702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes est abrogé.

III. – L’article 14 de la loi n° 2019‑1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique est ainsi modifié :

1° Le II est abrogé ;

2° Le IV est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « au deuxième alinéa du I de l’article L. 5214‑21 et » et les mots : « d’une communauté de communes exerçant à titre obligatoire ou facultatif ces compétences ou l’une d’entre elles, ou dans celui » sont supprimés ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au deuxième alinéa du I de l’article L. 5214‑21 du même code, les syndicats compétents en matière d’eau, d’assainissement, de gestion des eaux pluviales urbaines ou dans l’une de ces matières, inclus en totalité dans le périmètre d’une communauté de communes exerçant à titre facultatif ces compétences ou l’une d’entre elles, sont maintenus jusqu’à neuf mois suivant la prise de compétence. Le syndicat exerce, sur son périmètre, ses attributions pour le compte de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et lui rend compte de son activité. » ;

c) Le dernier alinéa est supprimé.

IV.  Les III et IV de l’article 30 de la loi n° 2022217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale sont abrogés.