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N° 428
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 octobre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à doter les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux d’un dispositif de médiation,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Agnès FIRMIN LE BODO, M. Erwan BALANANT, Mme Béatrice BELLAY, Mme Aurore BERGÉ, M. Sylvain BERRIOS, Mme Véronique BESSE, M. Bertrand BOUYX, M. Joël BRUNEAU, M. Paul-André COLOMBANI, Mme Sophie DELORME DURET, Mme Julie DELPECH, M. Philippe FAIT, M. François GERNIGON, M. Jean-Carles GRELIER, M. David GUERIN, Mme Sandrine JOSSO, M. Michel LAUZZANA, Mme Constance LE GRIP, M. Didier LEMAIRE, Mme Delphine LINGEMANN, Mme Lise MAGNIER, M. Yannick NEUDER, M. Hubert OTT, Mme Sophie PANTEL, M. Jérémie PATRIER-LEITUS, Mme Maud PETIT, Mme Béatrice PIRON, M. Loïc PRUD’HOMME, Mme Isabelle RAUCH, M. Xavier ROSEREN, M. Aurélien ROUSSEAU, M. Jean-François ROUSSET, Mme Violette SPILLEBOUT, M. Vincent THIÉBAUT, M. Stéphane TRAVERT, M. Frédéric VALLETOUX, Mme Annie VIDAL, M. Stéphane VIRY, Mme Caroline YADAN,
députées et députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le recours à la médiation est de plus en plus préconisé pour traiter les différends qui peuvent se développer entre des parties, afin de prévenir l’exacerbation d’un potentiel conflit, mais aussi dans le cadre d’une procédure contentieuse aussi bien judiciaire qu’administrative.
Le préambule du code national de déontologie du médiateur rédigé par le rassemblement des organisations de la médiation définit la médiation comme étant « un processus structuré reposant sur la responsabilité et l’autonomie des participants qui, volontairement, avec l’aide d’un tiers neutre, impartial, indépendant et sans pouvoir décisionnel ou consultatif, favorise par des entretiens confidentiels, l’établissement et/ou le rétablissement des liens, la prévention, le règlement des conflits. »
Le code de la santé publique prévoit une procédure d’examen des plaintes et des réclamations dans le cadre des missions de la commission des usagers des établissements de santé, définies à l’article L. 1112‑3. Au sein de cette commission des usagers, siègent un médiateur médecin et un médiateur non‑médecin dont les modalités d’intervention ont été définies par voie réglementaire par le décret n° 2005‑213 du 4 mars 2005 (art. R. 1112‑91 à R. 112‑94, code de la santé publique).
Or, les modalités de désignation de ces médiateurs ne garantissent pas le respect des principes d’indépendance vis‑à‑vis de l’établissement : les médiateurs sont désignés par le responsable légal de l’établissement et, concernant le médiateur médecin, il est désigné après avis de la commission médicale de l’établissement ou du comité consultatif médical ou de la conférence médicale (art. R 1112‑82, code de la santé publique).
Le rôle que joue la commission des usagers pour faire valoir les droits des patients et assurer avec vigilance le suivi des questions touchant à la qualité de leur prise en charge au sein des établissements de santé est important, mais la procédure décrite dans le texte réglementaire pour l’examen des plaintes et des réclamations ne s’apparente absolument pas à une démarche de médiation : le médiateur rencontre l’auteur de la plainte ou son représentant légal (art. R. 1112‑93, code de la santé publique), puis il en adresse un compte‑rendu à la commission des usagers qui formule des recommandations en vue d’apporter une solution au litige (art. R. 1112‑94, code de la santé publique).
Si la commission des usagers remplit un rôle qui ne doit pas être remis en cause quant au respect du droit des usagers et de la qualité de la prise en charge, la procédure de médiation actuellement définie dans le texte réglementaire pour traiter les plaintes et réclamations doit être revue afin de se conformer aux principes généraux qui régissent la médiation tels qu’ils sont rappelés supra. L’adoption de la présente proposition de loi nécessitera la réécriture du texte réglementaire définissant son rôle.
Dans le cas d’une demande d’indemnisation d’un accident médical, la procédure de conciliation prévue pour être mise en œuvre par les commissions régionales ou interrégionales ne jouent pas réellement ce rôle lorsque le niveau du dommage ne permet pas une indemnisation par l’office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).
Le code de l’action sociale et des familles définit le rôle d’une personne qualifiée (art. L. 311‑5, CASF) dont la mission est d’aider toute personne prise en charge dans un établissement ou un service social ou médico‑social « à faire valoir ses droits ». Même si cette personne remplit une mission utile, les modalités de son intervention ne correspondent en rien à une médiation.
Certains établissements médico‑sociaux qui assurent une prestation d’hébergement payée par l’usager ainsi que certains services de prestations à domicile sont tenus de mettre à disposition des personnes prises en charge un dispositif de médiation de la consommation défini aux articles L. 611‑1 et suivants du code de la consommation. Outre que ce dispositif ne concerne pas tous les établissements et services sociaux et médico‑sociaux, les litiges de la consommation qui, dans les établissements concernés, peuvent être traités dans le cadre de la médiation de la consommation ne concernent pas les prestations sanitaires, ce qui en limite l’intérêt, alors que, par ailleurs, certains litiges de la consommation traduisent des différends touchant à d’autres aspects de la prise en charge que la médiation de la consommation ne peut traiter. D’autre part, certaines directions départementales de la protection des populations exigent des établissements de santé qu’ils mettent aussi en place un dispositif de médiation de la consommation pour traiter des litiges qui peuvent intervenir concernant des prestations fournies par ces établissements hors du champ des services de santé (chambre individuelle, lit d’accompagnement, téléphone, télévision,…).
Dans les établissements de santé, le dispositif de traitement des plaintes et des réclamations ne répond pas aux principes qui régissent la médiation : confidentialité des échanges, indépendance, impartialité, diligence et compétence du médiateur. Quant aux établissements et services sociaux et médico‑sociaux, ils ne disposent pas d’un dispositif adapté à la spécificité de leurs missions.
En complément des dispositifs de démocratie sanitaire existants, il est donc nécessaire qu’une véritable démarche de médiation soit introduite dans les établissements de santé, sociaux et médico‑sociaux et qu’à cette fin un cadre législatif soit inséré dans le code de la santé publique et dans le code de l’action sociale et des familles. Tel est l’objet de la présente proposition.
L’article 1er décrit le dispositif introduit dans le code de la santé publique.
Le recours à la médiation pour traiter d’un différend ou d’un litige qui peut opposer un usager ou ses proches à un établissement ou à un professionnel de santé y exerçant est un droit garanti à tout patient.
L’établissement informe les usagers par tous moyens des coordonnées du médiateur dont il relève et communique ces informations lorsqu’un litige n’a pas pu être réglé.
La médiation peut porter sur tout ou partie du litige.
Il ne peut être fait obligation à un patient de recourir à une médiation avant de saisir un juge. Par contre, l’établissement peut proposer au patient de rencontrer le médiateur proposé par l’établissement pour qu’il l’informe sur l’objet et le déroulement d’une médiation.
Dans l’hypothèse où le patient refuse que la médiation soit assurée par le médiateur proposé par l’établissement, il peut proposer un autre médiateur. Dans l’hypothèse où l’établissement refuse ce médiateur, la médiation ne peut avoir lieu.
Le texte définit les qualités que doit remplir le médiateur : diligence, compétence, indépendance, impartialité ainsi que l’obligation de formation, les conditions de fixation de sa rémunération et la durée de son mandat.
Il est rappelé que la médiation est soumise au principe de confidentialité. Les professionnels ou les représentants des usagers qui assistent les parties en médiation sont soumis à une obligation de respect du secret professionnel.
Le médiateur doit être indépendant vis‑à‑vis des parties.
Les établissements tiennent les agences régionales de santé des modalités qu’ils ont mis en œuvre concernant la médiation en leur sein.
L’article 2 introduit dans le code de l’action sociale et des familles les références au dispositif du code de la santé publique.
Afin d’éviter aux établissements de santé, sociaux et médico‑sociaux de devoir mettre en œuvre plusieurs dispositifs de médiation, l’article 3 substitue, pour ces établissements, le dispositif ainsi proposé à la médiation de la consommation.
L’article 4 gage la présente proposition de loi.
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proposition de loi
Article 1er
Après le chapitre IV du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, il est inséré un chapitre IV bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE IV BIS
« La résolution amiable des différends, plaintes et des réclamations au sein des établissements de santé
« Art. L. 1114‑7‑1. – Toute personne ayant bénéficié d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soin dans un établissement de santé mentionné à l’article L. 6111‑1 a le droit de recourir gratuitement à un médiateur en vue de la résolution amiable d’un différend ou d’un litige qui l’oppose à l’établissement ou à un professionnel de l’établissement.
« Art. L. 1114‑7‑2. – Les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111‑1 garantissent à chaque usager ainsi qu’à ses proches le recours effectif à un dispositif de médiation.
« Art. L. 1114‑7‑3. – Les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111‑1 communiquent aux usagers les coordonnées d’un ou de médiateurs qui leur sont proposés.
« Les établissements de santé fournissent cette même information aux usagers concernés et à leurs proches dès lors qu’un litige n’a pu être réglé dans le cadre d’une plainte ou d’une réclamation préalable adressée au représentant légal de l’établissement.
« Le médiateur proposé par l’établissement est nommé pour une durée de trois années.
« Art. L. 1114‑7‑4. – Le dispositif de médiation a pour objet de traiter des différends, des plaintes et des réclamations qui peuvent intervenir entre les usagers ou leurs proches et l’établissement de santé ou les professionnels qui sont intervenus auprès de ces usagers.
« La médiation porte sur tout ou partie du litige.
« Art. L. 1114‑7‑5. – Est interdite toute clause ou convention obligeant, en cas de litige, l’usager à recourir obligatoirement à une médiation préalablement à la saisine du juge.
« Lorsque l’établissement de santé ou le professionnel concerné estime qu’une résolution amiable du litige est possible, il propose à l’usager ou à ses proches de rencontrer le médiateur proposé par l’établissement afin que le médiateur les informe de l’objet et du déroulement d’une médiation.
« Art. L. 1114‑7‑6. – Dans le cas où l’usager ou ses proches ne souhaitent pas que la médiation soit assurée par le médiateur proposé par l’établissement de santé, cet usager ou ses proches peuvent proposer d’avoir recours à un autre médiateur répondant aux exigences du présent chapitre. Dans l’hypothèse où l’établissement n’accepte pas le choix de ce médiateur, la médiation ne peut avoir lieu.
« Art. L. 1114‑7‑7. – Le médiateur accomplit sa mission avec diligence et compétence, en toute indépendance et impartialité.
« Il satisfait aux conditions suivantes :
« 1° Posséder, par l’exercice présent ou passé d’une activité, la qualification requise eu égard à la nature du litige ;
« 2° Justifier d’une formation ou d’une expérience adaptée à la pratique de la médiation ;
« 3° Être rémunéré, pour cette mission de médiation, par l’établissement de santé sans considération du résultat de la médiation ;
« 4° Ne pas être en situation de conflit d’intérêts, et le cas échéant le signaler.
« Art. L. 1114‑7‑8. – La médiation concernant les litiges nés des activités de prévention, de diagnostic ou de soins est soumise au principe de confidentialité prévu par l’article 21‑3 de la loi n° 95‑125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
« Le médiateur et l’ensemble des personnes accompagnant les parties à l’occasion de la médiation sont astreints au secret professionnel dans les conditions définies aux articles 226‑13 et 226‑14 du code pénal.
« Art. L. 1114‑7‑9. – Les établissements de santé mentionnés à l’article L. 6111‑1 informent l’agence régionale de santé des modalités qu’ils ont mises en œuvre pour l’application du présent chapitre.
« Art. L. 1114‑7‑10. – Les modalités de mise en œuvre du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Article 2
Le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l’action sociale et des familles est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« La résolution amiable des différends, plaintes et des réclamations
« Art. L. 311‑13. – Toute personne prise en charge ou qui bénéficie de prestations assurées par un établissement ou un service social et médico‑social mentionné à l’article L. 312‑1 a le droit de recourir gratuitement à un médiateur en vue de la résolution amiable d’un différend, d’une plainte ou réclamation qui l’oppose à l’établissement ou au service, dans les conditions indiquées au chapitre IV bis du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique.
« Art. L. 311‑14. – Les établissements et services sociaux et médico‑sociaux mentionnés à l’article L. 312‑1 garantissent à chaque personne qu’ils prennent en charge ou auprès de qui ils assurent des prestations, ainsi qu’à ses proches, le recours effectif à un dispositif de médiation dans les conditions indiquées au chapitre IV bis du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique.
Article 3
Le dispositif de médiation mis en place en vue de la résolution amiable des différends, plaintes et réclamations qui opposent un usager ou ses proches à un établissement de santé, social ou médico‑social, assure le traitement des litiges de la consommation prévu au titre Ier du livre VI du code de la consommation.
Article 4
La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.