N° 469
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 octobre 2024.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
visant à mieux organiser la programmation des finances publiques,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Charles SITZENSTUHL, Mme Brigitte KLINKERT, Mme Maud PETIT, M. Karl OLIVE, M. Xavier ROSEREN, M. Moerani FRÉBAULT, M. Jean-François ROUSSET,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le constituant a fait le choix, lors de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, de valoriser la projection pluriannuelle des finances publiques. Ces lois de programmation ont comme objectif premier d’accroître la lisibilité des comptes publics. Elles permettent également de donner un cap budgétaire pluriannuel à l’État, ses opérateurs, aux collectivités territoriales et aux citoyens.
Dans son rapport public thématique de novembre 2020, la Cour des comptes rappelait que : « l’affirmation du temps long comme horizon [est] indispensable à la conduite des politiques publiques et à la bonne gouvernance des finances publiques ».
Les lois de programmation sont de deux natures.
Les premières, précisées à l’article 34, alinéa 20, de la Constitution, sont des lois de programmation sectorielles. Elles ont pour objectif de « déterminer les objectifs de l’État ». Ces dernières années, ces lois de programmation sectorielles se sont démultipliées dans de nombreux domaines : recherche, justice, défense, intérieur. Une nouvelle loi de programmation sur le grand âge est également envisagée.
Les deuxièmes, présentées à l’article 34, alinéa 21, de la Constitution, sont des lois de programmation des finances publiques. Plus généralistes, ces dernières établissent « les orientations pluriannuelles des finances publiques » et participent à « l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». Les lois de programmation des finances publiques permettent également à la France de répondre aux exigences européennes en matière de lisibilité de la trajectoire des finances publiques en accord avec l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire du 2 mars 2012 ratifié par la France en octobre 2012.
Ces deux objets législatifs, que sont les lois de programmation sectorielles et les lois de programmation des finances publiques, ne s’inscrivent pas dans le cycle budgétaire établit par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 2001. La singularité de ces lois, dont l’adoption et le calendrier sont décorrélés du cycle budgétaire traditionnel, peut engendrer des recoupements voire des contradictions. De plus, l’adoption des lois de programmation sectorielles est découplée de l’adoption des lois de programmation des finances publiques, plus généralistes. La Cour des comptes, dans son rapport de novembre 2020, reconnaît que « l’articulation défaillante entre les textes financiers a limité l’efficacité du dispositif ». Par exemple, la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030, adoptée le 13 juillet 2023, a été discutée avant la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, adoptée le 15 novembre 2023. C’est également le cas de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur pour les années 2023 à 2027, adoptée le 23 janvier 2023, soit dix mois avant la loi de programmation des finances publiques traitant de la même période. Cette situation fait peser le risque de redites, de confusions, voire de contradictions entre les différents textes. L’absence de concertations structurées entre les lois de programmation alourdit également le travail du législateur et nuit à la lisibilité d’une littérature budgétaire déjà prolixe. Aussi, le découplage entre les différentes lois de programmation affaiblit le principe budgétaire d’unité en ce qu’il limite la lisibilité au sein du corpus budgétaire.
En cherchant à clarifier les interdépendances qui lient les lois de programmation, le législateur renforcerait le sérieux budgétaire. Aussi, l’article unique de cette proposition de loi constitutionnelle vise à élever les lois de programmation des finances publiques au sein de la hiérarchie des normes. Cette proposition entre en résonnance avec les travaux conduits par les députés Éric Woerth et Laurent Saint‑Martin dans leur rapport du 11 septembre 2019 relatif à la mise en œuvre de la LOLF. Ce rapport rappelle qu’il n’aurait pas été illogique, en 2008, de modifier la hiérarchie des normes à la faveur des lois de programmation des finances publiques en déclarant : « il n’était d’ailleurs pas illogique que le Constituant envisage d’instaurer une hiérarchie entre la loi de programmation et les textes financiers annuels ». Cette proposition de loi constitutionnelle souscrit à cet avis.
Cette mesure doit également permettre de rétablir une vision globale des finances publiques aujourd’hui fragmentées. La Cour des comptes, toujours dans son rapport de novembre 2020, alerte sur le morcellement des finances publiques qui « nuit à la clarté des choix et fait obstacle à la bonne compréhension de l’usage des deniers publics ». En imposant aux lois de programmation sectorielles de se référer aux lois de programmation des finances publiques, le constituant imposerait une lecture claire, organisée et hiérarchisée du cadre de la programmation budgétaire. La lisibilité ainsi retrouvée permettrait au législateur de travailler avec une vision plus globale. Cette mesure contribuerait également à renforcer l’exhaustivité, la cohérence et l’exactitude des textes de programmation, dans le respect du principe de sincérité budgétaire.
La présente proposition de loi constitutionnelle sera complétée par une proposition de loi organique, visant à modifier la loi organique n° 2009‑403 qui porte application des articles 34‑1, 39 et 44 de la Constitution. Ce deuxième texte permettra d’adapter concrètement l’articulation entre les lois de programmation des finances publiques et les lois de programmation sectorielles.
En conséquence, l’article 1er dispose que les lois de programmation ayant une incidence sur les finances publiques s’inscrivent dans les orientations pluriannuelles définies par les lois de programmation des finances publiques. L’article 2 appelle le Gouvernement à présenter un projet de loi de programmation des finances publiques au début de chaque nouvelle législature.
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PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article 1er
L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :
1° Le vingt‑et‑unième alinéa est supprimé ;
2° Après l’avant‑dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État. Leurs dispositions ayant une incidence sur les finances publiques s’inscrivent dans les orientations pluriannuelles définies par les lois de programmation des finances publiques. »
Article 2
Après l’article 34‑1 de la Constitution, il est inséré un article 34‑2 ainsi rédigé :
« Art. 34‑2. – Le Gouvernement présente un projet de loi de programmation des finances publiques dans un délai de six mois à compter du début de la législature. »