N° 500

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à la généralisation obligatoire du nutriscore et de l’affichage des produits ultratransformés ainsi qu’à l’instauration d’une taxe sur les boissons sucrées dite « taxe soda »,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Sabrina SEBAIHI, Mme Eléonore CAROIT,

députées.


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Près de la moitié de la population française est en situation de surpoids, et 17 % d’entre elle est obèse. Ce chiffre est en constante augmentation depuis le milieu de XXe siècle et la courbe ne cesse d’augmenter, dans toutes les classes d’âge, dans toutes les régions, dans tous les milieux sociaux.

Cette prévalence d’obésité n’est cependant pas égale sur l’ensemble de notre territoire et l’ensemble des publics. En effet, en 2023, 14 % des franciliens sont obèses contre 22 % des habitants des Hauts de France. Aux Antilles, ce taux explose même pour atteindre 31 %.

Cette prévalence n’est pas non plus égale selon les catégories sociales. Si en 2020 9,9 % des cadres sont obèses, 18 % d’ouvriers sont touchés par cette épidémie, deux fois plus.

La lutte contre l’obésité n’est pas seulement un enjeu de santé publique. C’est un enjeu de justice sociale.

Nous savons aujourd’hui que l’obésité n’est pas due à de la fénéantise, pas plus qu’à une consommation excessive de calories quotidiennement. L’obésité, liée en grande partie à l’alimentation, découle des transformations de nos modes de vie par les industries, par les lobbies et par le marketing qui nous assaille, quotidiennement, de publicités pour des produits trop gras, trop sucrés, trop salés, trop ultra‑transformés.

Certaines industries agro‑alimentaires, ainsi, ont de suite cherché à rentabiliser au maximum leur coût, fragmentant de plus en plus de produits, ajoutant des exhausteurs et additifs afin d’optimiser les durées de stockage et de maintenir du goût dans leurs produits le plus longtemps possible. Cachés sous des appellations qui n’interpellent pas le consommateur (E102, E104, E150D…), ces additifs sont de véritables carburants à sucre et à risques sanitaires. Pire, les industries ne se sont pas seulement servis de sucre dans leurs produits sucrés, ils en ont mis partout. Qui pense aujourd’hui qu’acheter 100 grammes de carottes râpées, c’est acheter 5 grammes de sucre ? Comment expliquer que son sandwich « jambon beurre » mangé sur le pouce à la pause repas contienne du glucose, du sirop de glucose et du dextrose ?

Face à cela, le législateur a entamé un travail pour réguler un marché impactant l’ensemble des Françaises et des Français car chacun d’entre nous mange, deux à trois fois par jour. Les premiers arrêtés sanctuarisant le principe du Nutri‑Score sont en cela une avancée positive, avec une échelle aux couleurs pédagogiques mais malheureusement encore trop peu connue, trop peu utilisée et surtout non contraignante. Depuis les différentes modifications législatives, 95 % des produits étiquetés via le Nutri‑Score proviennent des TPE ou de PME. Les grands industriels très présents sur notre marché ne se saisissent pas de cette échelle.

Alors que le lien est évident entre produits ultra‑transformés, trop gras, trop salés, trop sucrés et obésité, il est temps de faire évoluer notre arsenal législatif pour responsabiliser davantage les industries agro‑alimentaires qui ont la charge de nourrir l’ensemble de nos concitoyens.

*   *

*

En outre, un lien direct a été déterminé entre la consommation de sodas et la prévalence de l’obésité. Grâce à des techniques marketing tentaculaires, les grandes entreprises de sodas parviennent à se tailler la part du roi de la consommation de boissons dans notre pays. Les publicités agressives, les partenariats et les campagnes marketing omniprésentes sont ainsi des stratégies de vente et de promotion assumées.

L’OMS (organisation mondiale de la santé) recommande la création d’une taxe soda à l’échelle internationale et regrette qu’en Europe, seulement 19 % des pays l’appliquent. Pourtant, le lien entre une forte taxe sur le soda et une réduction de leur consommation n’est plus à démontrer. La ville de Philadelphie, en 2019, a fait fortement chuter sa consommation de sodas après l’entrée en vigueur d’une telle mesure. En 2014, c’était le Mexique. Entre 2015 et 2018, le taux de sucre des sodas avait largement diminué en Grande Bretagne, permettant aux industriels de s’adapter à cette forte taxation et de préserver la santé de nos voisins anglais.

Si en France le dispositif existe depuis 2011, il est encore trop peu utilisé et pas assez dissuasif, à la fois pour les consommateurs comme pour les industriels. Les sodas, outre leur responsabilité dans l’épidémie d’obésité, sont responsables d’une augmentation significative des diabètes de type 2 ou encore des maladies coronariennes.

À l’heure où la France doit engranger de nouvelles recettes, la taxe soda permettrait d’agir positivement sur les finances de l’État de manière directe, tout en baissant à long terme le coût financier porté par la Sécurité Sociale.

Aux Bahamas, la taxe soda a permis d’engranger plus de 5 milliards de dollars de recettes lors des premiers mois de sa mise en application.

Au Royaume‑Uni, où le dispositif est en place depuis 2018, le nombre d’admissions hospitalières enregistrées pour des caries chez les enfants de moins de 4 ans a chuté de 28 % en 5 ans. Il a, en outre, permis de rapporter 660 millions d’euros à l’État.

*   *

*

C’est en ce sens que l’article 1er de cette proposition de loi vise à imposer l’affichage du Nutri‑Score sur l’ensemble des produits alimentaires mis en vente et à lancer une grande campagne nationale d’information à l’utilisation, à la lecture et à la compréhension de cet outil. Elle vise à afficher, également, une alerte spécifique sur les produits destinés à la consommation alimentaire qui sont dits « ultra transformés ».

L’article 2 de cette proposition de loi vise enfin à augmenter fortement la taxe dite « soda » afin de se rapprocher du dispositif mis en place au Royaume‑Uni.

 


– 1 –

proposition de loi

Article 1er

L’article L. 3232‑8 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

2° Le second alinéa est supprimé ;

3° À la fin, sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés : 

« Le Gouvernement, en lien avec les autorités compétentes, met en place une campagne d’information nationale à destination de l’ensemble des Français concernant l’utilisation, la compréhension et la pédagogie au nutri‑score. Les contours de cette campagne ainsi que les acteurs associés comptent obligatoirement une association de consommateurs et sont définis par décret. 

« Les produits soumis à l’obligation du nutri‑score au sens du présent article doivent apposer une mention explicite et lisible « Ultra transformé » lorsqu’ils répondent aux critères définis par l’Organisation mondiale de la santé. Cette mention et ses contours sont définis par décret et associent au moins l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, ainsi que Santé publique France.

« Santé publique France remet au Parlement, dans un délai de trois ans après la promulgation de la loi, un rapport concernant les industries et entreprises de l’agro‑alimentaires se conformant à la loi ou non. Les recommandations de ce rapport mentionnent obligatoirement des propositions de sanctions concernant les industries et entreprises refusant de se conformer à l’obligation d’affichage. »

Article 2

I. – Le II de l’article 1613 ter du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le tableau du deuxième alinéa est ainsi rédigé :

   

« 

QUANTITE DE SUCRE

(en kilogrammes de sucres ajoutés par hectolitre de boisson)

TARIF APPLICABLE

(en euros par hectolitre de boisson)

 

 

Inférieure à 5

0

 

 

Entre 5 et 8

21

 

 

Au delà de 8

28

 » ;

 

2° Le troisième alinéa est supprimé.

II. – Le présent article est abrogé le premier jour du trente‑septième mois à compter de son entrée en vigueur.

Article 3

Dans un délai de trois ans après promulgation de la loi, Santé publique France remet au Parlement un rapport chiffrant et analysant les évolutions de consommation de sodas et de leur modification en teneur en sucre. Les contours de ce rapport et les établissements associés sont précisés par décret, intégrant obligatoirement une association de consommateurs.

Article 4

La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.