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N° 546

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 novembre 2024.

PROPOSITION DE LOI

visant à prévenir les litiges relatifs aux obligations de décence énergétique et à sécuriser leur application en copropriété,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Bastien MARCHIVE, M. Inaki ECHANIZ, M. Boris VALLAUD, M. Jean-Luc FUGIT, les membres du groupe Ensemble pour la République [(1)], les membres du groupe Socialistes et apparentés [(2)],

députés.

 


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

À l’heure où le secteur du bâtiment constitue le troisième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre en France, avec 18 % des émissions nationales, la rénovation énergétique des logements constitue un axe prioritaire de la transition écologique.

Suite à la Convention citoyenne pour le climat, la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « Climat et Résilience », est venue concrétiser cette ambition et mettre en œuvre une réelle dynamique de rénovation, en interdisant progressivement la location des « passoires thermiques ». Les logements les plus consommateurs, qualifiés d’énergétiquement indécents, ont ainsi été concernés par cette obligation à compter du 1er janvier 2023, avant que ceux classés G, puis F et E au regard du diagnostic de performance énergétique (DPE) ne le soient à leur tour, respectivement en 2025, 2028 et 2034.

Si l’atteinte de ces objectifs s’avère indispensable au respect de nos engagements environnementaux, certaines précisions s’avèrent nécessaires afin de compléter le dispositif voté en 2021, précisions que la présente proposition de loi entend apporter.

Ces difficultés concernent tout particulièrement les logements situés en copropriété, où le respect des niveaux de performance énergétique peut se retrouver subordonné à la réalisation de travaux dans les parties communes. Le cas où un copropriétaire se verrait dans l’impossibilité de mettre aux normes son logement en raison d’un refus de l’assemblée générale des copropriétaires de réaliser ces travaux n’est ainsi pas traité par la loi Climat et Résilience. Jusqu’à 250 000 logements situés en copropriétés pourraient se trouver dans cette situation au 1er janvier 2025, et seraient ainsi menacés d’interdiction de location.

De la même manière, aucun aménagement n’a été prévu dans le cas où le locataire ferait obstacle aux travaux de rénovation énergétique du logement qu’il occupe, empêchant par là le propriétaire de se mettre en conformité avec ses obligations.

Il convient enfin de relever l’absence de précision concernant le moment de la relation contractuelle liant le propriétaire et le locataire auquel ces obligations trouvent à s’appliquer.

Autant de situations qui, sans aménagements de la part du législateur, risqueraient d’une part de provoquer un nombre conséquent de contentieux faute de clarté juridique, et d’autre part d’aboutir au retrait du marché de nombreux logements, malgré la diligence du propriétaire pour respecter le cadre légal fixé par la loi Climat et Résilience.

La présente proposition de loi entend ainsi apporter un certain nombre de clarifications et de correctifs dûment proportionnés aux dispositions actuelles, afin de prévenir les difficultés énumérées précédemment, de sécuriser juridiquement la relation locative et de permettre l’atteinte des objectifs de rénovation énergétique du parc locatif français.

Ainsi, l’article 1er précise en premier lieu les conditions dans lesquelles le respect des obligations de décence énergétiques sont satisfaites.

En cohérence avec le droit des contrats et afin de sécuriser les baux en cours, cette obligation ne s’applique, à compter de la date d’entrée en vigueur des niveaux de performance énergétique minimaux, qu’aux contrats nouvellement conclus. Pour les contrats en cours à cette échéance, l’interdiction viendrait s’appliquer au terme de la tacite reconduction ou du renouvellement.

Pour les logements autres que les logements G+, déjà soumis aux obligations de performance énergétique depuis le 1er janvier 2023 et que nous excluons des aménagements ici proposés, le propriétaire bailleur pourra être libéré de l’obligation d’atteindre le niveau de performance prévu par la loi s’il a réalisé tous les travaux de rénovation énergétique techniquement et juridiquement possibles. Cette mesure sécurise le fait que tous les travaux de rénovation énergétiques réalisables au regard des contraintes qui s’appliquent au logement ont été entrepris, sans les conditionner au respect d’un objectif par nature inatteignable.

Enfin, s’agissant des immeubles relevant du statut de la copropriété, l’obligation de décence énergétique est suspendue le temps de la réalisation des travaux lorsque ces derniers ont été votés par le syndic de copropriété. Durant cette période il convient effectivement de permettre la poursuite du bail en cours.

En deuxième lieu, l’article renforce la préservation des droits des locataires en permettant au juge, en complément de la minoration de loyer de droit commun en cas d’indécence du logement, de minorer le loyer jusqu’à l’exécution des travaux découlant de l’obligation de décence énergétique, en tenant compte du préjudice supporté par le locataire et de la diligence du bailleur.

Enfin l’article vise à sécuriser juridiquement le bailleur dont le locataire ferait obstacle à la mise en conformité de son logement avec les obligations de performance énergétique issues de la Climat et Résilience, malgré les démarches entreprises par son propriétaire. Dans ce cas, le locataire ne pourra pas se prévaloir de la possibilité de saisir le juge aux fins d’engager la responsabilité de son bailleur.

L’article 2 prévoit de renforcer la prise en compte des obligations découlant de la loi climat résilience dans le plan pluriannuel de travaux dont doivent obligatoirement se doter les immeubles en copropriété de plus de 15 ans, en substituant aux dispositions actuelles en matière d’économies d’énergie actuelles, les travaux de décence énergétique résultant de la loi précitée.

 

 


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proposition de loi

Article 1er

La loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, dans sa rédaction résultant de l’article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, est ainsi modifiée :

1° Le dixième alinéa de l’article 6 est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :

« L’obligation de décence énergétique définie au troisième alinéa est réputée satisfaite quand :

« 1° Le logement a atteint le niveau de performance exigible à la date à laquelle le contrat de location a été conclu, reconduit ou tacitement renouvelé ;

« 2° Le logement a une consommation énergétique finale conventionnelle inférieure à 450 kilowattheures par mètre carré de surface habitable et par an et, les travaux devant permettre l’atteinte du niveau de performance requis s’étant révélés impossibles pour des raisons techniques ou ayant été refusés par décision administrative, le propriétaire a réalisé tous les travaux d’amélioration énergétiques possibles au regard de ces contraintes ;

« 3° Le logement est situé dans un immeuble relevant du statut de la copropriété et l’assemblée générale des copropriétaires a voté des travaux de nature à permettre le respect du niveau de performance exigible dans les conditions prévues au onzième alinéa. » ;

« Le locataire ne peut se prévaloir d’un manquement du bailleur à son obligation de délivrance d’un logement respectant les conditions de décence énergétique précitées s’il fait obstacle à l’exécution de travaux permettant le respect de cette obligation. » ;

2° Les quatrième à dernier alinéas de l’article 20-1 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Sans préjudice de la réduction de loyer que le juge peut prononcer en application de l’alinéa précédent, une réduction de loyer peut être prononcée jusqu’à l’exécution des travaux découlant de l’obligation de décence énergétique définie à l’article 6, tenant compte du préjudice supporté par le locataire et de la diligence du bailleur. »

Article 2

À la fin du 1° du I de l’article 14-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les mots : « à la réalisation d'économies d'énergie et à la réduction des émissions de gaz à effet de serre » sont remplacés par les mots : « au respect de l’obligation de décence énergétique définie au troisième alinéa de l’article 6 de la loi n° 89‑462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 ».

 

 


[(1)](1) Ce groupe est composé de : M. David AMIEL, M. Pieyre-Alexandre ANGLADE, M. Gabriel ATTAL, M. Olivier BECHT, M. Belkhir BELHADDAD, Mme Aurore BERGÉ, M. Hervé BERVILLE, Mme Élisabeth BORNE, M. Éric BOTHOREL, M. Florent BOUDIÉ, Mme Yaël BRAUN-PIVET, M. Anthony BROSSE, Mme Danielle BRULEBOIS, M. Stéphane BUCHOU, Mme Françoise BUFFET, Mme Céline CALVEZ, Mme Eléonore CAROIT, Mme Danièle CARTERON, M. Vincent CAURE, M. Lionel CAUSSE, M. Thomas CAZENAVE, M. Jean-René CAZENEUVE, M. Pierre CAZENEUVE, M. Yannick CHENEVARD, M. François CORMIER-BOULIGEON, M. Gérald DARMANIN, Mme Sophie DELORME, Mme Julie DELPECH, M. Benjamin DIRX, Mme Nicole DUBRÉ-CHIRAT, M. Philippe FAIT, M. Jean-Marie FIÉVET, M. Moerani FRÉBAULT, M. Jean-Luc FUGIT, M. Thomas GASSILLOUD, M. Guillaume GOUFFIER VALENTE, Mme Olivia GRÉGOIRE, Mme Emmanuelle HOFFMAN, M. Sébastien HUYGHE, M. Jean-Michel JACQUES, Mme Brigitte KLINKERT, M. Daniel LABARONNE, Mme Amélia LAKRAFI, M. Jean LAUSSUCQ, M. Michel LAUZZANA, Mme Sandrine LE FEUR, M. Didier LE GAC, Mme Constance LE GRIP, Mme Annaïg LE MEUR, Mme Christine LE NABOUR, Mme Nicole LE PEIH, Mme Marie LEBEC, M. Mathieu LEFÈVRE, M. Roland LESCURE, Mme Pauline LEVASSEUR, Mme Brigitte LISO, M. Sylvain MAILLARD, M. Bastien MARCHIVE, M. Christophe MARION, Mme Sandra MARSAUD, M. Denis MASSÉGLIA, M. Stéphane MAZARS, Mme Graziella MELCHIOR, M. Ludovic MENDES, M. Nicolas METZDORF, M. Paul MIDY, Mme Laure MILLER, Mme Joséphine MISSOFFE, M. Christophe MONGARDIEN, M. Karl OLIVE, Mme Sophie PANONACLE, Mme Natalia POUZYREFF, M. Remi PROVENDIER, M. Franck RIESTER, Mme Véronique RIOTTON, Mme Stéphanie RIST, Mme Marie-Pierre RIXAIN, M. Charles RODWELL, Mme Marie-Ange ROUSSELOT, M. Jean-François ROUSSET, M. Stéphane SÉJOURNÉ, M. Mikaele SEO, M. Charles SITZENSTUHL, M. Bertrand SORRE, Mme Violette SPILLEBOUT, Mme Liliana TANGUY, M. Jean TERLIER, Mme Prisca THEVENOT, M. Stéphane TRAVERT, Mme Annie VIDAL, Mme Corinne VIGNON, M. Stéphane VOJETTA, M. Éric WOERTH, Mme Caroline YADAN.

 

[(2)](2) Ce groupe est composé de : Mme Marie-José ALLEMAND, M. Joël AVIRAGNET, M. Christian BAPTISTE, M. Fabrice BARUSSEAU, Mme Marie-Noëlle BATTISTEL, M. Laurent BAUMEL, Mme Béatrice BELLAY, M. Karim BENBRAHIM, M. Mickaël BOULOUX, M. Philippe BRUN, M. Elie CALIFER, Mme Colette CAPDEVIELLE, M. Paul CHRISTOPHLE, M. Pierrick COURBON, M. Alain DAVID, M. Arthur DELAPORTE, M. Stéphane DELAUTRETTE, Mme Dieynaba DIOP, Mme Fanny DOMBRE COSTE, M. Peio DUFAU, M. Inaki ECHANIZ, M. Romain ESKENAZI, M. Olivier FAURE, M. Denis FÉGNÉ, M. Guillaume GAROT, Mme Océane GODARD, M. Julien GOKEL, Mme Pascale GOT, M. Emmanuel GRÉGOIRE, M. Jérôme GUEDJ, M. Stéphane HABLOT, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Florence HEROUIN-LÉAUTEY, Mme Céline HERVIEU, M. François HOLLANDE, Mme Chantal JOURDAN, Mme Marietta KARAMANLI, Mme Fatiha KELOUA HACHI, M. Gérard LESEUL, M. Laurent LHARDIT, Mme Estelle MERCIER, M. Philippe NAILLET, M. Jacques OBERTI, Mme Sophie PANTEL, M. Marc PENA, Mme Anna PIC, Mme Christine PIRÈS BEAUNE, M. Dominique POTIER, M. Pierre PRIBETICH, M. Christophe PROENÇA, Mme Marie RÉCALDE, Mme Valérie ROSSI, Mme Claudia ROUAUX, M. Aurélien ROUSSEAU, M. Fabrice ROUSSEL, Mme Sandrine RUNEL, M. Sébastien SAINT-PASTEUR, Mme Isabelle SANTIAGO, M. Hervé SAULIGNAC, M. Arnaud SIMION, M. Thierry SOTHER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, Mme Mélanie THOMIN, M. Boris VALLAUD, M. Roger VICOT, M. Jiovanny WILLIAM.