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N° 664
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2024.
PROPOSITION DE LOI
pour une meilleure reconnaissance et une amélioration des conditions de travail des accompagnants des élèves en situation de handicap,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Corentin LE FUR, M. Jean-Luc WARSMANN, Mme Maud PETIT, Mme Hélène LAPORTE, Mme Justine GRUET, M. Romain BAUBRY, Mme Sandrine JOSSO, M. Jean-Pierre TAITE, M. Fabrice BRUN, M. Laurent MAZAURY, M. Romain DAUBIÉ, M. Olivier BECHT, M. Christophe NAEGELEN, M. Jean-Luc BOURGEAUX, M. Serge MULLER, M. Jean-Carles GRELIER, M. Nicolas RAY, M. Frédéric FALCON, M. Pierre CORDIER, Mme Sylvie BONNET, M. David HABIB, Mme Anne-Cécile VIOLLAND, M. Vincent DESCOEUR, Mme Frédérique MEUNIER, M. Anthony BROSSE, M. David TAUPIAC, M. Damien GIRARD, M. Jean-Pierre VIGIER, Mme Pascale BAY, Mme Eliane KREMER, Mme Virginie DUBY-MULLER, M. Éric WOERTH, M. Éric PAUGET, Mme Véronique BESSE, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, Mme Christelle D’INTORNI, Mme Delphine LINGEMANN, M. Antoine VILLEDIEU, Mme Angélique RANC, Mme Josiane CORNELOUP, M. Nicolas FORISSIER, Mme Sophie PANONACLE, M. Paul MOLAC, M. Jean-Yves BONY, M. Max MATHIASIN, M. Steevy GUSTAVE, M. Thierry FRAPPÉ, M. Jean-Pierre BATAILLE, M. Stéphane VIRY, M. Jean-René CAZENEUVE, Mme Agnès FIRMIN LE BODO, Mme Ayda HADIZADEH, Mme Stella DUPONT, M. Vincent THIÉBAUT, Mme Alexandra MARTIN, Mme Constance DE PÉLICHY, M. Philippe FAIT, M. Michel CASTELLANI, M. François RUFFIN, M. Michel HERBILLON, M. Yannick NEUDER, Mme Christelle PETEX, M. Sylvain BERRIOS, M. Hubert OTT, M. Sébastien PEYTAVIE,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sont les grands oubliés de l’Éducation nationale. Malgré leur rôle crucial au service de la réussite et de l’autonomie des élèves en situation de handicap, leur statut reste fragile et insuffisamment reconnu.
Sur tous les bancs, quelles que soient nos sensibilités politiques, ce constat fait l’unanimité. Le statu quo n’est donc plus tenable : il devient urgent de doter les AESH d’un véritable statut.
Ce statut leur permettra de sortir de la précarité, en leur attribuant un temps complet et donc une rémunération décente. Il leur permettra en outre d’accéder à une formation complète et à la hauteur des missions essentielles qu’ils remplissent au quotidien. Surtout, il rendra le métier d’AESH plus attractif et contribuera donc à offrir à chaque élève en situation de handicap l’accompagnement dont il a besoin, et qui lui a été notifié.
Doter les AESH d’un véritable statut n’aura pas seulement la vertu de sortir plus de 100 000 professionnels de la précarité, il contribuera à améliorer sensiblement l’accompagnement des élèves en situation de handicap et donc à rendre effective l’inclusion scolaire à laquelle nous sommes tous attachés.
Le constat et les chiffres sont criants. En France, selon l’éducation nationale, 470 000 enfants en situation de handicap sont actuellement scolarisés et ont, du fait de leur handicap, besoin d’un accompagnement adapté pour suivre une scolarité en milieu ordinaire.
Pourtant, et en dépit de l’augmentation des besoins, le nombre d’AESH n’a pas suffisamment évolué ces dernières années pour répondre aux notifications des maisons départementales pour les personnes handicapées (MDPH), laissant des milliers d’enfants sans soutien ou avec un accompagnement partiel. Cette situation est inacceptable et ne peut pas durer.
À l’heure actuelle, et depuis la rentrée scolaire 2024, seuls 132 200 AESH sont mobilisés pour permettre aux enfants en situation de handicap de suivre leur scolarité, soit un accompagnant pour environ 3,6 enfants.
Malgré ce constat accablant et les besoins immenses que des milliers de familles ne cessent de mettre en évidence, aucune véritable amélioration n’est à relever, alors même que 3 000 postes supplémentaires ont été créés pour la rentrée 2024. Malgré leur grande utilité, ces 3 000 renforts sont une goutte d’eau et sont loin de couvrir les besoins notifiés par les MDPH.
Cette situation insatisfaisante, voire révoltante, résulte notamment de l’absence de statut des AESH. Par conséquent, en l’absence de conditions de travail attractives et d’une reconnaissance institutionnelle solide des AESH, leur recrutement et leur fidélisation restent difficiles.
Créer des postes, sans traiter la question cruciale du statut d’AESH, est une gageure. Pour répondre aux besoins de nos enfants, nous ne parviendrons pas à recruter les milliers d’AESH nécessaires sans revaloriser ce métier. En effet, actuellement les AESH doivent exercer un voire deux métiers pour éviter la précarité.
En la matière, il n’y a plus de temps à perdre. Il y en a d’autant moins que cette problématique n’est pas nouvelle. Dès 2022, la Défenseure des droits alertait sur les difficultés d’accès à l’éducation pour les enfants en situation de handicap, notant que 20 % des saisines relatives aux droits de l’enfant portaient sur cette problématique. Elle soulignait, par ailleurs, que l’État ne pouvait se décharger de sa responsabilité d’assurer un accompagnement adapté en invoquant uniquement des contraintes budgétaires ou de recrutement. S’opposer à la création d’un véritable corps d’AESH avec des arguments comptables, c’est nier l’esprit de la grande loi Handicap de 2005, que l’on doit au Président Chirac.
Dans nos circonscriptions, nous avons tous reçu des témoignages de familles dont les enfants étaient privés, totalement ou en partie, de l’accompagnement qui leur avait pourtant été notifié par les MDPH. De même, nous avons reçu des centaines de messages d’AESH tirant la sonnette d’alarme. Nous avons reçu beaucoup d’entre eux dans nos permanences parlementaires et les avons auditionnés à l’Assemblée nationale le 9 octobre dernier. Nous avons entendu leur message et proposons de les doter d’un véritable statut, et donc d’une rémunération décente.
L’objet de cette proposition de loi transpartisane est donc de créer un corps de fonctionnaires propre aux AESH, auquel les AESH en activité à la rentrée 2024 seront intégrés de droit.
La création de ce corps de catégorie B, leur permettra de sortir de la précarité (1), d’accéder à la formation (2) qu’ils appellent de leurs vœux et de procéder à la clarification de leurs missions (3). Cette création rendra le métier d’AESH plus attractif et contribuera in fine à rendre l’inclusion scolaire concrète, et à mieux répondre aux besoins des familles (4).
1) Un corps de fonctionnaires pour sortir les AESH de la précarité
Parce qu’elle mettra fin au temps partiel contraint auquel sont soumis près de 80 % des AESH, la création d’un corps de fonctionnaires de l’Education nationale spécifique aux AESH leur permettra de sortir de la précarité. En bénéficiant d’une rémunération à temps plein au titre de l’accompagnement sur le temps scolaire, les AESH accéderont à une rémunération digne, à la hauteur du rôle qui est le leur.
Il n’est pas tolérable qu’une majorité des AESH, qui sont d’ailleurs majoritairement des femmes, continue à vivre sous le seuil de pauvreté.
Défendre la France qui travaille, défendre le mérite et la compétence, impose de revaloriser les AESH.
2) Un corps de fonctionnaires pour offrir aux AESH une formation effective et qualifiante
Nous l’avons constaté dans nos circonscriptions et lors de nos auditions : les AESH regrettent le caractère partiel et inabouti de leur formation. Ils demandent et doivent pouvoir accéder à une véritable formation. Aujourd’hui, cette formation est non qualifiante et reste limitée à 60 heures. Cela n’est pas à la hauteur de leurs missions et de leur rôle. Surtout que peu d’AESH sont acceptées pour les formations auxquelles elles postulent.
La création d’un corps de fonctionnaires de l’Education nationale permettra de mettre en place une formation initiale et continue des AESH. Les AESH stagiaires bénéficieront ainsi d’une formation théorique dispensée par des établissements d’enseignement supérieur et d’une formation pratique au plus près du terrain. Dans le cadre de cette formation complète et parce qu’une culture commune de l’inclusion doit être développée, des modules interprofessionnels pour renforcer leur collaboration avec les enseignants et les professionnels médico‑sociaux leur seront proposés. Les AESH feront ainsi partie intégrante des équipes pédagogiques. La formation renforcée dont ils bénéficieront permettra un meilleur accompagnement et une meilleure prise en charge des élèves en situation de handicap.
Soulignons que la création de ce corps ne portera pas préjudice aux AESH qui ne remplissent pas les conditions, notamment de diplôme, pour l’intégrer. La mise en place d’un contrat à durée indéterminée permettra à ceux qui n’ont pas la possibilité d’accéder à ce corps de bénéficier d’une protection indispensable à l’exercice de leur métier. Ils ne resteront pas dans la précarité.
3) Un corps de fonctionnaires pour définir précisément les missions des AESH
À l’heure actuelle, les missions des AESH ne sont pas ou trop peu définies. Beaucoup d’AESH pâtissent de ce manque de clarté et sont en conséquence amenés à effectuer des missions et des tâches pas toujours en adéquation avec leur fonction, ou ballottés au gré des demandes des chefs d’établissement.
Ainsi, lors de nos auditions et rencontres avec eux, les AESH nous ont indiqué être déployés sur des missions de surveillance d’examens, de rangement, de mise sous pli ou encore de classement, soit des tâches administratives qui sont parfois très éloignées de l’accompagnement des élèves en situation de handicap.
La création du corps des AESH permettra ainsi une clarification de leurs missions qui devront être recentrées sur leurs fonctions d’aide à l’inclusion sur le temps scolaire.
4) Un corps de fonctionnaires pour accompagner chaque enfant en situation de handicap
En rendant plus attractive la profession, la création de ce corps d’AESH contribuera à mieux répondre aux besoins des enfants en situation de handicap qui, faute d’un accompagnement effectif, sont parfois partiellement, voire totalement déscolarisés, ou scolarisés dans des conditions inadaptées.
La création de ce corps d’AESH est aussi une réponse aux familles désemparées parce qu’elles ont des enfants qui ne bénéficient pas de l’accompagnement qui leur est pourtant indispensable.
À chaque rentrée scolaire, nous recevons des témoignages de parents indiquant que leur enfant ne bénéficie pas ou ne bénéficie plus de l’aide à laquelle il a pourtant droit. Ces carences s’expliquent en grande partie par le manque d’attractivité du métier d’AESH. Cette proposition transpartisane s’adresse donc aux AESH, mais elle s’inscrit tout autant dans une politique globale en faveur d’une meilleure inclusion scolaire des élèves en situation de handicap.
S’il existe des gisements conséquents d’économies dans la sphère administrative, ces économies ne doivent en aucun cas se faire sur le dos du handicap, ni sur celui de la France qui travaille qui, comme les AESH, sont en première ligne aux côtés des plus fragiles, à commencer par nos enfants.
Cette proposition de loi a un coût pour les finances publiques et nous l’assumons. Mais à partir du moment où l’inclusion est une priorité, elle impose les efforts de la Nation. Par conséquent, la création de cet indispensable corps d’AESH sera financée. Et elle le sera par des mesures d’économie, et non par des augmentations d’impôts ou de charges sur les entreprises et les particuliers.
Dans cette optique, la baisse de la dépense publique destinée aux agences et opérateurs de l’État, dont le coût a bondi de près de 14 milliards d’euros entre 2021 et 2023 pour atteindre 76 milliards d’euros, devra être une priorité. Ces 14 milliards d’euros doivent d’urgence être réorientés vers des dépenses de terrain au service des Français, et notamment vers l’accompagnement des personnes en situation de handicap, au service de leur inclusion dans la société.
Tel est l’objet de la présente proposition de loi.
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proposition de loi
Article 1er
I. – L’article L. 917‑1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le corps des accompagnants des élèves en situation de handicap est classé dans la catégorie B prévue à l’article L. 411‑2 du code général de la fonction publique, et dont les modalités sont fixées par décret. Les accompagnants des élèves en situation de handicap exercent des fonctions d’aide et d’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap sur leur temps scolaire. Ils assurent, sur l’ensemble de l’année scolaire, un service d’accompagnement, dont le volume horaire est égal au volume horaire du service d’enseignement des professeurs du premier ou du second degré. Ils sont rémunérés sur la base d’un temps plein tel que prévu à l’article L. 611‑1 du même code. » ;
2° Après le même premier alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Les accompagnants des élèves en situation de handicap sont recrutés par voie de concours, lesquels sont organisés à l’échelle régionale, et dont les modalités sont fixées par voie réglementaire. Les lauréats sont affectés, selon les modalités fixées par voie réglementaire, dans l’un des départements de l’académie au sein de laquelle le concours a été organisé.
« Les fonctionnaires stagiaires accomplissent un stage d’un an. Durant leur stage et afin d’acquérir les compétences nécessaires à l’exercice du métier, ils bénéficient d’une formation dispensée par un établissement d’enseignement supérieur, selon les modalités définies par l’État. Cette formation comprend une partie théorique et une partie pratique de mise en situation professionnelle. Elle peut être adaptée afin de tenir compte de l’expérience professionnelle et de la formation des fonctionnaires stagiaires. Elle s’accompagne d’un tutorat.
« Les agents non titulaires exerçant dans des établissements d’enseignement publics ou privés sous contrat d’association au 1er janvier 2025 sont nommés de droit fonctionnaires stagiaires dans le corps des accompagnants des élèves en situation de handicap. Les agents qui ne remplissent pas les conditions posées par les articles L. 321‑1 à L. 312‑3 du code général de la fonction publique se voient proposer un contrat de travail à durée indéterminée dans les mêmes conditions de rémunération et de temps de travail que les fonctionnaires titulaires. » ;
3° Les troisième, sixième et huitième alinéas sont supprimés.
II. – Le premier alinéa de l’article L. 611‑1 du code général de la fonction publique est complété par les mots : « et pour le corps des accompagnants des élèves en situation de handicap ».
Article 2
La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.