N° 667
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à lutter contre l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Éric PAUGET,
député.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Symbole de l’ampleur de cette haine antisémite, les juifs concentrent 57 % des agressions racistes et antireligieuses dans le pays alors qu’ils représentent seulement 1 % de la population française d’après les derniers chiffres collectés par les services du renseignement territorial du ministère de l’Intérieur.
À cette disproportion effarante, s’ajoute une tendance encore plus terrifiante quand on sait que 60 % de ces actes antisémites concernent des atteintes aux personnes, au moment même où la police et la gendarmerie nationales enregistrent un niveau inédit des actes antisémites les plus graves en France.
Avec 563 atteintes aux personnes relevées, ces faits ont même connu une hausse de 192 % sur la première moitié de l’année 2024. Le constat est encore plus alarmant dans l’Education nationale ou la haine des juifs a progressé de 400 % sur l’année scolaire 2023‑2024, ou les manifestations antisémites ont augmenté de 1200 %.
Enfin, il est inévitablement à craindre que les discours antisémites tenus sur les réseaux sociaux catalysant davantage encore cette haine des Juifs, puissent aussi légitimer le passage à l’acte raciste. Ce terrible constat nous oblige à regarder la menace antisémite en face, car si ces tendances se poursuivaient, il s’agirait d’un profond recul pour la société française.
Alors que le dernier bilan du ministère de la justice sur le traitement des infractions à caractère raciste, démontre une réponse pénale forte, la multiplication de ces infractions doit aussi nous interroger aussi sur l’évidente nécessité de renforcer notre arsenal pénal et administratif, pour lutter plus efficacement contre le fléau de l’antisémitisme qui gangrène notre pays.
Cette volonté de renforcer les sanctions s’inscrit dans la continuité de notre droit qui évolue depuis 50 ans pour s’adapter aux actes antisémites et à leur mutation. De la création des délits spécifiques sur la violence raciale votés sous Pompidou à la « loi Gayssot » du 13 juillet 1990 réprimant les actes racistes, antisémites ou xénophobes, nous avons toujours su nous adapter à l’évolution de ces actes pour garantir une sanction pénale systématique.
Dans le contexte actuel d’explosion des actes et propos antisémites, un renforcement de notre arsenal juridique pourrait garantir une meilleure efficacité de la justice dans la répression des discours haineux et de comportements discriminatoires.
Vous l’aurez bien compris chers collègues, l’explosion des faits comme des propos haineux ou discriminants à raison de la présumée race ou d’une religion qui divisent l’unité de la nation et opposent les Hommes, sont intolérables. Contraires aux valeurs humanistes de notre République, ces actes doivent emporter l’impossibilité de devenir français pour les étrangers qui seraient les auteurs d’acte antisémite, raciste ou xénophobe.
Tel est le sens de ce texte qui s’inscrit résolument dans le prolongement des propositions de loi présentées par les députés Mathieu Lefèvre, visant à renforcer la réponse pénale contre les infractions à caractère raciste ou antisémite délictualisant les infractions de provocation non publique à la discrimination non publique à caractère raciste et antisémite, et celle portée par Mme Caroline Yadan, luttant contre les formes renouvelées d’antisémitisme telles que l’apologie du terrorisme, la négation de l’État d’Israël et la comparaison avec la Shoah.
Inspirée du droit allemand ou l’obtention de la nationalité est impossible pour toute personne ayant été définitivement condamnée pour acte antisémite, cette proposition de loi durcit notre législation en interdisant l’accès à la nationalité française à toute personne condamnée pour acte antisémite, raciste ou xénophobe, commis envers une personne ou un groupe de personne, en fonction de leur appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée. Pareillement, son article 2 modifie notre code civil pour interdire la naturalisation française par décision de l’autorité publique quand son l’article 3 interdit la délivrance de tout titre de séjour aux étrangers définitivement condamnés pour les mêmes actes antisémites, racistes ou xénophobes.
Mes chers collègues, tel est l’objet de la présente proposition de loi que je vous demande de soutenir.
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proposition de loi
Article 1er
Avant le dernier alinéa de l’article 21‑27 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut acquérir la nationalité française ou être réintégré dans cette nationalité s’il a été définitivement condamné pour avoir commis une discrimination à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non‑appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée prévue et réprimée par la section 1 du chapitre V du titre II du livre II du code pénal. »
Article 2
Après l’article 21‑16 du code civil, il est inséré un article 21‑16‑1 ainsi rédigé :
« Art. 21‑16‑1. – Nul ne peut être naturalisé ou réintégré dans la nationalité française par décision de l’autorité publique, s’il a été définitivement condamné pour avoir commis une discrimination à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non‑appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée prévue et réprimée par la section 1 du chapitre V du titre II du livre II du code pénal. »
Article 3
La section 2 du chapitre II du titre I du livre IV du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complétée par un article L. 412‑7 ainsi rédigé :
« Art. L. 412‑7. – Aucun document de séjour ne peut être délivré à un étranger définitivement condamné pour avoir commis une discrimination à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non‑appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée prévue et réprimée par la section 1 du chapitre V du titre II du livre II du code pénal. »