N° 673
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à rendre obligatoire la signalisation des radars mobiles privés,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
M. Pierre CORDIER, M. Thibault BAZIN, Mme Valérie BAZIN-MALGRAS, Mme Sylvie BONNET, M. Jean-Yves BONY, M. Ian BOUCARD, M. Hubert BRIGAND, Mme Marie-Christine DALLOZ, M. Fabien DI FILIPPO, Mme Alexandra MARTIN, Mme Frédérique MEUNIER, M. Éric PAUGET, Mme Christelle PETEX, M. Jean-Pierre TAITE,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les voitures radars ont commencé à sillonner la France en 2013. Elles sont désormais 400 et si le projet pour 2024 d’en confier la conduite à des chauffeurs privés pour plus de la moitié d’entre elles n’a pas été atteint, l’objectif consiste bien, à terme, de leur déléguer cette mission à 100 %.
Ces voitures de contrôle sont d’autant moins détectables qu’elles sont banalisées et que leurs marques et modèles sont variés. Elles font aussi leurs preuves : selon la générale de gendarmerie Florence Guillaume, déléguée interministérielle à la sécurité routière, c’est en 2021 que le nombre de contrôles a explosé, passant de 758 000 au premier trimestre à 2,9 millions au dernier trimestre. Soit un bond de 280 %, qui s’explique notamment par une intensive phase de déploiement des voitures radars conduites par des chauffeurs salariés d’entreprises privées. En 2023, ce sont 12,7 millions de véhicules qui ont été contrôlés dans 8 régions et 55 départements. Alors que le projet de loi de finances pour 2023 précisait qu’il était « prévu, selon les priorités opérationnelles, d’entamer le déploiement dans tout ou partie des 4 régions restantes en métropole », ces régions (Auvergne‑Rhône‑Alpes, Île‑de‑France, Occitanie et Provence‑Alpes‑Côte d’Azur), auxquelles il faut ajouter la Corse, restent toutefois pour le moment « épargnées » par ce dispositif.
Lorsqu’elle est déléguée à des chauffeurs privés, la conduite des voitures radars permet d’augmenter notablement leur temps d’utilisation. Selon l’hebdomadaire Auto Plus qui s’est procuré le fichier détaillé des vitesses relevées par le voitures‑radars privatisées en 2023 (numéro du 25 octobre 2024), ces véhicules circulent en effet en moyenne 329 jours par an (jusqu’à 356 jours par an en Gironde). Les capacités de sanction sont aussi accrues par le nombre d’heures passé chaque jour à circuler. En effet, conduite par des représentants des forces de l’ordre, chaque voiture radar circule en moyenne 1 heure 12 par jour et engendre 0,46 procès-verbal par heure. Conduite par un chauffeur privé, le même véhicule circule 5 heures 30 par jour et engendre 2,09 procès-verbaux par heure. Sur la base d’un fonctionnement 7 jours sur 7, la première donnera ainsi lieu à 201 contraventions dans l’année, la seconde à 4 196. M. Emmanuel Barbe, l’ex‑délégué interministériel à la sécurité routière, était d’ailleurs d’emblée persuadé de la capacité de sanction de ces machines, déclarant début 2019 : « Tous ceux qui critiquent le système redoutent en fait son efficacité. Avec ça, il va vraiment falloir respecter les limitations. Et ça en embête certains. »
Outre le caractère banalisé, la variété des voitures radars utilisées concourt aussi à les rendre indétectables. En effet, la liste des modèles utilisés a progressivement intégré des Dacia Sandero, Peugeot 208, 308 et 508, Renault Mégane, Citroën C5 Aircross, VW Golf et Passat, Ford Focus, Seat Leon, Skoda Octavia…
Or, pour sa sécurité, un conducteur a mieux à faire que de se demander si la voiture qu’il croise ou qu’il dépasse est un véhicule parmi d’autres ou un « radar sur roues » camouflé. Cette source de stress le détourne de l’objectif numéro 1, à savoir observer l’environnement dans lequel il circule, anticiper tout événement imprévu et se tenir prêt à réagir. Sans compter qu’avec la multiplication des radars et des variations de limitations de vitesse, il doit déjà porter une (trop) grande attention à son compteur de vitesse.
Les associations d’usagers notent par ailleurs l’apparition de témoignages inquiétants sur de premiers dérapages liés aux véhicules radars conduits par des chauffeurs privés. « Me rapprochant d’une voiture circulant sous la vitesse limite de 80 km/h, abordant une grande ligne droite avec une bonne visibilité, j’accélère pour la dépasser, tant que la route est libre et limiter mon temps sur la file opposée. Ensuite je me rabats et laisse la voiture ralentir pour que le régulateur se remette en fonctionnement à ma vitesse d’origine. Sauf que le véhicule que je venais de doubler était une voiture radar. Si elle n’avait pas été sur la route, je serais resté à ma vitesse d’origine et n’aurais pas commis d’infraction. Je me suis retrouvé en excès de 8 km/h… » (M. B.) ; ou encore : « J’ai déjà constaté que les voitures radars circulent à des vitesses inférieures aux limitations, incitant les conducteurs à doubler, les contraignant ainsi à dépasser la limite. » (J.‑F. H).
Tandis qu’à la suite d’une action initiée par l’association Ligue de défense des conducteurs, le Gouvernement a communiqué en 2022 l’information selon laquelle 58 % des procès-verbaux pour excès de vitesse concernent des mini‑dépassements de moins de 5 km/h, la focalisation du Gouvernement sur la vitesse, lorsqu’il s’agit de répression routière, se confirme à la lecture du bilan 2023 des infractions routières. On y apprend notamment que sur les 15,8 millions de points retirés l’an passé, 12 millions l’étaient pour des excès de vitesse (soit 76 %), contre 462 000 pour cause d’alcoolémie (2,9 %) et 259 000 pour usage de stupéfiants (1,6 %). Enfin, le recours au contrôle de la vitesse par un parc de radars se fait toujours plus systématique. Le projet de loi de finances 2025 précise ainsi que ce dernier « se situe autour de 4 000 radars opérationnels et visibles et entre 4 600 et 4 800 radars en parc technique global, qui lui évolue en fonction de l’optimisation de la maintenance ». Or, cette même association notait dès 2021, citant le site radars‑auto.com, que l’acquisition par l’État d’une base de données initialement supposée être destinée à la construction d’une « base nationale des vitesses limites autorisées » allait plutôt permettre de repositionner les radars là où « les vitesses pratiquées et le trafic sont le plus élevés » … révélant un tout autre objectif, basé sur la seule répression.
La confiance dans la responsabilité du conducteur, le développement de la prévention et de la formation, de même que l’entretien soutenu du réseau routier et la répression ciblée (notamment la lutte renforcée contre la conduite sous l’empire de l’alcool et/ou de stupéfiants), passent au second plan.
Un signal de confiance dans la responsabilité du conducteur pourrait résider dans la fin du caractère banalisé des véhicules de contrôle de la vitesse, sur le modèle des véhicules de contrôle du stationnement payant, mais en visible de plus loin. Cette décision atténuerait le stress des automobilistes, dont la conduite resterait concentrée sur les conditions de circulation, plutôt que sur la recherche du dispositif qui va les piéger. Elle réduirait aussi la défiance de la population, qui associe le concept de voitures radars, en particulier conduites par des chauffeurs salariés de sociétés privées, à un objectif de rentabilité plutôt qu’un renforcement de la sécurité routière. En effet, ces chauffeurs privés n’endossent aucune mission de prévention et ne sont pas habilités à arrêter les fous du volant.
L’identification des voitures radars serait par ailleurs parfaitement cohérente avec les panneaux de signalisation avertissant les conducteurs de leur entrée dans une zone de contrôle de la vitesse par radar fixe.
Tel est, Mesdames, Messieurs, l’objet de la présente proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.
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proposition de loi
Article unique
Le chapitre 3 du titre Ier du livre 4 du code de la route est complété par un article L. 413‑6 ainsi rédigé :
« Art. L. 413‑6. – Les véhicules de contrôle de la vitesse font l’objet d’une signalisation spécifique de nature à permettre à tout conducteur de les identifier à l’œil nu en toutes circonstances.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »