N° 688

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 décembre 2024.

PROPOSITION DE LOI

relative à la protection des agents publics,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Violette SPILLEBOUT,

députée.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les assassinats de Samuel Paty le 16 octobre 2020, et de Dominique Bernard le 13 octobre 2023 ont marqué au cœur notre République et nous ont rappelés collectivement l’impérieuse nécessité d’assurer la meilleure protection possible de nos agents publics. Ces drames, d’une gravité exceptionnelle, ont rappelé que servir l’intérêt général peut exposer à des menaces intolérables.

Au‑delà de ces tragédies qui ont ému la nation, l’actualité montre que les agressions envers les agents publics sont hélas devenues récurrentes. Ainsi, au début du mois de novembre 2024, un agent municipal a été violemment agressé à Ronchin, dans le Nord dans l’exercice de ses fonctions. Ces violences ne sont plus des cas isolés : elles constituent une menace quotidienne qui sape la mission même du service public.

Cette violence, amplifiée par l’usage massif et souvent malveillant des réseaux sociaux, n’épargne aucun secteur de la fonction publique. Qu’il s’agisse des agents de l’État, des personnels hospitaliers ou des agents territoriaux, tous sont exposés à des actes d’intimidation, d’agression, voire de harcèlement. Ces attaques fragilisent non seulement les victimes directes, mais également la relation de confiance entre les citoyens et leurs institutions. Elles contribuent également à fragiliser les conditions de travail au sein de la fonction publique, ce qui peut accentuer l’absentéisme et, par ricochet, perturber le bon fonctionnement des services publics, avec des répercussions directes pour les usagers.

En premier lieu, cette proposition de loi permet de favoriser l’adoption de mesures attendues à la fois par les employeurs publics mais aussi par les agents eux‑mêmes. À travers cette proposition, nous souhaitons que l’administration puisse, déposer plainte au nom de l’agent, en lieu et place de l’agent victime. Cette mesure répond à une demande forte des agents victimes, souvent réticents ou dans l’impossibilité de porter plainte eux‑mêmes, en raison de pressions, de traumatismes ou d’un sentiment d’isolement.

En second lieu, la présente proposition de loi prévoit également une extension de la protection fonctionnelle, sans délai et à titre conservatoire au conjoint, au concubin, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité d’un agent public, à ses enfants et à ses ascendants directs, lorsque la collectivité publique est informée, par quelque moyen que ce soit, de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique de l’une de ces personnes du fait des fonctions exercées par l’agent public. Cet élargissement, qui s’applique de manière conservatoire et pour une durée strictement nécessaire, permet de prévenir des drames et de sécuriser l’entourage des agents, souvent exposé aux représailles ou aux pressions.

Enfin, cette proposition de loi vise à tirer toutes les conséquences de la décision n° 2024‑1098 QPC du 4 juillet 2024 du Conseil constitutionnel qui a censuré les dispositions de l’article L.134‑4 du code général de la fonction publique comme contraire au principe d’égalité devant la loi. Désormais, l’agent public entendu librement pourra bénéficier du régime de la protection fonctionnelle.

En adoptant ces mesures, nous affirmons une ambition claire : protéger ceux qui servent la République et restaurer la dignité et la sécurité inhérentes à leur engagement au service de l’intérêt général. Nous leur devons cet effort collectif, à la hauteur des valeurs qui fondent notre démocratie.

L’article 1er de la proposition de loi vise à renforcer la protection des agents publics en donnant la possibilité à l’employeur de déposer plainte au nom de l’agent, en lieu et place de l’agent victime.

L’article 2 de la proposition de loi vise à faciliter les démarches pour les ayants‑droits d’un agent victime de violences.

L’article 3 de la proposition de loi vise à octroyer la protection fonctionnelle pour les agents publics entendus sous le régime de l’audition libre

 


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proposition de loi

Article 1er

I. – Le second alinéa de l’article 433‑3‑1 du code pénal est supprimé.

II. – Après l’article 15‑3‑3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15‑3‑4 ainsi rédigé :

« Art. 1534. – Lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de constituer l’une des infractions prévues aux articles 215‑15‑1, 222‑9 à 222‑13, 222‑14‑5, 222‑15, 222‑16, 222‑17, 222‑18, 322‑1, 322‑3, 433‑3 et 433‑3‑1 du code pénal et lorsque cette infraction est commise à l’égard de toute personne participant à l’exécution d’une mission de service public ou d’un professionnel de santé, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions, l’employeur, après avoir recueilli par tout moyen le consentement de la victime, peut déposer plainte au nom de la victime.

« Les dispositions du présent article ne dispensent pas l’employeur, fonctionnaire ou officier public ou autorité constituée, des prescriptions du second alinéa de l’article 40.

« Elles ne donnent pas à l’employeur la qualité de victime. »

Article 2

L’article L. 134‑7 du code général de la fonction publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La protection de la collectivité publique peut être accordée, sans délai et à titre conservatoire, au conjoint, au concubin, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité d’un agent public, à ses enfants et à ses ascendants directs, lorsque la collectivité publique est informée, par quelque moyen que ce soit, de l’existence d’un risque manifeste d’atteinte grave à l’intégrité physique de l’une de ces personnes du fait des fonctions exercées par l’agent public. Ces mesures sont mises en œuvre pendant la durée strictement nécessaire à la cessation du risque. »

Article 3

Au deuxième alinéa de l’article L. 134‑4 du code général de la fonction publique, après le mot : « entendu », sont insérés les mots : « librement ou ».

Article 4

I. – La charge pour l’État est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

III. – La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée, à due concurrence, par la majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.