N° 730
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 décembre 2024.
PROPOSITION DE LOI
visant à reconnaître et sanctionner les violences obstétricales et gynécologiques et à lutter contre ces violences faites aux femmes,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Sophia CHIKIROU,
députée.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les violences faites aux femmes sont un véritable fléau dans notre société. Elles revêtent des formes diverses, s’exercent dans des espaces privés tout comme dans des espaces publics, et une chose est certaine : elles sont insuffisamment combattues.
Parmi les violences commises à l’encontre des femmes, les violences obstétricales et gynécologiques constituent des violences particulièrement sous‑estimées et peu documentées. Ce sont les scandales, comme celui qui touche l’hôpital public Tenon à Paris depuis 2021, qui permettent une prise de conscience. Ce sont des mobilisations féministes comme celle de 2014 sur les réseaux sociaux avec le hashtag #PayeTonUtérus qui avait permis de recueillir plus de 7 000 témoignages. C’est l’action de collectifs de femmes comme le Collectif Stop VOG qui œuvre pour la libération de la parole et le travail commun entre professionnels de santé et victimes.
En 2023, la France ne reconnait pourtant toujours pas ces violences qui surviennent dans le cadre de parcours classiques d’un suivi gynécologique et/ou obstétrical. Il est important de rappeler que la quasi‑totalité des femmes, quel que soit leur âge, est amenée, au cours de sa vie, à consulter des professionnels de santé pour des raisons intrinsèquement liées à la condition féminine : les consultations gynécologiques et obstétricales ne s’adressent pas uniquement à des personnes malades, c’est la spécificité physionomique féminine qui mène à consulter que ce soit pour la prescription d’une pilule contraceptive, pour un suivi de grossesse, pour des contrôles préventifs ou pour un accouchement.
L’absence de reconnaissance par la loi des violences obstétricales et gynécologiques (VOG) participe du déni de ces violences qui sont pourtant une réalité. Les témoignages exprimés sur les réseaux sociaux, les articles de presse, les documentaires et reportages, tendent à montrer un phénomène de grande ampleur, systémique, qui tarde pourtant à être reconnu et traité selon ses caractéristiques propres. Les personnes auditionnées dans le cadre de la préparation de cette proposition de loi n’hésitent pas à employer le terme d’omerta dans le milieu médical et pointent les effets d’un système où les abus de pouvoir sont rendus possibles par une structure hiérarchique très forte mais aussi par l’aura dont jouissent les professionnels de santé aux yeux de leurs patientes.
Il convient de relever que l’apparition de l’expression « violences obstétricales et gynécologiques » dans le débat public français est assez récente et qu’il y a encore une grande méconnaissance de ce qu’elle recouvre comme réalités. Le Haut Conseil à l’égalité les a pourtant définies en 2018 comme étant « les actes sexistes les plus graves pouvant se produire dans le cadre du suivi gynécologique et obstétrical des femmes ». Ce sont « des gestes, propos, pratiques et comportements exercés ou omis par un ou plusieurs membres du personnel soignant sur une patiente ».
Depuis octobre 2021, il est admis par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français que les consultations doivent se réaliser « dans un esprit de bienveillance et de respect mutuel », dans la Charte de la consultation en gynécologie ou en obstétrique, qu’il recommande de porter à la connaissance des patientes. Les sociétés savantes concèdent l’emploi du terme « bienveillant » ou encore « bientraitant » pour évoquer les pratiques des professionnels de santé tout en refusant toujours de qualifier certaines d’entre elles de « violences ».
Il semble cependant essentiel, dans la lutte contre les violences faites aux femmes, de nommer les choses et d’employer l’expression « violences obstétricales et gynécologiques » non seulement pour définir mais aussi pour qualifier des faits répréhensibles.
Ces violences surviennent dans un environnement de soins, dans le cadre d’une relation soignant/patiente, et surtout dans un moment de vulnérabilité pour la patiente puisqu’il est question de son intimité psychique et physique. Il est faux de penser que la gynécologie et l’obstétrique sont des spécialités comme les autres. Ce sont des spécialités qui touchent à l’intimité des femmes (et des personnes transgenres) et nécessitent une approche humaine aussi délicate que lorsqu’il s’agit de traiter de la fin de vie par exemple.
Cette approche doit absolument être envisagée non seulement au moment des consultations, des soins éventuels, mais même en amont, dès le premier contact parfois téléphonique ou numérique.
Cette dernière remarque est particulièrement pertinente lorsqu’il s’agit pour une patiente d’entrer en contact avec des personnels paramédicaux pour prendre rendez‑vous, prendre des renseignements ou entamer une démarche pour une intervention volontaire de grossesse. Il n’est pas anodin de constater que de trop nombreux sites internet trompent les internautes en prétendant les informer sur l’intervention volontaire de grossesse (IVG) alors qu’ils sont les vitrines de groupes d’action anti‑IVG. Il n’est pas rare non plus que le premier contact pour une femme souhaitant un rendez‑vous en vue d’une IVG, n’aboutisse pas ou ne permette pas à la patiente d’être correctement informée.
Les premières violences obstétricales et gynécologiques prennent la forme d’une difficulté d’accès à l’information ou de rapports verbaux « expéditifs ». Elles sont le fait d’un manque de formation à l’approche « bienveillante » ou d’un manque de temps. Elles peuvent être aussi le résultat d’une « ambiance compliquée » au sein d’un service. Dans tous les cas, ces premières violences doivent être combattues car elles peuvent être le signe avant‑coureur de violences plus dangereuses encore pour les patientes.
La violence verbale fait partie des violences subies par les femmes : des remarques sur leur poids, sur la forme de leur organe génital ou de leurs seins (mamelons), sur la largeur de leur bassin et autres commentaires présentés comme une plaisanterie ou comme un reproche. La violence verbale, ce sont aussi des propos déplacés même si élogieux sur le physique, des commentaires sur le plaisir sexuel et/ou les relations avec le conjoint/la conjointe. Enfin, ce peut être des propos autoritaires, des ordres ou des consignes exprimés de façon abrupte, agacée ou parfois même en criant sur la patiente (pour la gronder). De nombreux témoignages en attestent et cette violence verbale est particulièrement difficile à dénoncer.
Le Conseil de l’Europe définissait en 1987 la maltraitance comme une violence se caractérisant « par tout acte ou omission commis par une personne s’il porte atteinte à la vie, à l’intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d’une autre personne, ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière ».
La Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (entrée en vigueur en 2014) précisait que les violences contre les femmes sont une « violation des droits de l’homme et une forme de discrimination à l’égard des femmes qui désigne tous les actes de violation sexiste qui entraînent ou sont susceptibles de causer des préjudices ou des souffrances physiques, sexuelles, psychologiques ou économiques à les femmes, y compris les menaces de tels actes, la coercition ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée ».
Il apparaît aux vues de ces deux textes internationaux que les violences obstétricales et gynécologiques (VOG) sont des violences faites aux femmes qui peuvent être qualifiées comme telles par la loi française.
L’atteinte à la liberté des femmes est l’une des VOG qui est fréquemment dénoncée lorsque le choix médical/thérapeutique n’est pas proposé aux femmes. Il s’agit d’actes pratiqués par des professionnels de santé soit sans le consentement des patientes, soit sans informer les patientes des alternatives existantes, soit par la « force » si la patiente est contrainte à une position inconfortable ou douloureuse (que ce soit lors d’un examen ou d’un accouchement). Les femmes expriment cette privation de liberté : « je n’ai pas eu le choix de la position » ; « je n’ai pu dire non » ; « c’est arrivé par surprise » (toucher rectal) ; « je ne savais pas que je pouvais l’éviter » (à propos d’un examen par sonde intravaginale).
Les victimes de VOG évoquent très souvent l’absence de consentement comme étant le point d’orgue d’un processus violent. Or la loi dite Kouchner, du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, consacre le droit du patient de prendre des décisions concernant sa santé et l’obligation des soignants de créer toutes les conditions pour éclairer ces décisions.
Dans la pratique, persiste l’idée que les femmes « savent à quoi s’attendre » lorsqu’elles franchissent le pas d’un cabinet médical, de gynécologie ou lorsqu’elles s’apprêtent à accoucher. Ce préjugé est faux et infondé. Il nuit gravement à la relation de confiance entre un praticien et une patiente, même si celle‑ci a déjà accouché, même si elle a déjà eu des examens de type « frottis », etc….
Le consentement ne peut en aucun cas être tacite. Il doit être constant et donc, questionné tout au long de la relation entre le praticien et la patiente. L’ensemble des personnels professionnels auditionnés décrivent l’impérieuse nécessité d’une relation de dialogue et d’échanges pour éviter tout malaise, toute souffrance ou pour éviter de « réveiller » des traumas.
Un toucher vaginal ou rectal « par surprise », c’est‑à‑dire sans consentement, peut être vécu comme aussi traumatique qu’un viol. S’il est utile parce qu’il permet de fournir des renseignements que l’imagerie ne peut pas apporter, il doit être pratiqué avec le consentement explicite et constant de la patiente.
La gynécologie et l’obstétrique sont des spécialités qui requièrent une dimension psychologique et sociale toute particulière ; les spécialistes comme les médecins non spécialistes doivent a minima se former sur cette dimension afin d’être en mesure de détecter de façon systématique les éventuels « traumas » et les vulnérabilités de leurs patientes, dès lors que l’on traite des zones « intimes ».
Sur le plan physique, les actes de violence peuvent également être des actes médicaux : césariennes à vif, épisiotomies ou touchers vaginaux non consentis, utilisation de l’expression abdominale, la non‑utilisation de l’anesthésie pour des interventions douloureuses, l’introduction d’un spéculum sans en informer la patiente ou la palpation des seins sans son accord au moment de lui expliquer l’allaitement, imposer une position pour un examen ou un accouchement, surmédicaliser un accouchement…
Les VOG sont à l’évidence des violences genrées. Une étude réalisée en Suède sur les violences du soin montre que 60 % des cas de maltraitance en milieu médical sont des femmes. Une étude en Belgique parle d’au moins 20 % de femmes qui disent avoir subi des violences obstétricales et gynécologiques.
Il est assez commun de considérer que les douleurs ressenties par les femmes sont « normales », que « ce n’est qu’un mauvais moment à passer »… Or, le fait de ne pas tenir compte de la douleur pour des actes médicaux, des pratiques ou tout simplement lors du travail pour la délivrance, est un acte de violence.
Les praticiens – sage‑femmes, médecins – sont tenus à un code de déontologie. Dans le code de déontologie médicale, le terme souffrance est employé à l’article 37 : « En toutes circonstances, le médecin doit s’efforcer de soulager les souffrances du malade par des moyens appropriés à son état et l’assister moralement ». Et dans le code de la santé publique, il est précisé dans l’article 1110‑5 : « Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur. Celle‑ci doit être en toute circonstance prévenue, évaluée, prise en compte et traitée ».
Les douleurs des femmes, celles liées à leur condition féminine (menstruations, fausse‑couche, IVG, accouchement, et autres douleurs de l’appareil génital ou des seins), ne doivent plus être considérés comme une affaire de ressenti, variable selon l’état ou la personnalité, voire selon l’origine ethnique ou géographique. La douleur, dès lors qu’elle peut être empêchée ou minimisée, n’a pas sa place dans le suivi obstétrical et gynécologique. Toutes les femmes doivent se voir proposer une évaluation de leurs douleurs par elles‑mêmes. Il n’est pas acceptable que certains personnels portent une évaluation sur l’échelle visuelle analogique (EVA) sans en référer à la patiente.
L’arsenal juridique existe en France pour réprimer certains actes de violences qu’on retrouve dans les VOG. Le code de la santé et le code pénal contiennent les éléments d’une qualification des délits allant de l’outrage sexiste au viol, en passant par le non‑respect du consentement.
Toutefois, il est extrêmement difficile pour les victimes de se faire reconnaître comme telles. Les procédures sont souvent décourageantes : coûteuses, longues, difficiles à prouver (apporter la preuve d’un outrage sexiste dans le cadre d’une consultation en cabinet est impossible sauf à enregistrer la consultation à l’insu du praticien) etc.
De plus, le Conseil de l’ordre des médecins, souvent premier organisme saisi pour signaler des VOG, est plombé par ses dysfonctionnements internes et par son corporatisme. Ainsi, le cas du médecin de l’hôpital de Tenon à Paris, confirme l’inaction coupable du Conseil de l’Ordre. Alors que 36 plaintes ont été déposées, que des médecins‑internes témoignent, le gynécologue mis en cause continue d’exercer.
Dans ses procédures règlementaires, le Conseil de l’Ordre prévoit une audience de « conciliation » entre un plaignant et un médecin. Les associations auditionnées font tout état d’une procédure difficile pour les plaignantes qui doivent faire face à plusieurs médecins, parfois seules car n’ayant pas d’avocat pour les accompagner. La Cour des comptes, dans son rapport L’ordre des médecins de décembre 2019, est sans appel : en 2017, selon les propres statistiques de l’Ordre (que la Cour des comptes juge incomplètes), seules 22 % des courriers de patients signalant un problème avec leur médecin, sont traités. 30 % des plaintes portent sur le comportement d’un médecin. Le rapport précise que « même avertis par la presse de poursuites diligentées à l’encontre des confrères inscrits à leur tableau, les conseils départementaux prennent rarement l’initiative de contacter eux‑mêmes les parquets ou de se constituer partie civile pour avoir accès aux dossiers ».
Dès lors qu’il s’agit de plaintes à caractère sexuel, les données collectées par la Cour des comptes témoignent d’une véritable machine à absoudre ! Par exemple, en 2017, 3,5 % des plaintes sont à caractère sexuel. Parmi ces plaintes, 43 % n’ont pas eu de suite, 11 % ont abouti à un avertissement ou un blâme, 5 % à des suspensions avec sursis (donc non effectives), 12 % à des radiations, 29 % à des interdictions d’exercer avec sursis (donc non effectives).
Le traitement des violences faites aux femmes par le Conseil de l’ordre ne permet pas en létat de lui confier le règlement des plaintes par voie ordinale.
D’ailleurs, il semble également compliqué de confier au Conseil de l’ordre de veiller à la formation continue des médecins en matière de violences faites aux femmes, de bientraitance ou même de mise à niveau sur les pratiques obstétricales. En effet, la Cour des comptes pointe une « absence de contrôle de l’actualisation des compétences des médecins », « un contrôle insuffisant de la déontologie » et dénonce le fait que l’Ordre » a délaissé cette mission ».
Pour les victimes de VOG, il est maintenant urgent d’agir.
L’Organisation des Nations Unies (ONU) a pris des positions claires sur ces violences : le rapport concernant l’adoption d’une démarche fondée sur les droits de la personne dans la lutte contre les mauvais traitements et les violences infligés aux femmes dans les services de santé procréative, en particulier les violences commises pendant l’accouchement et les violences obstétricales, a été adopté le 11 juillet 2019.
Il explicite que les violences obstétricales et gynécologiques sont directement liées à la place accordée aux patientes (c’est‑à‑dire au regard porté sur les femmes), au temps qui leur est prodigué (c’est‑à‑dire aux moyens alloués au système de santé) et à la qualité du dialogue entre celles‑ci et les soignants).
Le Conseil de l’Europe s’est également positionné très clairement à travers le document 14965 (16 septembre 2019), rapport de la commission sur l’égalité et la non‑discrimination de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et l’adoption d’une résolution 2306 le 3 octobre 2019 par l’Assemblée parlementaire.
En France, le rapport n° 2018‑06‑26‑SAN‑034, voté le 26 juin 2018 du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, a posé les bases pour une reconnaissance des VOG et pour des actions concrètes.
Il appelle à une prise de conscience des pouvoir publics, pour reconnaître ces actes sexistes durant le suivi gynécologique et obstétrical, les prévenir, faciliter les procédures de signalements et condamner les pratiques sanctionnées par la loi. Il dénonce clairement les VOG comme étant symptomatiques des inégalités femmes / hommes : « Les mauvais traitements et les violences infligés aux femmes dans les services de santé procréative et pendant l’accouchement sont analysées comme s'inscrivant dans le prolongement des violations commises plus largement du fait des inégalités structurelles, de la discrimination et du patriarcat, et qui sont aussi la conséquence d’une sensibilisation et d’une formation insuffisantes et du non‑respect de l’égalité de statut des femmes et de leurs droits ».
Une proposition de résolution invitant le Gouvernement à faire de la lutte contre les violences obstétricales et gynécologiques une priorité et à mettre en œuvre les recommandations du Haut Conseil à l’égalité en la matière, a même été déposée le 14 septembre 2020, à l’Assemblée nationale.
Plus récemment, au Sénat, une proposition de loi visant à renforcer un suivi gynécologique et obstétrical bientraitant, par Madame la sénatrice Raymonde Poncet Monge, a été déposée le 12 janvier 2023.
Cela fait 5 ans maintenant que la France sait. L’absence d’inscription des VOG dans la loi est un frein à leur reconnaissance et leur répression. Il est illusoire de penser que la prise de conscience suffira : tous les professionnels de santé auditionnés font part des grandes difficultés à faire admettre par le milieu que, même sans le vouloir, certains sont maltraitants.
La prise de conscience est lente, certains considèrent qu’ils ne peuvent pas être violents soit parce que ce sont des femmes qui ne s’imaginent pas capables d’agir avec violence, même malgré elles. D’autres parce que les habitudes sont ancrées à tel point que la remise en cause de certains actes, pourtant faisant l’objet de recommandations, semble inimaginable.
LES VOG SONT RECONNUES DANS QUELQUES PAYS
Le Venezuela interdit et punit les VOG depuis 2008 et les définit comme « l’appropriation du corps et des processus reproductifs des femmes par le personnel de santé, qui se manifeste par un traitement déshumanisant, un abus de médication et une pathologisation de certains processus naturels, entraînant une perte d’autonomie et de capacité de décision libre sur son corps et sa sexualité, affectant négativement la qualité de vie des femmes ». Au Mexique dans l’État du Chiapas, le code pénal prévoit deux à trois ans de prison ainsi qu’une amende pour » toute personne qui altère le processus naturel à travers l’utilisation de techniques d’accélération de l’accouchement sans obtenir le consentement volontaire, explicite et éclairé de la femme ». En 2022, le Comité pour l’élimination des discriminations a demandé à l’Espagne l’indemnisation d’une femme pour violences obstétricales et « de respecter l’autonomie des femmes et leur capacité à prendre des décisions éclairées concernant leur santé reproductive en leur fournissant des informations complètes à chaque étape de l’accouchement » tout en exigeant que « leur consentement libre, préalable et éclairé soit obtenu pour tout traitement invasif pendant l’accouchement ».
La présente proposition de loi ne traite pas du manque de moyens du système de santé, malgré le fait qu’il est un facteur aggravant des VOG.
L’article 1er reconnaît les violences obstétricales et gynécologiques dans notre code pénal. Les outrages sexistes commis dans le cadre d’un suivi obstétrical et gynécologique, soit le fait d’imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante dans ces cadres, seront dorénavant reconnus clairement comme des violences obstétricales et gynécologiques, et considérés comme une forme aggravée de cette infraction.
L’article 2 précise au sein du code pénal pour les formes aggravées de différents crimes et délits (torture et actes de barbarie, viol, agression sexuelle et violences) que ces infractions sont aggravées lorsqu’elles sont commises par un professionnel de santé dans le cadre d’un suivi obstétrical ou gynécologique.
L’article 3 inscrit dans le code de la santé publique qu’aucune intervention mutilante, et notamment l’épisiotomie, ne peut être pratiquée, sauf urgence et impossibilité, sans information de l’intéressé et sans son consentement libre, éclairé et exprès.
L’article 4 garantit dans le code de la santé publique que toute personne a le droit de recevoir des traitements médicamenteux et non‑médicamenteux et des soins visant à soulager sa souffrance. Celle‑ci doit être, en toutes circonstances, prévenue, prise en compte, évaluée et traitée afin de supprimer toute douleur évitable, sauf si la patiente n’y consent pas.
L’article 5 propose de préciser la notion de consentement du patient en complétant l’article L. 1111‑4 du code de la santé publique. Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans avoir recueilli le consentement libre et éclairé, explicite et constant. Le fait de ne pas solliciter ce consentement ou de ne pas tenir compte de l’avis de la patiente au cours de l’examen, est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe, soit 1 500 euros. En cas de récidive, il est puni de trois mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.
L’article 6 prévoit que lorsqu’une plainte est portée devant le conseil départemental de l’ordre ayant pour objet une agression sexuelle ou des violences commises en raison du genre de la personne, y compris des violences obstétricales et gynécologiques relevant de l’article premier de cette proposition de loi, le président du conseil départemental transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance sans procéder à une phase de conciliation préalable. La plainte est transmise sans délai au procureur de la République.
L’article 7 crée une obligation de formation continue, pour les professionnels de santé, aux violences faites aux femmes, aux violences obstétricales et gynécologiques, au recueil du consentement et au rapport à l’intime. Ces formations s’appuient sur les apports de la sociologie et de la psychologie.
L’article 8 permet aux personnes morales d’être considérées comme lanceuses d’alertes. Les associations d’usagers et les associations féministes ainsi que les syndicats pourront ainsi bénéficier de ce statut pour aider les victimes et les témoins.
L’article 9 propose que la commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales puisse émettre un avis et ainsi prendre en compte les traumatismes psychologiques, notamment lorsqu’ils sont liés à un aléa thérapeutique et puisse les indemniser.
L’article 10 propose que l’Observatoire des risques médicaux et risques liés aux soins collecte des données concernant la fréquence de la demande de consentement libre, éclairé et exprès lors des soins, la fréquence des actes sexistes tels que la non prise en compte d’une gêne de la patiente lié au caractère intime de la consultation, les propos porteurs d’un jugement sur la sexualité, la tenue, le poids, l’aspect physique, le genre, les nom et pronoms indiqués par la personne elle‑même, qui renvoient à des injonctions sexistes, les injures sexistes, les actes (intervention médicale, prescription..) exercés sans recueillir le consentement ou sans respecter le choix ou la parole de la patiente, les violences sexuelles telles que le harcèlement sexuel, l’agression sexuelle, le viol exercés par un professionnel de santé sur une personne qu’il a prise en charge. L’observatoire évalue également l’errance médicale occasionnée par la maltraitance des femmes et les moyens mis en œuvre afin de prévenir et traiter la douleur dans le traitement gynécologique et obstétrical. Il recueille les taux de césarienne dans les établissements de santé. Chaque année, l’observatoire publie ces données dans un rapport.
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proposition de loi
TITRE IER
RECONNAISSANCE DES VIOLENCES GYNÉCOLOGIQUES ET OBSTÉTRICALES
Article 1er
Le I de l’article 222‑33‑1‑1 du code pénal est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Par un professionnel de santé en charge d’un suivi gynécologique ou obstétrical. Il constitue alors une violence obstétricale ou gynécologique. »
Article 2
Le chapitre II du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :
1° Le 7° de l’article 222‑3 est complété par les mots : « ou par un professionnel de santé lorsque les faits sont commis dans le cadre d’un suivi obstétrical ou gynécologique » ;
2° Après le 11° de l’article 222‑10, il est inséré un 12° ainsi rédigé :
« 12° Par un professionnel de santé lorsque les faits sont commis dans le cadre d’un suivi obstétrical ou gynécologique. » ;
3° Le 7° de l’article 222‑13 est complété par les mots : « ou par un professionnel de santé lorsque les faits sont commis dans le cadre d’un suivi obstétrical ou gynécologique » ;
4° Le 5° de l’article 222‑24 est complété par les mots : « ou par un professionnel de santé lorsque les faits sont commis dans le cadre d’un suivi obstétrical ou gynécologique » ;
5° Le 3° de l’article 222‑28 est complété par les mots : « ou par un professionnel de santé lorsque les faits sont commis dans le cadre d’un suivi obstétrical ou gynécologique ».
Article 3
Le quatrième alinéa de l’article L. 1111‑4 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Aucune intervention mutilante, et notamment l’épisiotomie, ne peut être pratiquée, sauf urgence et impossibilité, sans information de l’intéressé et sans son consentement libre, éclairé et exprès. »
TITRE II
CONSENTEMENT ET DOULEUR DANS LE SYSTÈME DE SANTÉ
Article 4
Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1110‑5 du code de la santé publique, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Elle se voit proposer une évaluation de la douleur tout au long des soins dont elle bénéficie et un traitement médicamenteux et non‑médicamenteux afin de prévenir et réduire cette douleur. »
Article 5
Le quatrième alinéa de l’article L. 1111‑4 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans avoir recueilli le consentement libre, éclairé et exprès de l’intéressé et ce consentement peut être retiré à tout moment. Le fait de ne pas avoir recueilli ce consentement est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe. En cas de récidive, il est puni de trois mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. »
TITRE III
LUTTE CONTRE LES VIOLENCES OBSTÉTRICALES ET GYNÉCOLOGIQUES ET PROTECTION
Article 6
Après le deuxième alinéa de l’article L. 4123‑2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au deuxième alinéa, lorsque la plainte a pour objet une agression sexuelle ou des violences commises en raison du genre de la personne, y compris des violences obstétricales et gynécologiques relevant du dernier alinéa de l’article 222‑33‑4 du code pénal, le président du conseil départemental transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance sans procéder à une phase de conciliation préalable. La plainte est transmise sans délai au procureur de la République. »
Article 7
L’avant‑dernière phrase de l’article L. 4021‑1 du code de la santé publique est complétée par les mots : « incluant une formation aux violences faites aux femmes, aux violences obstétricales et gynécologiques, au recueil du consentement et au rapport à l’intime ».
Article 8
Au premier alinéa de l’article 6 de la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, après le mot : « physique », sont insérés les mots : « ou morale ».
Article 9
Après le premier alinéa de l’article L. 1142‑8 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La commission émet un avis sur les traumatismes psychologiques, notamment lorsqu’ils sont liés à un aléa thérapeutique, ainsi que sur le régime d’indemnisation applicable. »
Article 10
Avant le dernier alinéa de l’article L. 1142‑29 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’observatoire collecte des données concernant la fréquence de la demande de consentement libre, éclairé et exprès lors des soins, la fréquence des actes sexistes tels que la non prise en compte d’une gêne de la patiente liée au caractère intime de la consultation, les propos porteurs d’un jugement sur la sexualité, la tenue ou encore le poids, qui renvoient à des injonctions sexistes, les injures sexistes, les actes tels que l’intervention médicale ou la prescription exercés sans recueillir le consentement ou sans respecter le choix ou la parole de la patiente, les violences sexuelles telles que le harcèlement sexuel, l’agression sexuelle, le viol exercés par un professionnel de santé sur une personne qu’il a prise en charge. L’observatoire évalue également l’errance médicale occasionnée par la maltraitance des femmes et les moyens mis en œuvre afin de prévenir et traiter la douleur dans le traitement gynécologique et obstétrical. Il recueille les taux de césarienne dans les établissements de santé. Chaque année, l’observatoire publie ces données dans un rapport. »