N° 767

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 2 janvier 2025.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

pour le retour de la sincérité démocratique,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

Mme Christelle D’INTORNI, M. Matthieu BLOCH, M. Bernard CHAIX, M. Marc CHAVENT, M. Bartolomé LENOIR, Mme Hanane MANSOURI,

députés.


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EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les élections législatives anticipées de juin et juillet 2024 présentées comme l’acte fondateur d’une recomposition politique voulue par le Président de la République, comme une clarification nécessaire pour nos institutions, ont plongé notre pays dans une crise institutionnelle sans précédent à l’origine d’une véritable décomposition politique.

Mais au‑delà de ce triste constat d’impuissance qui paralyse tant l’Assemblée nationale que l’exécutif, ces élections ont été ressenties comme un véritable déni de démocratie, comme un hold‑up en bande organisée de la souveraineté populaire par le pouvoir macroniste et ses alliés de circonstance.

Et pour cause : le 9 juin, le Président de la République a demandé au peuple souverain de se prononcer et de retourner aux urnes.

Il a demandé aux électeurs de voter en conscience et de choisir une destinée pour la France.

Le 30 juin 2024, 32 910 888 d’électeurs se sont déplacés aux urnes, soit 66,71 % du corps électoral.

97,42 % des personnes qui se sont déplacées ont voté, portant le nombre de suffrages exprimés à 32 060 277 soit 64 ,99 % des inscrits.

La France a massivement voté.

Les Français se sont massivement exprimés.

Avec 10 646 119 voix, soit 33,21 % des suffrages exprimés et 37 sièges obtenus dès le premier tour, le Rassemblement National et ses alliés À Droite ! sont arrivés largement en tête le 30 juin 2024.

Suivi par le Nouveau Front Populaire qui a été crédité de 27,99 % des voix.

La majorité présidentielle a connu une véritable débâcle avec seulement 6 425 217 voix soit 20,04 % des suffrages exprimés, suivie des Républicains qui ont plafonné à 6,57 % avec 2 104 918 voix à peine.

Les urnes ont parlé : le peuple a placé en tête le Rassemblement National et ses alliés.

Le constat a été sans appel : la France est à droite.

Au second tour, le Rassemblement National et ses alliés À Droite ! ont été crédités de 10 109 044 voix soit 37,05 % des suffrages exprimés.

Pour autant nonobstant ces scores historiquement hauts, le Rassemblement National et ses alliés demeurent minoritaires au sein de l’Assemblée nationale avec 142 sièges contre 187 pour le Nouveau Front Populaire qui a pourtant recueilli près de 3 millions de voix de moins avec seulement 7 004 725 suffrages exprimés et 159 sièges pour le camp présidentiel qui lui a récolté 3,7 millions de voix de moins que le Rassemblement National.

Première force en nombre d’électeurs mais seulement troisième « bloc » dans l’hémicycle.

Cela semble plutôt surréaliste à première lecture et à tout le moins incompréhensible pour les électeurs français qui pensent légitimement s’être fait voler leur élection.

Cette distorsion de la réalité s’explique par les alliances contre nature qui ont été scellées sur le dos des électeurs entre les deux tours par les appareils politiques déchus et humiliés le 30 juin 2024.

214 candidats pourtant qualifiés pour le second tour du 7 juillet 2024 se sont désistés parmi lesquels 127 candidats du Nouveau Front Populaire, 81 candidats de la majorité Présidentielle, 3 candidats de divers gauche et 3 désistements de candidats LR.

214 désistements qui ont été imposés aux électeurs les privant ainsi du choix qui aurait dû être le leur au second tour.

214 désistements pour contrecarrer la volonté souveraine du peuple français qui avait fait le choix de placer le Rassemblement National en tête du 1er tour.

« En démocratie, vous dites ce que vous voulez, et vous faites ce qu’on vous dit » ; tel a été le message imposé aux Français par nos gouvernants et leurs alliés d’occasion.

On ne peut se satisfaire de telles manipulations des suffrages.

Et pour cause, de telles pratiques portent atteinte au principe fondamental de liberté des suffrages qui découle des dispositions l’article 3 de la Constitution qui énonce que « tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques » sont électeurs et que le suffrage est toujours « universel, égal et secret », et de l’article 4 de cette même constitution qui reconnaît l’existence des partis et groupements politiques qui « concourent à l’expression du suffrage » et qui « se forment et exercent leurs activités librement. ».

Cet article de notre texte fondateur ajoute que la loi doit « garantir les expressions pluralistes des opinions. »

Mais également de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, à laquelle se réfère Le Préambule de la Constitution de 1958 qui conditionne le caractère effectif des droits et libertés politiques dans son l’article 6 qui énonce que « la loi est l’expression de la volonté générale. » ajoutant que « tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation ».

Incontestablement ces désistements en cascade ont porté atteinte à la liberté de suffrage des Français.

Dans une proposition de loi ordinaire, Mme Christelle d’Intorni a proposé de modifier les modalités de dépôts des candidatures aux élections législatives par une modification des dispositions de l’article L. 157 du code électoral afin d’imposer une déclaration de candidature unique pour les deux tours de l’élection législative.

Ainsi, chaque candidat ayant obtenu lors du premier tour un nombre de voix égal à au moins 12,5% du nombre d’électeurs inscrits au sein de la circonscription, est automatiquement candidat pour le second tour.

La sincérité démocratique impose que tout désistement entre les deux tours soit interdit. En cas de désistement le candidat sera sanctionné par la déchéance du droit au remboursement forfaitaire des dépenses de campagne.

La présente proposition de loi organique tend, par ses deux articles à sanctionner lesdits désistements viciant la sincérité du scrutin.

L’article 1er introduit une saisine du Conseil constitutionnel selon les mêmes modalités que la contestation de l’élection législative et l’article 2 instaure une inéligibilité de trois ans pour les candidats qualifiés pour le second tour qui se sont désistés en violation de l’article L. 162 du code électoral tel qu’il résulte de la proposition de loi ordinaire connexe.

Seules des mesures fortes, des mesures de bon sens permettront d’éradiquer l’opportunisme et la trahison électorale devenue institutionnelle.

 


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proposition de loi ORGANIQUE

Article 1er

Après l’article L.O. 181 du code électoral, il est inséré un article L.O. 181‑1 ainsi rédigé :

« Art. L.O. 1811. – Les modalités de la saisine du Conseil constitutionnel en cas de désistement d’un candidat à l’élection législative qualifié pour le second tour sont les mêmes que celles de la contestation de l’élection législative. »

Article 2

Après le premier alinéa de l’article L.O. 136‑3 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Saisi d’une contestation de l’élection ou en vertu de la saisine prévue à l’article L.O. 180‑1 du code électoral, le Conseil constitutionnel déclare inéligible pour une durée de trois le candidat à l’élection législative qualifié pour le second tour qui n’a pas maintenu sa candidature en violation de l’article L. 162 du code électoral. »