N° 796
_____
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.
PROPOSITION DE LOI
visant à intégrer explicitement la notion de consentement dans les définitions d’agression sexuelle et de viol,
(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par
Mme Nathalie COLIN-OESTERLÉ, M. Joël BRUNEAU, M. Jean-René CAZENEUVE, M. Philippe FAIT, M. Vincent JEANBRUN, Mme Lise MAGNIER, M. Laurent MAZAURY, M. Hubert OTT, Mme Maud PETIT, Mme Isabelle RAUCH, M. Jean-Pierre TAITE, M. Vincent THIÉBAUT, Mme Anne-Cécile VIOLLAND,
députées et députés.
– 1 –
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
D’après les chiffres de l’Observatoire national des violences faites aux femmes, au cours de l’année 2022, environ 217 000 femmes âgées de 18 à 74 ans ont été victimes de viols, tentatives de viol et/ou agressions sexuelles. Dans 49 % des cas, l’agresseur était une personne connue de la victime, et dans 21 % des cas, il s’agissait du conjoint ou de l’ex‑conjoint.
Or seulement 6 % des victimes portent plainte, et seulement 18 % des plaintes pour viol aboutissent à une condamnation.
Selon le droit actuel à l’aune duquel les auteurs présumés sont jugés, « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco‑génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol ».
En France, la définition actuelle du viol demande à prouver que la victime s’est opposée à la pénétration, et que l’auteur est allé au‑delà de cette opposition en ayant recours à la menace, à la contrainte, à la violence ou à la surprise. Un simple « non » ne suffit pas. Cela rend la qualification juridique du viol particulièrement complexe, notamment dans les situations de contrainte morale ou de surprise plongeant la victime dans un état de sidération, dissociation ou amnésie traumatique.
Changer la définition du viol pour y introduire le consentement, c’est faire de la volonté explicite des individus le pilier de la justice en matière de violences sexuelles. Cela s’inscrit aussi dans la tradition civiliste de notre pays, dont le droit a vocation à codifier la jurisprudence des tribunaux.
Avec cette nouvelle définition, il appartiendra aux magistrats de s’assurer que l’auteur a pris toutes les mesures nécessaires pour s’enquérir du consentement de son ou sa partenaire, eu égard aux circonstances environnantes qu’il ne pouvait raisonnablement ignorer et ce particulièrement dans les situations de vulnérabilité ou de dépendance (en raison de l’âge, d’un lien hiérarchique ou conjugal, d’un handicap, etc.).
L’inscription du consentement dans la définition légale du viol est un combat de principe, un combat de justice, et surtout une nécessité pour mieux protéger les femmes victimes de violences sexuelles. Ce qui pourrait sembler une évidence n’a cessé de se heurter à des résistances politiques. Pourtant, en 2014, la France a ratifié la convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Celle- ci, dans son article 36, alinéa 2, énonce ainsi, à propos du viol, que « le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes ».
La France doit donc sans plus tarder se conformer à ses obligations internationales, juridiquement contraignantes et opérer ce changement de paradigme, à l’instar des pays voisins, comme l’Espagne, la Belgique, la Suisse, la Finlande ou encore la Suède.
Changer la définition du viol pour y introduire le consentement, c’est reconnaître que les victimes, souvent murées dans le silence, méritent une protection plus solide, des droits renforcés et une écoute réelle.
Une avancée majeure qui s’inscrit dans un changement de paradigme global pour une société plus juste, plus digne et plus respectueuse des droits humains fondamentaux.
L’article 1er modifie la définition de l’agression sexuelle consacrée à l’article 222‑22 du Code pénal afin d’introduire la notion de consentement : « Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise sans consentement avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur. »
L’article 2 définit le viol de la façon suivante « Tout acte non consenti de pénétration sexuelle ou de contact bucco‑génital commis sur la personne de l’auteur ou sur la personne d’autrui, est un viol. »
L’article 3 définit un acte non consenti comme « tout acte accompli sur une personne pour atteindre le but recherché par l’auteur en dehors de la volonté de la victime, notamment par menace, contrainte, violence physique ou morale, surprise ou dans une situation ne permettant pas à la personne de se forger une volonté libre en raison de son état physique ou mental ou d’une situation de dépendance ou de vulnérabilité particulière. Ceci est apprécié au regard des circonstances environnantes. »
L’article 4 précise que le consentement ne peut être déduit de l’absence de manifestation d’une résistance à l’acte.
– 1 –
proposition de loi
Article 1er
Au premier alinéa de l’article 222‑22 du code pénal, le mot : « avec » est remplacé par les mots : « sans consentement de la victime, notamment par ».
Article 2
Le premier alinéa de l’article 222‑23 du code pénal est ainsi rédigé :
« Constitue un viol tout acte non consenti de pénétration sexuelle ou acte bucco‑génital commis sur la personne de l’auteur ou sur la personne d’autrui. »
Article 3
Après l’article 222‑22 du code pénal, il est inséré un article 222‑22‑1 A ainsi rédigé :
« Art. 222‑22‑1 A. – On entend par acte non consenti tout acte accompli sur une personne pour atteindre le but recherché par l’auteur en dehors de la volonté de la victime, notamment par menace, contrainte, violence physique ou morale, surprise ou dans une situation ne permettant pas à la personne de se forger une volonté libre en raison de son état physique ou mental ou d’une situation de dépendance ou de vulnérabilité particulière. »
« Le caractère non consenti est apprécié au regard des circonstances environnantes. »
Article 4
Après l’article 222‑22 du code pénal, il est inséré un article 222‑22‑1 B ainsi rédigé :
« Art. 222‑22‑1 B. – Le consentement ne peut être déduit de l’absence de manifestation d’une résistance à l’acte. »