– 1 –

N° 798

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 janvier 2025.

PROPOSITION DE LOI

visant à instaurer une présomption de minorité et à interdire les tests osseux,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-François COULOMME, Mme Mathilde PANOT, Mme Nadège ABOMANGOLI, M. Laurent ALEXANDRE, M. Gabriel AMARD, Mme Ségolène AMIOT, Mme Farida AMRANI, M. Rodrigo ARENAS, M. Raphaël ARNAULT, Mme Anaïs BELOUASSA-CHERIFI, M. Ugo BERNALICIS, M. Christophe BEX, M. Carlos Martens BILONGO, M. Manuel BOMPARD, M. Idir BOUMERTIT, M. Louis BOYARD, M. Pierre-Yves CADALEN, M. Aymeric CARON, M. Sylvain CARRIÈRE, Mme Gabrielle CATHALA, M. Bérenger CERNON, Mme Sophia CHIKIROU, M. Hadrien CLOUET, M. Éric COQUEREL, M. Sébastien DELOGU, M. Aly DIOUARA, Mme Alma DUFOUR, Mme Karen ERODI, Mme Mathilde FELD, M. Emmanuel FERNANDES, Mme Sylvie FERRER, M. Perceval GAILLARD, Mme Clémence GUETTÉ, M. David GUIRAUD, Mme Zahia HAMDANE, Mme Mathilde HIGNET, M. Andy KERBRAT, M. Bastien LACHAUD, M. Abdelkader LAHMAR, M. Maxime LAISNEY, M. Arnaud LE GALL, M. Antoine LÉAUMENT, Mme Élise LEBOUCHER, M. Aurélien LE COQ, M. Jérôme LEGAVRE, Mme Sarah LEGRAIN, Mme Claire LEJEUNE, Mme Murielle LEPVRAUD, Mme Élisa MARTIN, M. Damien MAUDET, Mme Marianne MAXIMI, Mme Marie MESMEUR, Mme Manon MEUNIER, M. Jean-Philippe NILOR, Mme Sandrine NOSBÉ, Mme Danièle OBONO, Mme Nathalie OZIOL, M. René PILATO, M. François PIQUEMAL, M. Thomas PORTES, M. Loïc PRUD’HOMME, M. Jean-Hugues RATENON, M. Arnaud SAINT-MARTIN, M. Aurélien SAINTOUL, Mme Ersilia SOUDAIS, Mme Anne STAMBACH-TERRENOIR, M. Aurélien TACHÉ, Mme Andrée TAURINYA, M. Matthias TAVEL, Mme Aurélie TROUVÉ, M. Paul VANNIER, M. Damien GIRARD, M. Emmanuel GRÉGOIRE, Mme Danielle SIMONNET, M. Boris TAVERNIER, Mme Céline THIÉBAULT-MARTINEZ, M. Pouria AMIRSHAHI,

députés et députées.

 


– 1 –

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Il existe aujourd’hui en France des enfants de nationalité étrangère qui tentent de survivre dans nos rues, livrés à eux‑mêmes et confrontés à tous les dangers qu’entraine leur errance, faute de prise en charge par l’État.

C’est le cas des mineurs non accompagnés (MNA), qui sont des jeunes dont la plupart a vu et vécu ce qu’aucun enfant ne devrait avoir à supporter : la peur, la douleur, la solitude, la misère et l’insécurité, au cours d’un exil bien souvent traumatique, dans le seul but d’espérer vivre dignement.

Nous sommes aujourd’hui dans une situation insoutenable puisqu’une partie d’entre eux sont abandonnés par les services de l’État. En effet, un nombre grandissant de ces enfants ne bénéficient pas d’une prise en charge pourtant indispensable à leur protection et développement. Cela entre en totale contradiction avec la Convention internationale des droits de l’enfant que la France a pourtant ratifiée il y a plus de 30 ans.

Aujourd’hui, les jeunes étrangers en recours pour la reconnaissance de leur minorité en France voient leurs droits fondamentaux bafoués. Leur droit à des conditions de vie décentes est entravé, leur droit à l’éducation est nié́, leurs droits d’être protégés de la violence, de la maltraitance et de toute forme d’abus et d’exploitation sont violés. Malgré́ de multiples signalements, les droits humains et les droits de l’enfant sont ainsi systématiquement méprisés.

Le non‑respect de la présomption de minorité par nos départements, comme l’ont dénoncé à plusieurs reprises le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies ainsi que la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), explique cette situation.

Une pratique actuelle révélatrice d’une présomption de majorité

Lorsqu’un jeune étranger se présente comme mineur, le Conseil départemental doit saisir l’autorité judiciaire – seule compétente pour décider d’un placement auprès de l’aide sociale à l’enfance (ASE) – dans un délai de 5 jours si elle considère que le jeune est effectivement mineur. Durant ce délai, le jeune est mis à l’abri.

Lorsque le Conseil départemental ne saisit pas l’autorité judiciaire et rend ainsi une décision de refus de prise en charge après une évaluation sociale de la minorité alléguée, le jeune peut former un recours contre la décision de refus du Conseil départemental devant le juge des enfants, qui, bien souvent, met des semaines voire des mois à statuer. Durant ce délai, le jeune ne bénéficie d’aucune prise en charge par l’État, l’ASE ne lui est pas accordée, il est de fait considéré comme majeur : c’est ce que nous voulons rectifier par la présente proposition de loi.

L’obligation d’une présomption de minorité rappelée par les plus hautes institutions françaises, européennes et internationales

Selon le Conseil d’État, en raison de sa minorité présumée, le jeune dispose d’une incapacité à agir devant la juridiction administrative pour contester le refus de prise en charge par le Conseil départemental : une personne mineure ne peut saisir que le juge des enfants en droit français. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que le mineur non accompagné doit saisir le juge des enfants et non pas le juge administratif pour contester le refus de sa prise en charge par le Conseil départemental. Ceci est une preuve irréfutable que le jeune est encore considéré comme un mineur après la décision de refus du Conseil départemental. De plus, il rappelle que la décision du Conseil départemental est une décision « administrative, provisoire, non définitive, et soumise au contrôle du juge des enfants » et que « seule l’autorité judiciaire a compétence pour confier durablement un mineur à l’Aide Sociale à l’Enfance », ainsi, dans l’attente d’un jugement définitif par le juge des enfants, le mineur ne peut qu’être considéré comme tel.

Quant aux instances européennes et internationales, elles sont très claires. La présomption de minorité a été consacrée par la CEDH notamment dans sa décision du 15 mars 2019 qui ordonne la mise à l’abri immédiate d’une mineure requérante ayant fait l’objet d’un refus de prise en charge par un Conseil départemental suite à l’évaluation sociale dans l’attente d’une décision de justice.

Quant au Comité des droits de l’enfant, il pose explicitement en mai 2019 qu’il est « impératif qu’il y ait une procédure équitable pour déterminer l’âge d’une personne, et qu’il y ait la possibilité de contester le résultat obtenu par le biais d’une procédure judiciaire. Pendant que ce processus est en cours, la personne doit se voir accorder le bénéfice du doute et être traitée comme un enfant ». À partir du 25 janvier 2023, la France avait 180 jours pour transmettre, au Comité des droits de l’enfant, des renseignements sur les mesures prises à l’égard d’une présomption de minorité. Rien n’a été effectué en ce sens à ce jour.

Ainsi, il est urgent de modifier le cadre légal pour une prise en compte de la présomption de minorité jusqu’à la décision du juge des enfants.

Cette proposition de loi vise à mettre en conformité la législation nationale avec le droit européen et international afin de protéger les droits fondamentaux des mineurs non accompagnés.

L’article unique vise à réécrire l’article 388 du code civil, pour instaurer une présomption de minorité et l’interdiction des examens radiologiques osseux dans l’évaluation de l’âge d’un individu.

 


– 1 –

proposition de loi

Article unique

Les trois derniers alinéas de l’article 388 du code civil sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :

« Toute personne se déclarant mineure bénéficie d’une présomption de minorité. En cas de contestation de minorité, la présomption vaut jusqu’à ce qu’une décision ayant autorité de chose jugée soit rendue. Le doute profite à l’intéressé.

« En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut en aucun cas être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen radiologique osseux, dentaire ou du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires. »